Mar - 7 - 2015

« Tant qu’ils ne nous dérangent pas à l’intérieur de l’usine, nous allons rester dans le pays » (Antonio Marín, directeur de Lear, 1 ° février 2015).

La lutte des travailleurs de Lear s’est terminée par une défaite très dure. La Chambre X de la justice, qui le 16 décembre dernier avait dit que les licenciements étaient « illégaux » parce que l’entreprise n’avait pas fait les démarches la Procédure Préventive de Crise (PPC)[1],  a approuvé maintenant un PCC express fait derrière les dos des travailleurs (procédure déclaré entre fin décembre et la mi- janvier, avec le consentement du SMATA, syndicat de l’automobile dirigé par la bureaucratie, et Tomada le ministre du Travail lui-même).

Comme nous l’avons souligné à l’époque, cette décision de justice qui déclarait les licenciements illégaux a été un pas en avant, mais on devait attendre que les travailleurs licenciés soient réintégrés effectivement au travail pour pouvoir le considérer  un triomphe. Après plus de deux mois, les travailleurs n’ont pas réussi à entrer. Et cette décision défavorable (la validation du PCC par la Chambre X) configure la fin d’une lutte qui, en vérité, depuis août dernier s’est transformé en une campagne  politique, où le rôle de premier plan n’a pas été accomplie par la plus grande partie des travailleurs eux-mêmes.

À la fin de mai  2014 l’entreprise yankee a annoncé le chômage technique massif et indéfini. À la mi-juin, ce chômage technique s’est transformé en licenciements, mettant à la rue environ 240 travailleurs. La commission interne[2] indépendante et de lutte, qui a fait une grande expérience et s’était consolidé quelques mois auparavant en gagnant les élections, a été interdite d’entrée à l’usine par le patronat, mesure que les travailleurs n’ont pas réussi renverser par des actions de lutte à l’intérieur.

À la fin du mois d’août, avec la grave défaite produite par la destitution des délégués[3],  la phase chaude du conflit se ferme: la période dans laquelle se posait l’occupation de l’usine comme un dernier recours pour forcer la réintégration effective des travailleurs  licenciés. Le PTS a laissé passer dramatiquement tous les temps: il a catégoriquement refusé d’aller jusqu’au bout dans la lutte, tenant une stratégie légaliste erronée qui s’est révélée être une fuite en avant. La destitution a marqué une nette défaite du conflit et elle a ouvert une nouvelle phase de la lutte.

Notre parti qui a soutenu la lutte avec force durant les mois de juin, juillet et août, a souligné dans plus d’une occasion que seulement de l’extérieur, avec une simple campagne politique et l’action en justice, le conflit ne pourrait pas être gagné: il fallait imposer un rapports de forces favorable à l’intérieur de l’usine; restaurer la relation avec la base.

Cette conviction n’était pas fondée sur une analyse abstraite, mais dans l’expérience récente de Gestamp, qui a inclut l’annulation scandaleuse de la conciliation obligatoire[4]: cela a montré que la bourgeoisie et son personnel politique était prêt à payer le coût politique et faire n’importe quelle « piège » juridique et administrative afin de détruire les expériences indépendantse dans le syndicat industriel le plus concentré du pays. Il s’agissait de récupérer les méthodes historiques de lutte de notre classe. Le légalisme opportuniste du PTS et son sectarisme aveugle l’a empêché de tirer cette conclusion élémentaire.

On est arrivé à décembre avec un degré élevé de démoralisation des 60 compagnons qui étaient restés fermes: il en restaient seulement 20. Dans ce contexte, la Chambre X a donné la résolution en faveur des travailleurs: le PTS a annoncé que le conflit avait donné lieu à une  « victoire historique »… Pour la deuxième fois consécutive dans cette lutte, le PTS fuitait en avant avec le seul but de garder son prestige de petit groupe. Ils se sont consacrés  à tirer des leçons complètement erronées et fractionnelles visant à désarmer stratégiquement à la nouvelle génération ouvrière pour les durs combats qui viennent.

Dans son journal digital ils ont annoncé  au monde le 16 décembre une soi-disant « Grande victoire pour les indomptables de Lear »:  « La décision de justice d’aujourd’hui, c’est aussi une défaite pour les sceptiques qui voulaient dire que cette lutte que les indomptables de Lear sont prêts à mener jusqu’au bout était finie »… Lundi 22 décembre, dans un article intitulé  « Une grande bataille de classe : comment les indomptables de Lear ont  triomphé », ils ont affirmé: « Cela, faire politique ouvrière, qui devrait être élémentaire, c’est ce que certaines organisations de la gauche, de vision étroitement syndicaliste, n’ont jamais pu comprendre, car ils mesurent le rapport de force en ne incluant dans les « actifs » propres que la disposition des travailleurs de l’intérieur et l’extérieur de lutter, sans voir la situation politique plus générale, les alliés des travailleurs et les divisions dans les classes dirigeantes qui peuvent être utilisées pour triompher. Pour cette raison, aussi, certains se sont précipités, plus d’une fois, pour déclarer que le conflit avait été battu (…) Que est-ce qu’ils disent maintenant? Espérons  qu’ils tirent des conclusions. » En fait, ceux qui devraient tirer des grandes conclusions maintenant, ce sont les dirigeants du PTS…

Parce  que même si tous ces éléments très importants sont des facteurs auxiliaires de la lutte elle-même, le PTS a oublié l’essentiel: les « rapports de force », la disposition même des « ouvriers de l’intérieur et l’extérieurs » à se battre. Ce que le PTS dans son « monde-fétiche » du droit du travail ne peut pas expliquer, c’est que, en fin de compte, des décisions judiciaires favorables seulement peuvent être obtenues et se peuvent se faire valoir dans la mesure où  les travailleurs eux-mêmes ont des relations des forces pour les réaliser, des relations de forces qui doivent être validées, d’abord dans leur propre lieu de travail.

Cette leçon élémentaire,  expliquée par toute la tradition du marxisme révolutionnaire, est ce qui n’a pas pu voir le PTS, n’a pas voulu voir, n’a pas su voir: ils sont tombés dans un crétinisme juridique avec peu de précédents: « Des déviations comme le sustituisme des camarades, le cretinisme purement légal, l’idée selon laquelle seulement à travers des actions légales et politiques on pourrait gagner la lutte, sont une unilatéralité qui peut nous faire perdre les luttes sans les mener jusqu’au bout, sans exploiter toutes les possibilités de la lutte » (Roberto Sáenz, « On ne pouvait pas gagner que de l’extérieur »,  http://www.socialismo-o-barbarie.org/?p=3459).

Le légalisme opportuniste du PTS a empêché que la lutte des travailleurs de Lear soit menée jusqu’au bout. Il est temps de tirer les conclusions de la lutte, en même temps qu’on mène la campagne par le rétablissement des collègues qui restent fermes pour demander leur rétablissement.

____________________________________

[1] La procédure qu’une entreprise doit réaliser pour justifier ses difficultés économiques et recevoir l’habilitation du Ministère de Travail pour licencier.

[2] La commission interne est l’organisme syndical qui dirige l’usine : des élections sont tenues régulièrement pour élire cette commision.

[3] La direction bureaucratique du syndicat, s’appuyant sur la pression physique et psychologique mais aussi sur l’incapacité de la direction indépendante de se lier à la base pendant la lutte, a réussi à faire destituer en Assemblée Générale la commission interne combative.

[4] Pendant la lutte de Gestamp, lors de l’occupation du pont-roulant par les travailleurs licenciés, le Ministère de Travail avait émis une résolution qui incluait la réintégration de tous les travailleurs licenciés. Trois jours après, une fois l’occupation de l’usine finie, le Ministère a annulé sa propre résolution pour battre les travailleurs.

Socialismo o Barbarie, hebdomadaire, nº 321, 05/03/2014

Categoría: Français Etiquetas: ,