Nov - 2 - 2014

La situation politique que l’on vit aujourd’hui en Catalogne est marquée par le développement du soi-disant « processus de souveraineté », sur lequel nous voudrions exprimer nos opinions et idées pour contribuer au débat en cours et pour expliquer notre position et intervenir dans celui-ci avec une perspective indépendante, de classe et socialiste.

D’abord, c’est un processus qui répond à la volonté légitime et le droit à l’autodétermination du peuple catalan ; deuxièmement, à un ras-le-bol social face à la politique du gouvernement central actuel et à l’ensemble des pouvoirs de l’État visant à décharger sur le dos des classes populaires, le coût de la crise économique actuelle ; et troisièmement, à l’épuisement du régime né de la transition suivant la mort du dictateur, un régime correctement identifié comme  corrompu et anti-démocratique qui consacre l’inégalité sociale et a à sa tête a une institution si haie comme la monarchie.

Après l’immense manifestation du grand « V » du dernier 11 septembre, le Parlement catalan a voté la Loi d’appel à la Consultation du 9N et la Commission de Contrôle a été formée. Presque en parallèle et suivant ses promesses, le gouvernement de Rajoy a contesté l’appel. Comme prévu également, le Conseil constitutionnel a admis   le recours du gouvernement central et a suspendu provisoirement la Loi  de consultation catalane et l’appel au 9N.

La réponse de la Generalitat a été, d’une part,  d’obéir la décision du Tribunal Constitutionnel et en acceptant l’ordre elle a paralysé « de maniere préventive et temporaire » les préparations et la campagne institutionnelle sur la consultation, pour ensuite informer par les médias que «La consultation non vinculantesur l’avenir politique de la Catalogne a été annulée à la demande du gouvernement espagnol » et que  « Le gouvernement catalán a décidé de promouvoir des initiatives legales, politiques et institutionnelles afin d’assurer l’exercice du droit de décider de l’avenir politique de la Catalogne »…

Mais la vérité est que le gouvernement catalán a respecté la décision du Tribunal Constitutionnel. Et se conformer à cette mesure dans le cadre du processus ouvert, signifie, en effet, satisfaire, se conformer, se soumettre et s’incliner devant la « légalité » imposée par les institutions du régime de l’État espagnol, héritier de la transition, avec sa monarchie pourrie à la tête et donc défenseurs de cette Espagne telle qu’elle est et ennemis irréductibles et intransigeants de l’autodétermination du peuple catalan et de tous les autres.

Rappelons que l’actuel état monarchique est un descendant direct du franquisme. Ou, plus précisément, c’est le résulte de l’infâme capitulation du PSOE, du Parti Communiste Espagnol et des partis « nationalistes » (catalan, basque, galicien, etc.) à la monarchie nommée par Franco pour lui succéder  et au personnel politique du régime franquiste qui s’est recyclé dans ce qui est aujourd’hui le PP. Pour cette raison, la décision d’Artur Mas de se respecter le jugement, sachant que le gouvernement de Madrid « fera appel » à tout et que le TC «fera tout » pour empêcher la consultation, c’est un piège, une manœuvre qui détourne et conduit à une impasse le désir légitime des catalans de voter le 9N et de décider de leurs relations avec l’Espagne comme il était prévu dans la Loi de l’appel avant qu’elle ne soit contestée par le gouvernement central, suspendu par le TC et obéi par Artur Mas.

Dans ce contexte, tandis que la date approchait et les délais expiraient, les partis membres du  bloc souverainiste (CiU, ERC, ICV-EUiA et la CUP) ont montré des signes de ne pas être prêts à aller jusqu’au bout dans le processus d’autodétermination. Au contraire: « l’unité » qu’ils ont montré, et qu’ils ont declaré seulement a servi à soutenir à Mas, à gagner du temps et à négocier une issue par le haut. Ce qui n’a rien à voir avec le désir initial et légitime des catalans de voter le 9N comme prévu.

Puisque la   « désobéissance » dont parlent autant ERC et CUP, si elle va vraiment jusqu’au et si elle n’est pas uniquement déclarative et symbolique, implique des conséquences qui pourraient donner lieu à une rupture violente et « désordonnée » de l’Espagne d’aujourd’hui, héritière du régime du ‘ 78. Mais c’est quelque chose qui ne souhaitent ni Rajoy à Madrid, ni Mas et Junqueras à Barcelone. Bien qu’ils se disent ou se réclament nationalistes, ils devraient être disposés à une épuisante confrontation avec Madrid dans tous les domaines… et ils ne le sont pas.

Il ne peut plus avoir aucune doute: la consultation prévue jusqu’à il y a quelques jours  pour le 9N n’aura pas lieu; à sa place, nous aurons un « processus participatif », une sorte de vaste enquête populaire avec bulletins de vote et urnes mais sans recensement, sans des garanties de neutralité et sans un débat politique réel sur les alternatives possibles. La consultation du 9N n’aura pas lieu puisque le gouvernement du PP et la Cour Constitutionnelle, qui lui est fidèle, l’ont interdit, et si quelqu’un attendait autre chose non seulement il est naïf mais malheureusement continue de croire que ce régime est une démocratie.

Mais aussi, il y n’aura de consultation parce que Artur Mas ne l’a pas voulu et les actions du bloc souverainiste sont fonctionnelles à cela. Et pour dévaluer encore plus le 9N, on nous dit que ce n’est  que le  « premier tour » des élections plébiscitaires imminentes dans lesquelles une liste unitaire, avec en tête, bien sûr, par Artur Mas,  « sans aucun doute proclamerait l’indépendance »…

Ne nous trompons pas: ce que Mas veut est un chèque en blanc pour continuer au pouvoir avec l’approbation du mouvement indépendantiste et le bloc souverainiste. Pour continuer au pouvoir et il le dit clairement: si vous voulez l’indépendance  « vous devrez voter par moi ».

Cela dit, il est nécessaire de noter que c’est un processus dirigé par l’actuel gouvernement de la Generalitat, les partis bourgeois qui le soutiennent (CiU et Ezquerra) et les organisations pas de gauche qui sont en train de se construire (comme l’ANC et Omnium). Tous  défenseurs d’une politique égale ou semblable à celle du gouvernement central. Ils sont les exécuteurs des coupes budgétaires en Catalogne et aussi défenseurs de la légalité constitutionnelle (c’est pourquoi ils ont fait la loi de consultations  « adaptée à la Constitution en vigueur »), silencieuses avec la corruption magnifiquement illustrée dans l’ancien père de la nation catalane, Jordi Pujol et bien sûr défenseurs tous également de l’ordre bourgeois, du paiement de la dette et la subordination de l’Union européenne à Bruxelles.

Ces organisations utilisent, et avec un large succès, leur domination sur le processus de souveraineté comme un écran de fumée visant à cacher leur politique et à détourner le juste ras-le-bol social provoqué par leurs coupes budgétaires dans l’éducation, la santé,  leurs expulsions de centres occupés… Comment sinon  s’explique qu‘Artur Mas lui-même, qui a dû descendre en hélicoptère intimidé par le boycott massif au Parlement durant le 15 M, soit aujourd’hui applaudi unanimement? Pourquoi les mêmes diputés du ERC qui ont toléré et soutenu, avec leur vote, la politique de coupes et également sont entrés au Parlament protégés par les mossos (qui aujourd’hui se disent aussi par l’indépendance), sont aujourd’hui ceux qui profitent le plus électoralement du processus?

Tout cela nous oblige à critiquer ouvertement les carences démocratiques du processus souverainiste et dire clairement que cela n’aura pas lieu sous sa direction actuelle, CiU, qui avec le silence plus ou moins complice de tous les autres, l’a trahi.

Il est également important de souligner que, de par comment il est conçu et de par son contenu, qui se reflète dans la campagne par le Oui-Oui qui anime le gouvernement et la plupart des partis pro-consultation, le processus souverainiste catalan, contrairement à la récente campagne vécue en Ecosse, est dominée par critères identitaires, nationalistes, patriotiques, dans le pire sens du terme, sans relation avec les motivations de l’émancipation économique et sociale.

D’autre part, les discussions sur l’élargissement des droits, sur un nouveau  État catalan sans la monarchie, sur le droit de décider de tout, de rompre avec l’Union européenne et d’ouvrir un processus constituant, sont largement minoritaires et réduites au silence la plupart du temps par la ferveur nationaliste.

Avec deux questions, on ne se demande  plus qu’une chose: l’indépendance de l’Espagne, pas l’indépendance de l’Union européenne ni de l’euro. La question de l’indépendance proposée par Artur Mas répond aux critères égoïstes et aux intérêts de la bourgeoisie catalane. Basé sur le fait réel que la Catalogne est l’une des régions les plus riches de l’État espagnol et face à la crise et les réductions budgétaires brutales imposées par Madrid et Bruxelles, il propose la «séparation» de l’Espagne et de la formation d’un nouvel État, encourageant l’illusion que «dire au revoir à l’Espagne c’est dire au revoir à la crise». Dans le même temps, cette question de l’indépendance, puisqu’elle ne conteste pas du tout l’Espagne telle qu’elle est aujourd’hui, avec sa monarchie et ses institutions, exclue et oublie le reste des travailleurs sur le territoire de l’État qui resteraient sous son joug.

Nous défendons le droit à l’autodétermination, mais nous sommes pour une Fédération de républiques ibériques, ouvrière et socialiste

Nous soutenons sans réserve le droit à l’autodétermination des catalans, basques, galiciens et autres nationalités, notamment leur droit à se séparer de l’actuel état espagnol, s’ils en decident ainsi démocratiquement. Mais la solution n’est ne pas d’établir des mini-États bourgeois dans le cadre oppressif de l’Union européenne. Nous ne voulons pas un  État catalan sans roi mais sous le pouvoir politique de la bourgeoisie catalane, c’est-à-dire le nouvel État capitaliste catalan qui est promu par le gouvernement ou le Parlement. En outre, un mini-État catalan dans le cadre de l’Union européenne, serait soumis à des diktats de Berlin et de Bruxelles comme il est maintenant soumis à Madrid. C’est le mirage cultivé par les secteurs de la bourgeoisie qui, jusqu’ail y a pas longtemps étaient inconditionnels de Madrid.

Les classes exploitant espagnoles – aristocratique et bourgeois- et leurs institutions – royalistes, républicains ou fascistes – ont été historiquement incapables de résoudre la question nationale, et la dictature fasciste de Franco, avec son slogan « Une seule Espagne» en réprimant brutalement ceux qui osaient parler en catalan ou basque, seulement a réussi à alimenter les divisions. Et ce n’est pas «l’unité » que nous voulons: nous ne voulons pas l’unité de l’Espagne actuel. Nous sommes pour une République fédérale, ouvrière et socialiste, où se joindront les travailleurs et les peuples de la région!

Comme nous l’avons dit, nous soutenons sans condition le droit à l’autodétermination. Nous voulons rompre avec l’état actuel et sa monarchie. Mais avec la même clarté, il faut dire qu’il ne doit pas y avoir d’illusions! Face à la catastrophe de l’Espagne et dans le contexte de la crise dans l’Union européenne, la seule solution réaliste est l’unité des travailleurs dans la région pour lutter contre les différents gouvernements et la soumission à l’UE. Dans cette perspective révolutionnaire, nous soutenons comme issue de fond la Fédération libre de nos peuples dans une République ouvrier et socialiste.

Le 9N : avec la mobilisation dans les rues pour revendiquer le droit de décider

Le peuple catalan a montré plusieurs fois qu’il veut décider de son avenir et qu’il a le droit de le faire. Il a le droit à un authentique référendum résolutif d’autodétermination et la seule garantie pour que ne soit pas frustré la volonté du peuple catalan d’exercer son droit de décider de le 9N est la mobilisation independant dans les rues. Cela signifie affronter sérieusement le gouvernement central de Madrid, qui prive le peuple catalan de son droit à l’autodétermination. Mais aussi faire face aux manoeuvres de CiU-ERC, représentants de la bourgeoisie catalane.

Cela signifie de défendre et d’imposer avec la mobilisation la réalisation le 9N d’un référendum « décisionnel », sans exclusions, dans lequel puissent voter en pied d’égalité toutes les personnes qui vivent et travaillent en Catalogne, et se battre pour l’appel à une Assemblée constituante révolutionnaire où ce soit vraiment le peuple souverain celui qui décide de son avenir et sur comment doit être le nouvel État.

Décider de notre avenir est beaucoup plus que voter à une élection un programme qui dit seulement « indépendance ». C’est de décider si nous voulons ou pas nous libérer de l’État espagnol. Mais surtout, comment nous voulons que soit la nouvelle Catalogne. Si nous voulons ou pas rester dans l’UE sous la discipline de la troïka, si nous voulons ou pas payer la dette, si nous voulons mettre un terme à la politique de coupes budgétaires dans l’éducation, si nous voulons ou pas une santé digne et gratuite pour tous. Si nous voulons un État qui poursuit les immigrés et les place dans les prisons jusqu’à leur expulsion…

Décider de notre avenir en liberté signifie entamer un processus constituant et ce ne sera  possible qu’avec un référendum d’autodétermination libre, avec des garanties démocratiques, où l’option de l’indépendance ou le maintien au sein de l’Etat espagnol puissent être discutées à égalité et où nous n’oublions pas que les travailleurs et le peuple espagnol sont les uniques et véritables alliés du peuple catalan et de son désir de liberté, tandis que Rajoy et Artur Mas ne le sont pas.

Dans les rues le 9N pour le droit à l’autodétermination du peuple catalan

Pour la libre association des peuples en une République fédérale, ouvrière et socialiste

À bas la monarchie et de l’Espagne de la transition

Assemblée constituante révolutionnaire pour discuter et décider

Socialismo o Barbarie – Estado español, 20/10/2014 - http://sobesp.wordpress.com/

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