Mar - 27 - 2015

Les manifestations du dimanche 15 mars réaffirment que nous sommes entrés dans une nouvelle situation qui requiert d’un effort de la gauche pour surmonter l’inertie politique, si elle ne veut pas être totalement dépasée par la réalité.

Les actes de la droite mobilisent des millions dans tout le pays

On estime qu’autour de 2 millions de personnes ont été présents dans les actes d’opposition au gouvernement. Dans les 26 états, 160 villes et dans quelques villes de l’extérieur, il y a eu des manifestations qui ont levé le drapeau de la lutte contre la corruption à Petrobras et  l’impeachment à Dilma Rousseff. Les grandes manifestations ont eu lieu dans quelques capitales : des données de la Police Militaire (PM) – peu fiables – comptabilisent 80 mille manifestants dans Curitiba, 40 mille à Brasília, 24 mille dans Belo Horizonte et 15 mille à Río de Janeiro. Dans d’autres villes les mobilisations ont été plus petites. À São Paulo a eu lieu la mobilisation la plus nombreuse. Avec une différence méthodologique d’estimation la PM a donné 1 million de personnes et l’Institut Dater Folha a donné 210 mille. Malgré le plein appui politique, ces actes n’ont pas été directement appelés par les partis de l’opposition bourgeoise (PSDB ou DEM), mais par les réseaux sociaux à travers des mouvements néo-conservateurs appelés le « Brésil Libre »,  « Viens à la rue » et d’autres. Elle est indéniable la participation des médias, qui ont appuyé les appels.

Dimanche soir, après les manifestations, deux ministres de Dilma Rousseff, Miguel Rossetto (Secrétaire général) et José Eduardo Cardoso (de la Justice), ils ont donné une conférence de presse sur les protestations. Le centre des déclarations a été de dire que les manifestations proviennent des secteurs qui n’avaient pas voté Dilma, que le gouvernement soutient les enquêtes sur la corruption, qu’il est  ouvert au dialogue avec tous les secteurs, qu’il enverra au Congrès un paquet de lutte contre la corruption et l’impunité.  De même que le dimanche passé, quand Dilma a parlé du Réseau National de Radio et de Télévision, pendant la conférence de presse protestations avaient lieu dans quelques villes. Face à l’impact des événements, le lundi 16 la présidente, après un acte officiel pour annoncer le nouveau Code Civil, a donné une conférence de presse sur le sujet. Elle a réaffirmé le discours des Ministres de dimanche et a ajouté que l’ajustement fiscal était essentiel pour le Brésil et prochainement elle annoncera des mesures pour lutter contre la corruption.

La polarisation politique qui a  comme contexte de fond l’épuisement du pacte Luliste

La défaite de la grève des travailleurs du métro, la répression policière des manifestations pendant la Coupe du Monde et le processus électoral, ont joué le rôle de refroidir les mobilisations populaires. Mais malgré l’offensive du gouvernement et le patronat contre les travailleurs pendant la Coupe du Monde et la victoire très serrée de Dilma, les problèmes politiques n’ont fait que s’accumuler.

Après les élections, dans lesquelles le gouvernement a été réélu par une marge étroite de votes avec l’argument que l’opposition appliquerait des politiques néolibérales, le premier pas du gouvernement a été d’élever le taux d’intérêt. Tout de suite le fameux économiste néolibéral Joaquil Levy Ministre des Finances, et il a annoncé une réfore qui restreint l’accès à l’assurance chômage, à la pension par décès et d’autres prestations. Pour compléter la ligne ouvertement néolibérale, le gouvernement à la fin de l’année a réduit de 30 % du budget fédéral.

En plus des problèmes économiques, le gouvernement perd systématiquement sa base politique. La récession, avec la montée inflationniste et la dévaluation, avec une croissance rapide du chômage [1], forment un composant potentiellement explosif. Maintenant, en plus des dénonces de corruption dans Petrobras, qui touchent directement aux leaders du PT et la perte de contrôle du gouvernement dans le Congrès, le gouvernement fait face à des millions qui demandent sa destitution dans les rues.

Les manifestations du dimanche ont été d’une composition sociale de classe moyenne, en majorité des votants de l’opposition bourgeoise (dans la Date Folha de São Paulo les données ont donné que 82 % des participants ont voté pour Aécio Neves dans les dernières élections présidentielles) qui se sont mobilisés par la demande de jugement politique et avec un programme conservateur contre la corruption.

Par des raisons évidentes, les organisateurs du 15M et les médias voulaient donner un caractère  « non partisan » aux manifestations. Il n’y a pas eu d’espace pour des figures d’extrême-droite comme M. Jair Bolsonaro (PP), qui a été hué et on lui a empêché de parler pendant le meeting à Río de Janeiro. D’autres représentants des partis bourgeois n’ont pas pu parler non plus.

Malgré le déguisement  « démocratique » et  « contre le gouvernement », les événements du dimanche font le lit du secteur le plus conservateur de la scène politique nationale. Ils renforcent aussi la ligne du gouvernement pour imposer des mesures dures contre les droits des travailleurs, comme les coups budgétaires et le gel des salaires des fonctionnaires. Ce n’a pas été par hasard si le centre de ce que Dilma Rousseff a dit dans la conférence de presse lundi consistait à dire que la politique d’ajustement fiscal est cruciale pour le pays. Paradoxalement, le gouvernement s’appuie sur les manifestations conservatrices pour se renforcer dans le Congrès et pour approuver l’ajustement fiscal qui, comme nous l’avons antérieurement marqué, a un caractère de classe centralement anti-ouvrier

Rompre l’inertie de la gauche socialiste est décisif

L’actuelle conjoncture est très dangéreuse, parce que sans l’intervention politique de la classe ouvrière et de la jeunesse, il existe le risque que la situation de plus grande polarisation et de politisation ouverte en juin / 2013 tend à être absorbée par la droite. Selon notre opinion, c’est le problème principal qui doit préoccuper à la gauche indépendante.

On a pu voir dans les rues une partie du phénomène des dernières élections, dans lesquelles le PT a perdu une base électorale dans toutes les régions de travailleurs. Des secteurs de la classe ouvrière mécontente ont été mobilisés par les réseaux sociaux et les médias pour les actes du dimanche passé.

Par ailleurs, depuis le début de l’année une série de luttes ouvrières se produit dans tout le pays. Nous pouvons mentionner brièvement les grèves, avec une occupation partielle des usines : VW métallurgique (Sao Bernardo do Excelle) et GM (São José deux Champs) contre les licenciements massifs. Les grèves et les luttes des travailleurs du bâtiment, la grève de professeurs radicalisés du Parana, l’actuelle grève de professeurs de São Paulo, des balayeurs du Río et d’autres luttes. Même dans la manifestation de défense de Petrobras et contre l’impeachment le 13 mars passé la CUT a eu du mal à cacher le mécontentement avec les mesures de l’ajustement que le gouvernement veut imposer.

Le problème que nous avons ici c’est que malgré la mobilisation de la classe ouvrière, même en utilisant des méthodes radicalisées de lutte, nous n’avons pas encore d’instrument capable d’organiser le mécontentement des masses travailleuses larges et de secteurs populaires avec le gouvernement par la gauche, avec un programme politique indépendant des patrons et du gouvernement.

Ce qui est dramatique du moment actuel c’est que cette situation dans laquelle les forces réactionnaires peuvent faire descendre des millions dans les rues, tandis que la gauche ne mobilise que quelques  centaines, n’est pas le résultat des raisons d’ordre objectif, ou des défaites de la classe ou du manque de conditions. Des larges secteurs des masses travailleuses sont déjà dans en mouvement contre les attaques contre leurs conditions de vie : dans les grèves par l’emploi, le salaire ou les droits du travail. Par conséquent, la construction d’un espace de mobilisation politique qui soit indépendante des patrons et du gouvernement est nécessaire. Un espace qui agglutine les secteurs qui sont mobilisés et ceux qui veulent le faire, pour préparer les actions politiques qui peuvent présenter une alternative aux secteurs de la classe ouvrière que la droite veut séduire.

La situation politique tend à se dilater, du fait des conditions économiques et politiques une solution rapide vers l’un ou l’autre côté n’est pas envisageable. La polarisation entre le gouvernement et l’opposition de droite marquera la scène politique nationale dans les mois suivants. Ce que nous ne pouvons pas permettre c’est que les travailleurs se trouvent attrapés ou même coincés entre le gouvernement et la droite traditionnelle, sans une alternative de classe qui soit construite dans une époque d’effervescence des luttes.

Les plus grandes organisations de la gauche comme le PSTU et le PSOL, ont une grande responsabilité dans la tâche de lutter pour la construction d’une large alternative de classe des travailleurs et de la jeunesse combative. Nous devons rompre l’inertie et prendre des mesures concrètes pour ce moment, le moment de créer un large front de lutte et une plate-forme politique qui représente les intérêts fondamentaux de la classe ouvrière.

Nous ne pouvons pas négliger qu’aujourd’hui c’est la Centrale Unique des Travailleurs celle qui dirige la grande majorité des syndicats et les secteurs les plus importants de travailleurs. Dans un moment de polarisation par la droite les travailleurs devons exiger que la bureaucratie rompe avec la politique du gouvernement et défende les intérêts de la classe ouvrière. Nous savons que cette bureaucratie liée au gouvernement devra donner quelque satisfaction à sa base face aux licenciements, à la réduction de salaires et à la perte de droits. Mais il ne faut pas faire une demande diplomatique à la CUT pour qu’elle se mobilise contre les attaques, nous devons faire cette demande directement dans sa base, dans les usines, dans les lieux de travail et d’étude.

Il est nécessaire la création d’un outil pour mobiliser aux plus larges couches de travailleurs et de jeunes, pour pouvoir exiger aux syndicats principaux qu’ils luttent contre les attaques du gouvernement. Pour créer les conditions nécessaires et pour disputer les bases à la CUT et au PT; le CSP-Conlutas, l’Intersyndicale et d’autres organisations indépendantes doivent convoquer à une réunion urgente pour organiser un calendrier de lutte et une plate-forme politique minimale comme alternative à la montée de la droite.

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[1] Les faibles taux de chômage ont été un point d’appui du gouvernement entre les masses travailleuses.

Déclaration de Praxis – Courant Socialisme ou Barbarie – 17 Mars 2014

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