Dic - 27 - 2014

Les jours 18 et 19 octobre, Podemos – la formation dirigée par Pablo Iglesias, qui  obtenu 1,2 millions de votes et cinq députés dans les dernières européenness du 25 mai – a réalisé son Assemblée Citoyenne. Il a été l’acte fondateur après lequel Podemos est devenu un « parti » et Pablo Iglesias son sécretaire général. Le « nouveau » parti a adopté le « modèle organisationnel » présenté par l’équipe de collaborateurs d’Iglesias. Et environ 100 000 personnes l’ont voté par  internet. Cet événement a soulevé plusieurs discussions et débats.

La vérité est que Podemos  apparaît en tête dans l’intention vote dans les derniers sondages, surpassant le PP, qui gouverne, et le PSOE, qui est à la tête de  « l’opposition ». Cela ne serait jamais arrivé avec une formation si jeune, de seulement huit mois d’existence.

Podemos a déjà obtenu un résultat spectaculaire dans les européennes en mai dernier. Et maintenant il renforce son lancement à sept mois des élections régionales et municipales et à un an des élections générales. Aux municipales il ne participera pas avec  sa marque, mais intégrera d’autres candidatures. Et il est vrai que Podemos a ébranlé la scène politique espagnole, pouvant faire basculer le jeu électoral et permettant d’entrevoir une fin de cycle dans la politique espagnole si se confirment les prédictions des sondages.

Pour cette raison, tout le monde fait référence à Podemos comme un « phénomène ». Et de la même façon qu’il éveille des illusions et des espoirs, il déclenche également des craintes et des préoccupations. En laissant de côté les craintes qui viennent de la  « caste »  (terme utilisé par Iglesias afin d’éviter de parler de classes sociales, les pauvres, les riches, ou de gauche et de droite) qui se sent menacée dans ses positions et ses privilèges, les illusions qui soulève Podemos atteignent de larges segments de la population mais aussi de l’activisme et de la gauche.

De manière désintéressée beaucoup de gens parlent de Podemos comme « la revanche des indignés » ou les « héritiers du 15M », le 15 mai 2011, lorsque le mouvement des indignés a éclaté. Cette  a suscité des protestations dans tout le pays contre les politiques d’austérité, les coupes budgétaires, le bipartisme, la monarchie et la corruption. Rajoy a a défié le mouvement à former un parti et se présenter aux élections pour se battre pour ses propositions.

Pour beaucoup de gens, ce parti existe aujourd’hui existe et s’appelle Podemos. Et la possibilité de plus en plus concrète que Podemos ait une place au Congrès, nourrit des espoirs d’opposer  quelque chose de « nouveau » ou de « différent » à la canaille qui gouverne l’Espagne depuis le retrait du régime franquiste. Cela a été l’esprit et le moteur du 15M, la remise en cause des piliers fondamentaux de l’Espagne de la transition, la confrontation dans les rues contre les conséquences des coupes budgétaires et l’appétit et le désir que quelque chose change.

Depuis sa création, « Podemos » a repris une grande partie de cet esprit dans son discours et dans son programme et en fait l’a approuvé dans les propositions avec lesquelles il a  obtenu cinq eurodéputés. Mais il est également vrai que, depuis sa consolidation en tant que force politique, on remarque un cours d’adaptation et un virage clair vers le centre dans ses propositions programmatiques, dans son discours et sa politique. Tout cela définit une stratégie purement électorale et qui incarne un projet qui, faussement, cherche à changer les conditions de vie des espagnols au sein du Parlement par des réformes tièdes au niveau du régime. Et cela est incompatible avec l’esprit, les principes, les méthodes, les demandes et les revendications que le 15M mis sur la table.

Basculant le jeu électoral et glissant vers le centre de l’échiquier politique

On peut dire globalement que l’Assemblée Citoyenne a constitué un événement où la discussion s’est concentrée autour des questions d’organisation, mettant le débat politique au deuxième plan. Bien que les deux questions qui ont pris le centre de l’attention ont été le « modèle d’organisation » et la question de la possibilité de se présenter aux élections municipales en 2015 avec le nom Podemos,  c’est le premier qui s’est été imposé et qui a dominé la scène. En bref, beaucoup a été discuté et résolu sur la « forme » d’organisation de Podemos, mais peu ou rien n’a été discutée sur sa politique, sa stratégie et son programme.

Toutefois, dans le discours d’ouverture de l’Assemblée et dans ses apparitions médiatiques suivantes et permanentes, le Secrétaire général lui-même s’est chargé chargé de donner l’orientation du projet programmatique qui commence à s’esquisser et à se fixer. Comme tout le monde l’a noté, il exprime un virage rapide et clair vers la modération. La modération dans le discours, la précaution dans les propositions et la prudence dans la politique, montrent que Podemos s’éloigne de plus en plus des propositions programmatiques avec lesquelles il a obtenu non seulement cinq députés européens, mais aussi la confiance de ceux qui ont voté pour eux et voient en Podemos une possibilité de changement réel.

« Nous sommes ici pour gagner! non pas pour être une force sans importance. Le pays tout entier nous regarde. La caste est vraiment inquiète! N’est-ce pas? Nous n’avons pas peur de discuter parce que nous nous jouons un pays».  » Ce sont les mots avec lesquels Pablo Iglesias a ouvert l’Assemblée. Et au milieu des cris de « Oui on peut! » il a insisté sur la possibilité réelle de conquérir le pouvoir face aux partis de la  « caste ». Il a reconnu que le défi est « très difficile » et il a dit que « nous ne pouvons nous permettre aucune erreur »… sans préciser le caractère politique de cette « erreur » possible.

Il a ajouté également que Podemos veut occuper « le centre de l’échiquier politique » espagnol: l’espace de « une majorité sociale qui fait le pari de la décence » et pour que  « les riches paient des impôts, pour que nous démocratisons l’économie et ne la laissons pas entre les mains de voleurs ». Il a dit que ceux qui gouvernent aujourd’hui «n’ont comme patrie que leurs comptes bancaires en Suisse ou Andorre », lorsque la patrie des citoyens n’est qu’un pays doté des meilleurs services. « Patrie c’est se sentir fier d’avoir les meilleures écoles et les meilleurs hôpitaux. » Parce que  « ce n’est pas la caste ce qui fait marcher le pays, c’est les gens » il a dit et il a exclamé: « C’est ça notre patrie, les gens! ». Iglesias a promis une campagne (pour les élections générales) « qui sera étudiée dans les facultés de Politique ». Et il a conclu: « le ciel ne se prend pas par consensus, il se prend d’assaut ».

En effet, le ciel se prend d’assaut. Mais cet assaut  ne se produira pas avec une politique comme celle que Iglesias propose maintenant. Il s’agit d’une définition claire du virage vers le centre et d’une version « light » du programme original, qui met de côté les grands exigences structurelles et profile un programme réformiste. C’est-à-dire: un programme de réformes superficielles, de changements cosmétiques au niveau du régime, sans toucher trop la structure capitaliste, sur laquelle repose l’État espagnol hérité du 78. Puisque si on ne combat pas le système, la position stratégique de Podemos de conquérir des places au sein du gouvernement et de mettre en œuvre des réformes, se réduisent à une fin en soi; tout au plus, à une administration réformiste du pays.

Ce mouvement vers le centre s’est confirmé dans le silence scandaleux de Podemos face à deux grandes questions soulevées dans la réalité du pays l’an dernier; la Loi de l’Avortement et le droit de décider des Catalans. Ces deux questions ont clivé la société, ont mobilisé et ont attiré l’attention de tout le monde. Mais Podemos n’a rien dit à cet égard, ni en faveur des femmes à décider de leur propre corps, ou en faveur des catalans de décider de leur avenir.

Iglesias ne s’est même pas prononcé dans l’émission de Ana Pastor, « L’objectif » (qui a battu le record d’audience), quand elle lui a demandé si oui ou non dans un référendum Monarchie-République. Il a parlé de « processus constituant » et a déclaré que «monarchie ou République est un débat usé ». Et que, de toute façon, « la question devrait être si les espagnols sommes assez responsables pour décider si le chef de l’Etat doit être élu dans les urnes ou par le sang bleu ». L’abdication récente du Bourbon et les manifestations qui lui ont succédé  demandant un référendum pour  la République ou la fin de la monarchie semblent être « usé » pour Iglesias. Cependant, ils étaient plus à gauche que lui, en mettant en question ou en demandant la fin d’une des institutions héritées de Franco.

Un autre exemple de cette politique de plus en plus de centre, est la question de la dette extérieure. Bien que dans le programme original présenté dans les derniers européennes  on parlait du« non paiement » de la dette, maintenant on parle du « non paiement de la partie illégitime après un audit citoyen ». Face à cette question la question d’Ana Pastor a été lapidaire: «  vous ne reconnaissez pas que vous êtes en train de modérer le message? » Iglesias a dit que « c’est un moyen d’éviter qu’ils disent («la caste»), que nous ne voulons pas payer ». Mais il est clair que payer n’est pas la même chose que ne pas le faire, même s’il s’agit seulement 50 euros. Et cela donne plus de tranquillité à la caste, que d’espoirs et des avantages concrets aux espagnols.

Bien sûr, conformément à ce qui précède et non par erreur ou oubli, les grands absents dans le discours et dans la politique de Podemos sont les travailleurs. Et il n’a même pas eu un soutien minuscule de Podemos aux luttes ouvrières importantes, tels que celles des compagnons de Panrico et Coca Cola, par exemple.

Ce glissement vers le centre de l’échiquier politique, qui montre l’abandon et le renoncement des grandes exigences structurelles, indique  tout simplement que la stratégie présentée par Podemos qui, selon les mots d’Iglesias, peut se résumer par « gagner les élections » et parvenir à un « gouvernement des gens ». C’est-à-dire appliquer une stratégie purement électorale avec un programme clairement réformiste, qui  ne peut signifier que des changements superficiels au niveau du régime, laissant tout le reste tel quel…

Pour un regroupement des révolutionnaires

A cela s’ajoute la consécration d’un régime interne totalement anti-démocratique. Commençant par le mode de votation de l’Assemblée Citoyenne qui, en semblant être « démocratique » cache tout le contraire: le vote électronique avec lequel les propositions ont été validés met au même niveau ceux qui ont fait un simple clic depuis chez eux et ceux qui militent quotidiennement au sein de l’organisation. Il contribue également à donner un poids disproportionné à Pablo Iglesias, personnage hautement médiatisé. Cela s’ajoute aux résolutions prises: choisir la direction national à travers une liste fermée, empêcher les cercles locales de se présenter aux municipales et empêcher la double appartenance – c’est-à-dire, appartenir à la fois à Podemos et à un autre parti – résolution visant directement les militants d’Izquierda Anticapitalista.

Ce programme vise à faire taire l’opposition interne, afin d’évacuer tout débat démocratique par le biais de l’appel au  « caudillo » médiatique Iglesias, maître et seigneur de Podemos. Il vise également à empêcher une véritable élaboration collective au sein d’une formation qui a attiré des centaines de personnes qui ont fait partie des mouvements sociaux et qui font leur première expérience politique, isolant ainsi cette audience de la gauche révolutionnaire.

Dans ce contexte, où la crise économique fait  encore des ravages, face à la crise aiguë du régime et du bipartisme et face à l’option fausse et trompeuse d’issue réformiste qui  propose la direction de Podemos de changer les choses au sein du Parlement et avec des réformes, il est nécessaire et urgent de remettre dans le centre de la scène la classe ouvrière, ses luttes, ses méthodes et son programme, comme la garantie unique de vraiment améliorer nos conditions matérielles de vie.

Pour défendre cette perspective, il est impératif de discuter une intervention commune de tous ceux qui nous réclamons du marxisme révolutionnaire, comme un point de départ fondamental pour avancer dans le regroupement des révolutionnaires.

Par Carla Tog, Socialisme ou Barbarie, 12/10/2014

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