Mar - 27 - 2015

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Le socialiste qui n’est pas féministe manque de largeur de vues.
Le féministe qui n’est pas socialiste manque de stratégie
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(Louise W. Kneeland, 1914)[1]

La relativement large avant-garde féministe est traversée par les débats sur la théorie queer, qui a détrôné ces dernières années la théorie féministe et s’est présentée comme une amélioration de celle-ci.

De notre point de vue, cette théorie est un obstacle dans la voie de l’émancipation des femmes puis qu’elle vise à dissoudre toutes les  identités opprimées et par conséquent stérilise toute tentative d’organisation de femmes pour leur libération. Les départements d’études de genre dans les universités américaines ont adopté le mot queer (étrange, malade, anormal, en anglais), un mot du langage de la rue utilisé pour désigner de façon péjorative ceux qui vivent une sexualité différente de celle établie par le modèle blanc, occidental et chrétien.

Les milieux académique sont refaçonné le terme, lui donnant une connotation positive censée mettre en question le fait d’imposer des identités de genre (homme-femme) hégémoniques et oppressives. Avec les théories sur la fin de l’histoire, des»grands récits»et des sujets, le post-féminisme se veut être la théorie destinée à élucider la multiplicité des différences sexuelles qui mettent en question ce qui est hégémonique en la matière. Deux livres publiés dans les années 90 du 20e siècle sont fondateurs de cette nouvelle théorie: Epistemology of the Closet (Épistémologie du placard), d’Eve Kosofsky Sedgwick, et Gender Trouble (Trouble dans le genre), de Judith Butler. Butler met en question l’identité «femme» d’un féminisme qu’elle critique en le considérant comme hétérosexiste, puisque il exclut d’autres identités.

Dans cette théorie, les identités comprennent une variété de catégories: sexe, race, classe, nationalité. À ces catégoriesest assignéeune valeur équivalente, elles traversent les sujets (individus) et leur attribuent des identités mouvantes et multiples.

Cette façon de voir la société s’éloigne complètement de l’analyse matérialiste. Il s’agit d’une catégorisation purement abstraite, qui nie les relations qui structurent la société capitaliste, comme si la société était une myriade d’individus traversés par des identités variéeset, qui plus est, l’individu les choisit pour lui-même, en les configurant d’une façon particulière: chaque individuest unique en son espèce.

La société capitaliste, comme toutes les sociétés fondées sur la propriété privée et l’exploitation d’une partie de la population par une autre, a perpétué l’oppression des femmes. Ces relations oppressives ne sont pas un produit original de ce système. Toutefois, le capitalisme a pu englober des formes antérieures de domination; en l’occurrence, l’assujettissement des femmes àla famille patriarcale. La soumission de la femme a une base matérielle de force extraordinaire: la famille comme bastion de la reproduction de la viequotidienne, sphère séparée de la production sociale,du fait du travail non rémunéréeffectué par les femmes. Réduire la catégorie «femme» à une identité purementabstraite nie toute la base matérielle sur laquelle est construite la domination de la partie féminine de l’humanité. Plus encore, c’est nier la possibilitéde construire un mouvement de femmes capables de se rebeller contre le système capitaliste patriarcal.

La route vers l’émancipation des femmes s’ouvre en mettant en question la base matérielle de l’oppression, en engageant une bataille ensemble avec le mouvement LGTTBI, en étroite alliance avec la classe ouvrière, pour en finir avecle systèmed’exploitation, pour l’abolition de la propriété privée, ceci comme point de départ afin d’établir des relations sociales sur de bases nouvelles, plus justes et pluségalitaires. Dans le même temps, la conscience socialiste et féministe est fondamentalepour engager cette difficile bataille, puisqu’autant l’oppression de genre que toute autre forme d’oppression ne disparaitront que dans la mesure oùla classe ouvrièreadopte le programme du féminisme socialiste,et pour celaaccompagne et impulse la formation d’organisations propres des femmes en vue de cette tâche.

Le féminisme a surgi des mouvements de lutte des femmes et aune longue histoire qui remonte aux premières contestataires comme Olympe de Gouges, Mary Wollstonecraft et Flora Tristan. Les différentes vagues du féminisme, qui coïncident avec lesgrands essorsde lutte du mouvement ouvrier et socialiste, ont ensuite gagné le terrain desuniversités, avec les premiersdéveloppements parSimone de Beauvoir, et dans les années 60 du siècle dernier, avec le mouvement féministe nord-américain et européen. Comme tout mouvement vivant, le féminisme a déclenchédifférents courants théoriques endialogue et débat avec les divers courants politiques contemporains.

Les débatsse sont concentrés sur l’identification de la source de l’oppression des femmes:d’où vient le fait que la majeure part de l’humanité (les femmes) sontopprimées; le moment où cette oppressionest apparue; le caractère de la lutte politique pour la surmonter et quels seraientles alliés des femmes danscette lutte.

Déjà les précurseurs du féminisme avaient mis en évidencele rôle secondaire assigné aux femmes. Par exemple, la Convention de Seneca Falls (New York) de 1848 a décidé de lutter pour l’abolition du mariage, le droit d’avoir des enfants sans être mariée, la protection des mères célibataires et de leurs enfants, et le suffrageféminin. De son côté, Friedrich Engels[2] avait désigné le travail domestique et le confinement à la maison comme les tombes des femmes, mettant en évidence qu’il ne s’agit pas d’un fait naturel et identifiant l’origine de ce fait.

L’explication de l’origine sociale de l’oppression a été très bien développée par Simone de Beauvoir qui a indiqué: «on ne naît pas femme, on le devient»[3]. C’est-à-dire, le fait que nous, les femmes, avons été écartées tout au long de l’histoire humaine, ne repose pas sur une infériorité naturelle, mais il s’agit d’une construction sociale. La soumission de la femme est un produit de l’éducation, dans la famille, dans l’école et dans la religion, c’est-à-dire de la socialisation, qui fait de nous une création culturelle toujours définie à partir de l’autre, le père, le mari, les enfants, jamais comme une affirmation identitaire positive.

La catégorie théorique qui permit à mettre en évidence cela est ce qu’on appelle le système sexe/genre, apporté par la féministe nord-américaine Gayle Rubin[4]. Pour Rubin, le patriarcat en partant des différences morphologiques externes (organes génitaux masculins, organes génitaux féminins), attribue aux hommes et aux femmes certaines caractéristiques qui ne sont pas des attributs naturels, mais des constructions sociales.

Ainsi, alors que les hommes sont dépeints comme forts, guerriers,aptes à la politique et la vie publique, les femmes seraient essentiellement des êtres affectueux, destinées à s’occuper des autres et dont le but dans la vie est la maternité et de s’occuper du foyer. Le système sexe/genre construit toute une gamme d’attributs supposés immuables qui aboutit à la relégation des femmes à la sphère privée, tandis que l’homme est destiné au domaine public. Il suppose en outrece qu’on appelle l’hétérosexualité obligatoire ou hétéronormativité, qui impose à tous les êtres humains le modèle de couple homme-femme comme la seule forme de relations sexuelles-affectives. Une des conséquencesles plus importantes de la conceptualisation du couple sexe/genre fut de séparer la procréation de la sexualité, ce qui préoccupait fortement les femmes, et permit de montrer que l’objectif principal du patriarcat est de maintenir les femmes enfermées au foyer, tout en expliquant pourquoi la signification de l’hétéro normativité est d’assurer l’identification obligatoire entre sexualité et procréation.

Plus tard, vers les années 80 du siècle passé, l’ancien mouvement féministea subi un processus de cooptation de la part du système. Le mouvement autrefois autonome cessa de l’être et se réfugia dans les universités, les ONG et les bureaux gouvernementaux consacrés à la politique de «genre».

En accompagnant la théorie de la fin de l’histoire, de la fin des grands récits etde la fin des sujets, dont commença le règne, apparut le post-féminisme et avec lui la théorie queer.

Il ya aujourd’hui une petite mais précieuseavant-garde qui entreprend la lutte concernant le genre, remet en question l’institutionnalisation de la lutte des femmes, critique l’ancien féminisme coopté par le système, mais qui partage aussi ce que nous appellerons le sens commun queer. De notre point de vue, la théorie queer est la fille politique du post-féminisme, et est un produit de la défaite de l’ancien mouvement féministe.

Pour notre part, nous nous définissons comme féministes socialistes et nous considéronsque la lutte contre l’oppression des femmes doit faire partie des tâches visant àsurmonter le capitalisme patriarcal en tant que totalité.

Dans cet article, nous tenterons de rendre compte des débats qui ont traversé le mouvement féministe au long de son histoire, et de ses concepts. Nous présenteronsune critique de la théorie queerdans le sens que nous la considérons comme une vision réactionnaireen ce qui concernela lutte pour l’émancipation des femmes. Enfin, nous exposeronsnospositions concernant la question de savoir quelles sont les catégories et les objectifs que doit se fixer un mouvement des femmescombattif, féministe et socialiste, pour vaincre l’oppression à laquelle nous soumet le capitalisme patriarcal.

Le patriarcat, lutte des femmes et lutte des classes

Toute l’histoire du féminisme a été marquée par l’élan de la lutte politique des femmes dans la rue, les rébellions, guerres et révolutions,ainsi que, aussi, par les défaites, accompagnant les aléas de la lutte de classes plus généralement. Le rythme de la lutte de classe est donné par la confrontationentre bourgeoisie et prolétariat, avec ses variations dans le rapport deforces entre ces deux classes, mais en outreà des périodesoù la bourgeoisie avance,celle-cidécharge sur la famille, et par conséquent sur les femmes, toute la brutalitédont elle est capable. Dans le même temps, l’énergie libérée dans les conquêtesdu prolétariat permet une meilleure situation pour les femmes. D’autre part, les femmes forment un secteur qui, s’il adopte le programme révolutionnaire, est en mesure de remettre en question le patriarcat, qui est un des bastions de lastructure sociale capitaliste. Ce fait est méconnu ou ignoré directementpar le féminisme académique, qui présente toujours les progrès et les reculsdu mouvement des femmes comme des faits isolés.

Depuis l’arrivée de la bourgeoisie au pouvoir, avec le processus de formationdu capitalisme, on peut distinguer quatre grandes étapes historiques de la lutte des femmes pour leur émancipation. Nous allons examiner très brièvement ces étapes, étant donné qu’elles dépassent l’objet de cet article.

Une première étape va de la Révolution française à la Commune de Paris; nous y trouvonsles pionnières du féminisme, comme l’écrivaine anglaise Mary Wollstonecraft, qui en 1792 a écrit le livreA Vindication of the Rights of Woman(Défense des droits de lafemme), où elle explique que les femmes se trouventen condition d’inférioritédans la société en raison de l’éducation sexiste qu’elles reçoivent, et elle identifiela socialisation comme l’origine du retard de la femme et remeten question le supposé originenaturel de la différence sexuelle. Nous pouvons mentionner également Olympia de Gouges, unepaysanne illettréede l’époque de la Révolution française, qui a émigré à Paris, a rejoint les révolutionnaires, est devenueécrivaine et, après avoir écrit la»Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne», fut guillotinée en 1793.

Plus tard, dans la période des premières révolutions véritablement ouvrières du milieu du 19e siècle,se distingua Flora Tristan, qui a fondé l’UnionOuvrière et a consacré sa vie à l’activisme révolutionnaire, en organisant des travailleuses et travailleurs aux portes des ateliers et fabriques, imprimant sa brochureL’Union Ouvrière, organisant des rassemblements. Y compris avant la parution duManifeste communiste de Marx et Engels, Flora a déclaré que «l’émancipation destravailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, et l’émancipation des femmes sera l’œuvre des femmes»[5].

À la même époque se tint aux États-Unis (New York) la Convention de Seneca Falls, organisée par les femmes qui ont fondé le mouvement appelé des suffragettes. Ce mouvement parcourutdifférentes villes du pays et d’Europe, organisant des femmes pour le droit de vote, le droit au divorceet pour conquérir des conditions d’égalité pour les femmes. Il se caractérisait par sesmanifestes, par ses manifestations et par les boycotts des scrutins,ce qui souvent se terminait pour elles par des arrestations.

Lesfemmes de la Commune de Paris (1871)donnèrent un autre exemple important.Quelques-unes parmi elles, comme Louise Michel, faisaient vivre des»Clubs»tels que le «Club de la Révolution». Michel dirigeait un bataillon de femmes, qui a été massacré avecles autrescommunards. Elle réussit à s’échapper, mais fut arrêtée puis déportée à la Nouvelle-Calédonie (Océanie). Elle était lapremière à arborer le drapeau noir, qui allait devenir le symbole de l’anarchisme. À son retour à Paris, elle fut ovationnéepar le peuple et continuait son travail militant en faveur de l’émancipation des travailleurs et des femmes, et elle a passé une grande partie de sa vie en prison.

Toute cette période a été caractérisée par la révolution bourgeoise, avec la montée définitive de la bourgeoisie au pouvoir, puis avec des rébellions ouvrières naissantes, où pour la première fois la classe ouvrière a commencé à prendre conscience de sa condition d’exploitation. Durant ce processus prolongé, non seulement les femmesétaient présentes dans les rébellions, révolutions et révoltes populaires, mais elles ont aussi lutté pour leurs propres droits. Tout au long decette période, le mouvement des femmes s’estconcentré sur la démonstration de leur situationd’infériorité par rapport aux hommes et sur l’objectif d’atteindre des conquêtes significatives d’égalité. La bataille idéologique mettait l’accent sur la démonstration de l’origine non naturelle de l’oppression, en mettant en question la place de deuxième rangassignée aux femmes et, dans le cas des socialistes et anarchistes, en organisant les femmes travailleuses pour s’intégrer aux mouvements insurrectionnels.

La deuxième grande phase que nous faisons ressortir est celle de la révolution et de la contrerévolution de la fin du 19e et dudébut du 20e siècle. Le mouvement des suffragettes et celui des femmes socialistes ont conflué dans la lutte pourles droits démocratiques, afin d’obtenir des réalisations significatives, mais ils se différenciaient par le fait que les socialistes faisaient également partie des organisationsqui luttaient pour la révolution ouvrière. Nous devons mentionner la remarquable militante de la social-démocratie allemande Clara Zetkin,qui a organisé la première section de femmes de l’Internationale communiste et publiait le journal L’Égalité, qui arrivait à un tirage de 100 000 exemplaires.[6]En 1910, la Conférence internationale des femmes socialistes, tenue à Copenhague, au Danemark, proclama le 8 mars Journée internationale de la femme travailleuse, sur une proposition de Zetkin. En Argentine nous pouvons mentionner la grande activité des femmes socialistes, communistes et anarchistes, qui ont produit le journal La Voix des femmes. Ni Dieu, ni maître, ni mari, publié en 1896 et 1897en plusieurs langues par les travailleuses qui affrontaient les employeurs etlescurés.

Mais la Première Guerre mondiale a créé une ligne de démarcation, non seulement au sein du mouvement socialiste de l’époque, mais aussi parmi les organisations de femmes.Alors que les suffragettes bourgeoisesont été silencieuses face à la guerre ou se positionnaient ouvertement aux côtés du nationalisme, adoptant des positions de soutien aux bourgeoisiesen guerre, les socialistes se déclaraient pour l’internationalisme prolétarien, rejetant la guerre impérialiste et appelant la classe ouvrièreà s’unir contre les patrons de tous les pays. Dès 1904, «L’Égalité» sedéclarait contre la guerre, et à la conférence socialiste pour la paix de Bâle (Suisse) en 1912, Clara Zetkin présenta un discours antiguerrelégendaire. Les féministes bourgeoises se sont alignées sur leurs «nations» et ont adopté des positions réactionnaires de soutien à leurs pays dans la guerre. Pour sa part, la grande RosaLuxembourg, qui a passé plus de la moitié de sa vie en prison et a été assassinéepar la contrerévolutionallemande, était un exemple aguerrid’attitude classiste,en affrontantjusqu’à l’appareil ultra-puissant du parti social-démocrate allemandà l’occasion du célèbre vote des crédits de guerre. Alors que ce parti s’est clairement placé du côté de la bourgeoisie allemande,effectuantun saut dans le vide en matière de conciliation des classes, les Spartakistes, avec Rosa etKarl Liebknecht à la tête, se sont maintenus fermes dans leur position d’opposition à la guerre inter-bourgeoise.

Pour ce qui est du rôle des femmes dans la révolution russe, il a été extraordinaire, avec ses dirigeantes remarquablescomme Alexandra Kollontaï,capables d’organiser des réunions dans les pires conditions de la répression tsariste. C’était les femmes travailleuses, aux dires de Léon Trotski dans son Histoire de la révolution russe, qui donnèrent lecoup d’envoi de la Révolution de Février 1917.

«Le 23 février, c’était la “Journée internationale des Femmes”. On projetait, dans les cercles de la social-démocratie, de donner à ce jour sa signification par les moyens d’usage courant: réunions, discours, tracts. La veille encore, il ne serait venu à la pensée de personne que cette “Journée des Femmes” pût inaugurer la révolution. Pas une organisation ne préconisa la grève pour ce jour-là. […] En fait, il est donc établi que la Révolution de Février fut déclenchée par les éléments de la base qui surmontèrent l’opposition de leurs propres organisations révolutionnaires et que l’initiative fut spontanément prise par un contingent du prolétariat exploité et opprimé plus que tous les autres – les travailleuses du textile, au nombre desquelles, doit-on penser, l’on devait compter pas mal de femmes de soldats […] Une foule de femmes, qui n’étaient pas toutes des ouvrières, se dirigea vers la Douma municipale pour réclamer du pain. Autant demander du lait à un bouc. Dans divers quartiers apparurent des drapeaux rouges dont les inscriptions attestaient que les travailleurs exigeaient du pain, mais ne voulaient plus de l’autocratie ni de la guerre. La “Journée des Femmes” avait réussi, elle avait été pleine d’entrain et n’avait pas causé de victimes. Mais de quoi elle était lourde, nul ne se doutait encore dans la soirée[7].

Les conquêtes que la Révolution d’Octobre a apportées aux femmes soviétiquesétaient si amples qu’ellesdépassèrent l’imagination de la féministe la plus aguerrie. D’un seul coup toutes les inégalités formelles furent balayées, par la conquête dudroit au divorce età l’avortement, de la protection des enfants orphelins, du droit de participer à des fonctions politiques, etc. Mais qui plus est, la révolution se préoccupait de la lutte contre les problèmes matériels et culturelsqui produisent l’oppression des femmes. D’une part, fut développé le programme de cantines, laveries et garderies pour alléger le travail domestique, initiant ainsi dans la pratique le programme de socialisation des tâches de la vie quotidienne,les déplaçant vers le domaine de la production sociale. Et d’autre part, furent prisestoutes sortes d’initiatives visant à élever le niveau culturel et à fournir des outilspour l’autoémancipation de la femme.

Ces conquêtes furent éliminées à la racine par lacontrerévolution stalinienne,ce fossoyeur de la révolution bolchévique. En 1931, Staline lança unesérie de décrets destinés à enfermer à nouveau les femmes au foyer, les écartant des usines et des postes de commandement de l’état, argüantd’une abondance supposée qui aurait conduit au»bonheur socialiste». Ainsi, se proscrivaient le droit à l’avortement et d’autres droits conquis, en outre les homosexuels étaient persécutés.

Une mention à part méritent les femmes de la guerre civile espagnole (1936), qui, en désobéissantaux orientations staliniennes qui voulaient les confiner aux soins infirmiers et à la cuisine, donnaient des exemples de valeur sans précédent à manier les armessur le front contre les franquistes, coude à coude avec leurs camarades anarchistes et socialistes.

Toute cette périodeest occultéede manière flagrante dans la littérature officielle féministe, qui ne mentionne que l’apparition de Simone de Beauvoir comme une illumination solitaire dans une époque sombre. Cependant, nous soutenons que c’était une périodecaractérisée par la grande participation des femmes dans des processus extraordinaires de lutte de la classe ouvrière.

La troisième vague d’essor de la lutte sociale et politique s’est produite dans les années 60 et 70 du 20e siècle, caractérisée par le mouvement contre la guerre duVietnam, la Révolution cubaine, les mouvements anticolonialistes du tiers monde, leMai français, le Cordobazo[8] et Tlatelolco[9],etc., pour mentionner les plus remarquables. Comme conséquence de la lutte du mouvement féministe a été obtenuela légalisation de l’avortement dans presque tous les pays d’Europe et aux États-Unisentre 1960 et 1980. Encore une fois, les débats au sein du mouvement féministeportaient sur la caractérisation des mouvements de lutte. Un secteur important du féminisme, comme Juliet Mitchell, soutenaient la thèse que le mouvement socialiste avait omis la question de la d’émancipation de la femme pour s’occuper»seulement» de la révolution prolétarienne.

Mary Alice Waters, membre du Parti socialiste des travailleurs (SocialistWorkers Party, SWP) américain, a fait un exposé solide desdébats et lignes de démarcation au sein du mouvementféministe de l’époque, qui,soit dit en passant, constituent la fracture idéologiqueet politique qui traverse le mouvement féministe jusqu’à aujourd’hui.

Nous citons Waters largement,étant donné que nous considérons queses paroles sont d’une grande valeur:

«Je dois commencer par l’exposé de ce que je considère être la généralisation la plus importante à tirer de l’histoire du marxisme révolutionnaire en relationavec la lutte contre l’oppression des femmes. C’est la suivante: depuis le début du mouvement marxiste jusqu’à aujourd’hui, pendant environ 125 ans, les marxistes révolutionnairesont maintenu une lutte acharnée au sein du mouvementde la classe ouvrière pour déterminer une attitude révolutionnaire envers la lutte delibération des femmes. Ils se sont battus pour lui donner des bases historiques et matérielles, et pour éduquer toute l’avant-garde dans la compréhension de l’importance des luttes des femmes pour la pleine l’égalité et la libération de la situation séculaire dégradanteque constitue l’esclavage domestique. Ce combat a toujours étéune des lignes de démarcation entre lecourant réformiste et celuirévolutionnaire,au sein dela classe ouvrière; parmi ceux qui se sont dédiés à une perspective de lutte de classe, etles adeptes de la ligne de collaboration de classe. L’oppression des femmes etcomment lutter contre elle, a été une pierre de touche dans chaque tournant de l’histoire du mouvement révolutionnaire. Nos prédécesseurs idéologiques etpolitiques, les marxistes révolutionnaires, hommes et femmes, se sont battuscontre tous ceux qui ont refusé d’inscrire la libération des femmes sur ledrapeau du socialisme, ou ceux qui ont soutenu cette libération en paroles mais qui refusaient à se battre pour elle dans la pratique[10]

Alors que le féminisme dit bourgeois maintenait dans des sphères séparées la lutte pour l’émancipation des femmes et les luttes des travailleurs, les féministes socialistes soulignaient le lien étroit entre la lutte pour la libération des femmes, et la lutte de la classe ouvrière visant à changer la société à la racine. Pour sa part, le féminisme bourgeois a inventé la théorie dite du plafond de verre. Selon cette métaphore, la société impose une frontière culturelle au développement des femmes, par laquelle est interdit aux femmes l’accès aux postes importantesdans les institutions sociales et les organismes de l’état. Unereprésentante fidèle de ce courant était Betty Friedan, qui a publiéThe Feminine Mystique(La mystique de la féminité) en 1963, expliquant que la lutte des femmes se conçoit en termes d’obtention de l’égalité. Àce stade, la lutte pour «l’égalité» ne présentait aucune remise en cause du fonctionnement du capitalisme lui-même.Friedansoulignait l’importance de la lutte pour la restructuration de ce qui relève de la maison et de la famille, la parité économique relative au travail, et l’égalité quant à la possibilité del’accès aux postes les plus élevés dans les entreprises, les parlements et les gouvernements.C’est-à-dire il s’agirait de la conquête de l’égalité formelle et de la redistribution des tâches dans le cadre du foyer, ce quine remet absolument pas en cause les fondementsmatériaux de l’oppression des femmes, du fait que n’est pasdénoncé le pilier sur lequel se maintient le patriarcat, à savoirla résolution sous forme privéedes questionsde la vie quotidienne, ce qui, partant, est un des supports du système capitaliste.

En quatrième lieu, avec la chute du mur de Berlin et dudit socialisme réel, s’est ouverte une étape de profonde réaction, dans laquelles’est imposéela «fin de l’histoire», des grands récits, des idéologies et des sujets. Lesthéoriespostmodernessoutenaient que le capitalisme avait réussi à démontrer sa supérioritéabsolue en tant que système qui, même s’il était perfectible, serait le seulcapable d’organiser la société humaine. Les versions de gauche des théories postmodernes sont le post-marxisme et le post-féminisme.

L’irruption des mouvements sociaux, ensemble avec le mouvement antimondialisationet les rébellions populaires en Amérique latine, a remis en questiontous les verbiagessur la fin de l’histoire. En Argentine, l’incorporation de milliers de femmes des mouvementsde travailleurs sans emploi a oxygéné les rencontres nationales de femmes, qui s’étaient trouvées réduites à des forums d’opinion.

La crise capitaliste mondiale massive qui a commencé en 2008, avec la réédition de coups d’état en Amérique latine (Honduras),ouvrira de nouveaux chapitres dela lutte des femmes. La recomposition lente mais tenace du mouvementouvrierengendrera certainement des exemples passionnants et héroïques de la capacité de résistance et de lutte des travailleurs et travailleuses. Dans ce contexte, le mouvement des femmes aussi, bien qu’encore très en retard dans sa recomposition, a produit une nouvelle génération de jeunes combattants, encore très fragmentée et désorganisée, – mais gageons qu’elle va livrer de grandes batailles.

Le féminisme politiquement correct

Le féminisme des années 60 et 70 du 20e siècle se trouvaittraversé une fois de pluspar les débats entre les courants qui mettaient en question le rôle assigné aux femmesmais non le statu quo capitaliste, et ceux qui se tournaient vers la luttesocialiste.

La théorie féministe, avec ses débats et ses différents courants internes, se nourrissait de la lutte vive des femmes. Avec chaque nouvel élan et chaque nouvelleconquête, le mouvement allait de la lutte politique à la théorie. Les théoriciens universitaires étaient à leur tour des activistes remarquablesen faveur des droits des femmes,socialistes, anarchistes, anti-guerre, syndicalistes et ainsi de suite. Les femmes enlutte dans la rue à leur tour faisaient de lathéorie, dans une tradition quise rompt seulementdans les années 80.

Entre les années 80 du 20e siècle et la chute du dit socialisme réel se produitun changement important dans la relation entre la théorie féministe et le mouvement de lutte des femmes ainsi que celle pour les droits des gais et lesbiennes.Comme nous l’avons déjà dit, la fin de l’histoire et des grandsrécits a provoqué lacrise des anciens mouvements, et le féminisme n’a pas fait exception.

Héritiers du féminisme classique du statu quo capitaliste sont les féministes institutionnels actuelles. Le féminisme de l’égalité avait inventé la théorie du «plafond de verre» qui ne remet pas en cause le système capitaliste et selonlaquelle il y a une frontière invisible, mais réelle, qui empêche les femmes d’être à égalité avec les hommes. Par l’effacement de cette frontière les droitsdes femmesiraient s’amplifiant dans la société, ce qui mettrait fin au patriarcat, étant donné que selon cette position le patriarcat se définit comme la répartition inégale despouvoirs entre les hommes et les femmes. La lutte féministe viserait à conquérirdes positions de pouvoir dans le cadre capitaliste. L’objectif serait que plusde femmes arrivent à êtreprésidentes, députées, juges et responsables de grandes entreprisesmultinationales. Ces positions étaient et sont profondément capitalistes,et ne voientaucun lien entre la lutte des femmes et la lutte des oppriméset exploités.

Les versions les plus récentes de cecourant proposent comme objectifla radicalisation de la démocratie. Amelia Valcárcel dit: «Pour ce qui concerne les sociétés politiques à l’intérieur même du cadre de la mondialisation, il est évident que les opportunités et les libertés des femmes augmentent là où les libertés générales sont assurées et où un État prévoyant garantit des minimums adéquats. Le féminisme, qui est à l’origine un démocratisme, dépend pour atteindre ses objectifs de la caution des démocraties.Bien que dans des situations extrêmes la participation active de quelques femmes dans les conflits civils parait faire gagner des positions, le fait est quecelles-ci se consolident seulement dansdes situationslibres et stables[11]

Ce qui revient à dire que le grand objectif du féminisme est d’approfondirla démocratie bourgeoise, en évitant les conflits, en évitant que les femmes soient parties prenantes à la lutte de classes. Au mieux c’est un conseilinutile parce que la virulence d’un système qui n’épargne aucun coup(Grece NT), et dont la «stabilité» est une pure fable de télévision, rend inévitables les «conflits civils».

Et elle ajoute: «De la même manière, la présence et la visibilité des femmes dans les organismes internationaux doit augmenter, ainsi que la capacité d’action des instances internationales de femmes, qu’il s’agisse de forums généraux ou partisans.Les expériences passées dans le cadre de conférences internationales, de déclarations et de forums indiquent la volonté de présence dans le processus complexe de la mondialisation, ainsi que la capacité de lui tracer des objectifs éthiques, politiques et touchant auxpopulations. D’autre part, la présence du féminisme précisément dans les institutions internationales assure également l’adéquation des programmes d’aide en fonction du genre, ainsi que leur efficacité.À un moment où les États nationaux ne sont plus le cadre approprié pour résoudre nombre de problèmes, parce qu’ils se posent au niveau mondial, au-dessus de la capacité d’action individuelle des États, le fait de contribuer à la formation, à l’amélioration et au renforcement des institutions internationales contribue à la cause générale de la liberté féminine[12]

Avec le déclin général dans les années 80, le féminisme classique se réfugia dans les universités, au chaud dans les départements de multiculturalisme,d’études sur les femmes et d’études queer nouvellement créés, étant donné le froid qui régnait dans larue. Pour la première fois la théorie découle d’institutions académiques qui ont peu de rapportavec les luttes dans la rue. Le féminisme classique subit la cooptation de représentantes de l’ancien mouvement féministe de la part desétats et des organismes internationaux de crédit, à travers les ONG européennes et américaines. LeSommet de Beijing (1995) marque un avant et un après. Le thème du genre ou desfemmes passe à être une partie de l’agenda de l’impérialisme et desétats bourgeois,qui affectent des millions de dollars à des études universitaires et pour promouvoir desprogrammes de «développement» pour les femmes dans les pays pauvres. Le concept de»autonomisation» (empowerment, en anglais) contamine tout le langage dunouveau féminisme. C’est un concept scandaleux, qui prend appui sur le désespoir demillions de femmes plongées dans la misère capitaliste, et qui supposeque, si on leur donnedes outils pour monter des entreprises productives insignifiantes, elles réussiront àsortir de la pauvreté. L’impérialisme a adopté la politique dʼ»autonomiser»les femmes pauvres pour consolider l’un des piliers fondamentaux du capitalisme, la famille patriarcalebourgeoise. Face au chômage de masse età la précarisation de la vie, ce sont les femmes des secteurs les plus pauvres quipourraientdonner la cohésion à la famille pour la sauver du désastre. Ainsi,la supposée autonomisation n’estqu’un nouveau maillon de la longue chaine de l’oppression des femmes. La croisade chrétienne pour sauver la familletraditionnellede sa crise se connecte avec les efforts acharnés des agences de financement et d’idéologie au service du capitalisme. Et la contribution desféministes aujourd’hui appelées»institutionnelles»a étéun élément clé à cet égard.

Les conséquences politiques étaient énormes, parce qu’elles ont désarmé le mouvement, déjà rachitique, des femmes dans le monde entier, le réduisant à une poignéedes fonctionnaires déambulant dans les couloirs desparlements, des agences de crédit et des bureaux de l’impérialisme pour obtenir des subventions et des avantages financiers,avec leur sac Louis Vuitton dans une main et leurs billets pour des congrès internationaux, des monographies et des livres dʼ»autonomisation»dans l’autre. Ce sont elles qui ont fait la fêtelorsque le fasciste Bush Jr. avait nommé secrétaire d’État la nonmoins fasciste CondoleezzaRice.

Ce féminisme est également caractérisé par le sectarisme à l’égard desmouvements qui luttent pour les droits des gais, lesbiennes, travestis, etc. Beaucoup de féministesont déduit de la théoriede la pairesexe/genre que l’hétéronormativité est juste une décoration qui peut être ignoré et quimasque plutôtla lutte féministe. Ou, comme on l’entend parfois, la lutte des gays ne contribue pas au mouvement féministe, parce que les gays sont des hommes et font partie du «collectif des hommes qui opprime le collectif des femmes». La bataille des lesbiennes organisées pour queleurs revendications particulières soient comprises dans les revendications des femmesresteà l’ordre du jour.

Sexe/genre et laconfusion du genre

La théorie queer est apparue dans les universités américaines au milieudes années 80 du siècle dernier, fondamentalement à partir des études philosophiqueset littérairespoststructuralistes, qui se basent sur l’idée de déconstruction dusujet. Cette théorie reçoit sa plus grande influence de Michel Foucault etJulia Kristeva.

Le fait que la théorie queera émergé des institutions académiquesmontre à nos yeux qu’elle est la fille de la défaite, et seulement en la voyant sous cet anglela controverse est compréhensible. Cette théorie a pénétré si profond qu’elle semble s’être convertie aujourd’hui ence que nous appelons le «bon sens»de l’activisme de genre.Nous voulons indiquer ses limites parce que nous considérons que ses conséquencespolitiques rendent un mauvais service à la lutte contre le capitalisme patriarcal, puisqu’elle se trouve être une théorie de l’adaptation au système plutôt qu’un cadrethéorique pour la libération, en niant toute matérialité à l’oppression,en la concevantcomme une question purement abstraite et en présentantcomme stérile toute tentative desurmonter le capitalisme patriarcal.

En 1989 parûtGender Trouble (Trouble dans le genre) de l’universitaire nord-américaine Judith Butler. Le courant idéologique dans lequel s’inscrit JudithButler est le post-marxisme,connuprincipalement à travers le travail d’Ernesto Laclau et ChantalleMouffe.

Le post-marxisme se caractérisepar la tentative de produire un mélangeà partir des éléments que ces auteurs considèrent corrects dansle cadre théorique marxistemais dont ils rejettent les aspectsqui se seraientrévélés fausses, tout en caractérisant leur propre travailcomme un dépassement des défauts et erreurs du marxisme traditionnel. D’autre part,en prenant des idées et des élaborations d’autres courants non-marxistes, Laclau présentesa théorie comme une prétendue synthèse, ce qui est en fait une justificationpour son éloignement définitif de toute théorie marxiste et son soutienaux nouveaux populismes, comme celui deHugoChávez.Judith Butler partage les idées despostmarxistes, comme elle l’a démontré dans le livre publié collectivementavecLaclau et Zizek.

Butler est une universitaire nord-américaine de l’Université de Berkeley, elledonne des cours de rhétorique et de littérature comparée et elle écrit sur la théorie queer.Avant les élections présidentielles nord-américaines de 2008 elle a fait campagne pour Barak Obama. Nous mentionnons cela parce que nous rejetons la croyance répandueselon laquelle une chose est la production théorique et une autreles positions politiques. Il nous semble politiquement terrible que Butler arrive dansun pays de la périphérieà faire campagne et de la propagande pour le grand patron de l’impérialisme.

Judith Butler a fait une critique de la notion de genre en partant d’une révision deSimone de Beauvoir. Philosophiquement, le féminisme s’est toujours demandéce que signifie être une femme. Pour de Beauvoir, être une femme est être devenuefemme (on ne nait pas femme, on se fait), la femme se construità partir de ce que la société, invoquant la «nature» de son sexe, lui impose. Bien que ledéveloppement de de Beauvoir est antérieur à l’élaboration de la notion de genre,Butler pense que c’est une approche volontariste du genre. Selon Butler,de Beauvoir voit le sexe comme une donnée, un fait qui correspond aux caractèresreconnaissables du corps, tandis que le genre est une forme culturelle qui se déduit du sexe biologique.

Pour Butler, le sexese construit à partir de l’imposition de genre, et elleattribue au genreun pouvoir «performatif»[13]. C’est à dire, le genre féminin et masculinimposés par l’hétéronormativité «informent»[14] le sexe et le sujet «agit»(performance) de manière à s’ajuster au modèle de l’hétérosexualité obligatoire.

Il faut préciser que Butler, comme tous les postmodernistes, traite le sujet dansun sens individuel. Chaque sujet (personne) interprète le corps à partir du genre. Par conséquent, le corps devient un champ de possibilités d’interprétationque le sujet effectue et «son existence doit être interprétée comme la façon personnelled’assumer et de réinterpréter les préceptes[15] de genre reçus. […]Si nous acceptons le corps en tant que situation culturelle, alors la notion d’un corps naturel et, d’un «sexe» naturelparaissent de plus en plus suspects.Les limites posées au genre, la gamme de possibilités pour une interprétation vécue d’une anatomie différenciée sexuellement, semble restreinte moins par l’anatomie que par les interprétations des institutions culturelles qui ont interprété l’anatomie à titre conventionnel[16].» Donc l’anatomie ne dicte pas le genre, mais le genre est la répétition d’actes et postulats par lesquels le sujet se construit sous l’angle du genre et «choisit» le sexe. Par conséquent, ce qu’on avait priscomme quelque chose dʼ»intérieur» (le sexe) est en réalité une construction volontaire du sujet dans sa libre interprétation du genre.

De cela découle que le système binaire féminin/masculin, qui est hégémonique, impose l’hétéronormativité. Par conséquent, pour Butler, la catégorie femme réifie la norme hétérosexuelle.

«L’effortopiniâtre pour “dénaturaliser” le genre […] a ses origines, je pense, dans un désir intense à la fois de contrer la violence normative que portent en ellesles morphologiesabstraitedu sexe, etd’éliminer les postulats envahissantsau sujet de l’hétérosexualité naturelle ou présumée […][17].»Alors, en choisissant de jouer l’un des deuxgenresde la paire hétéronormative, le sujet perpétue la violence desnormes de genre. Par conséquent, les sujets qui choisissent de jouer d’autres genres multiples situés en dehors de la paire hétéronormative,déstabilisent l’hétérosexualité obligatoire et donc ce qui soutient le patriarcat. Simultanément, le genre-sexe est un résultat politique du discours hétéronormatif. À cet égard,Butler définit que «dire» est égal à «faire» parce dire quelque chose, c’est produire uneffet sur soi ou d’autres. Ce n’est pas ce qu’on dit à un moment unique,mais ce qui se produit par l’itération (réitération rituelle). C’est la performativité,c’est-à-dire la réitération des actes de langage, qui institue le sujet, le construit. Finalement, une supposéperformativité alternative permet ladésidentificationpar rapport auxgenreshégémoniques; la diversité desgenres-sexesparodiques (qui agissent) en opposition auxgenres-sexeshétéronormatifsà partir de la construction de nouveaux discours, peutdéfinir de nouvelles identités. Et du fait qu’il s’agit d’identités en dehors de l’hétéronormativité, nous serions en présence de lapossibilité de l’émancipationsous une forme individuelle et par les actes consistant à nous nommer de manière différente de celles, oppressives, de la paire homme-femme.

Se plaçant dans cette perspective, d’autres féministes ont poursuivi l’élaboration de la notion de femme en apportant des interrogations, et ont abordé la tâche de reconstruction de l’identité féminine. Cesphilosophes féministes suggèrent la nécessité de recodifier et renommer le sujet femme non comme un autre sujet souverain, hiérarchique et d’exclusion, non comme unitaire «mais plutôt comme se divisant encore et encore dans un arc-en-ciel de possibilités non encore codifiées[18].»Elles procèdent à construire une nouvelle subjectivitéféminine, à redéfinir la signification dusujet féminin, en prenant en compte que le terme «femme» n’a pas de signification unique, que les femmes ne sont pas une réalitémonolithique, mais qu’ellesdépendent de multiples expériences et de multiplesvariables qui se superposent, comme la classe, la race, l’orientation sexuelle oule mode de vie. Lorsque elles se réinventent soi-mêmeset présententdes notions desubjectivité alternatives,elles ne recourent pas à des concepts tels que être, substance, sujet, etc., mais àdes catégories conceptuelles comme fluidité, multiplicité, intercorporalité ounomadisme. Par conséquent, le sujet ne peut être défini une fois pour toutes, il est multiple, se transforme, et sonachèvement est ouvert[19].

Le queerconsisterait à surmonter la barrière des deux genres hégémoniques (homme etfemme) qui sont fonctionnels dans le système, et à adopter une identité changeante,nomade, qui ne peut pas être cataloguée ou classée de façon permanente. De là on déduitqu’adopter une identité queer, c’est-à-dire rompre avec le préceptehétéronormatif, constitue la seule véritable subversion du patriarcat. Enapprofondissant, Butler indique: «Parler de performativitédu genre implique que le genre est une action réitérée et soumise à des obligations selondes normes sociales qui nous dépassent. L’action que nous pouvonsincarner en matière de genre serait toujours marquée par un système derécompenses et de punitions. La performativité du genre n’est pas un évènement isolé de son contexte social, c’est une pratique sociale, une réitération continue et constantedans laquelle les règles normatives du genre se négocient. Dans la performativité dugenre, le sujet n’est pas maître de son genre, il neréalisepas simplementla “performance”qui le satisfait le plus, mais il se voit obligé à“jouer” le genre en fonction de règles normativesgénériques qui encouragent et légitiment, ou sanctionnent etexcluent. Dans cette tension, l’exécution du genre qu’on devient est l’effetd’une négociation avec ces règles.»Par conséquent, pour la théorie queer,rompre avec cette norme imposée, la possibilité de changer de «performance», estun acte de courage individuel, de «négocier» un moyen de sortir de ces règles normatives. C’est-à-dire chaque personne peut devenir un autre genre pour autant qu’elle rompt avec la performativitédu genre normatif et se construit à travers une nouvelle performativitécomme un genre nouveau.

Cette idée est,à nos yeux, doublement contestable. D’une part, elle supposequ’il est possible de réaliser une sorte de révolution dans la solitude afin de cesser d’êtreopprimée, ce qui est purement abstrait car il s’agit seulementde se nommer d’une nouvelle façon. D’autre part, ellene fait que placerl’opprimé en une position extrêmement angoissante, en leculpabilisantpour ne pas sortir par ses propres moyens des piègesde l’oppression. En outre, c’est une théorie trompeuse et non concluante,purement idéaliste, qui dilue la nature sociale de l’oppression et dépolitise l’action collective pour l’émancipation.

Monique Wittig, femme de lettres et poétessefrançaise, à la fin de sa vie, occupait une chaire d’Études de Genre à l’Université d’Arizona, aux États-Unis.

Wittig est considérée comme uneprécurseuse de la théorie queer. Dansles années 60 et 70 du siècle passé elle a écrit des œuvres dans lesquelles elle expose sa théorie à propos de l’idée que les lesbiennes ne sont pas des femmes. En 1992 elle a publié une série d’articles sous le titre La Pensée straight.

Wittig fait remarquer que «toute la société est fondée sur la prohibition de l’homosexualité. La société est fondée sur la division en deux genres, masculin-féminin, qui sont hégémoniques. La société patriarcale est basée sur la paire masculin-féminin qui sanctifie l’hétérosexualité obligatoire. L’hétéronormativitémodèle toute l’idéologie et officialise la relation homme-femme en une paire binaire et excluante qui modèle toute la société[20]«.

«Les catégories dont il est question fonctionnent comme des concepts primitifs dans un conglomérat de toutes sortes de disciplines, théories, courants, idées que j’appellerai “la pensée straight” (en référence à la “pensée sauvage” de Lévi-Strauss). Il s’agit de “femme”, “homme”, “différence”, et de toute la série de concepts qui se trouvent affectés par ce marquage, y compris des concepts tels que “histoire”, “culture”, et “réel”. Et bien qu’on ait admis ces dernières années qu’il n’y a pas de nature, que tout est culture, il reste au sein de cette culture un noyau de nature qui résiste à l’examen, une relation qui revêt un caractère d’inéluctabilité dans la culture comme dans la nature, c’est la relation hétérosexuelle ou relation obligatoire entre “l’homme” et “la femme”. Ayant posé comme un principe évident, comme une donnée antérieure à toute science, l’inéluctabilité de cette relation, la pensée straight se livre à une interprétation totalisante à la fois de l’histoire, de la réalité sociale, de la culture et des sociétés, du langage et de tous les phénomènes subjectifs. Je ne peux que souligner ici le caractère oppressif que revêt la pensée straight dans sa tendance à immédiatement universaliser sa production de concepts, à former des lois générales qui valent pour toutes les sociétés, toutes les époques, tous les individus. C’est ainsi qu’on parle de l‘échange des femmes, la différence des sexes, l‘ordre symbolique, l‘inconscient, le désir, la jouissance, la culture, l‘histoire, catégories qui n’ont de sens actuellement que dans l’hétérosexualité ou pensée de la différence des sexes comme dogme philosophique et politique[21]

Wittig part d’une fausse conception sur les fondements de la société actuelle, en considérant que toute la société est fondée sur l’interdiction de l’homosexualité. La société bourgeoise actuelle est fondée sur la position des classes sociales par rapport à la possession des moyens de production. Elle est construite à l’image de et enconformité avec la classe propriétaire, la classe bourgeoise, et ceci en couvrant tous les domaines de la vie, aussi la culture, comprise comme construction sociale en opposition à la nature, «modelant» en outre le type de mise en relation sexuel-affectif, en imposant le précepte de l’hétérosexualité. Analysons le sujetde plus près.

C’est quoi le patriarcat ?

La théorie queerpart d’une définition erronée du patriarcat, en le réduisant exclusivement à l’hétéronormativité, concevant la femme comme un des deux pôles oppressifs de cette hétérosexualité obligatoire. De cette manière, patriarcat et l’hétéronormativité sont synonymes. Cette façon de voir le problème enlève au patriarcat toute une série de responsabilités, qui incluent l’hétéronormativité, mais qui la dépassent.

Le fondement du patriarcat, qui est largement antérieur au capitalisme, est le maintien de la famille comme institution qui garantisse la reproduction de la vie, tant dans le sens de la procréation comme dans celui de garantir les tâches pour la vie quotidienne. La famille s’est transformée dans sa formetout au long de l’histoire depuis l’apparition de la propriété privée, mais son socleest resté intact jusqu’à nos jours. Le capitalisme est le premier système qui arrive à rendre la production de la vie indépendante vis-à-vis des relations de parenté. Si dans toutes les sociétés antérieures le marché était marginal et la production de biens matériels pour la subsistance se garantissaientd’une manière ou d’une autre à partir de l’organisation des relations de parenté, sous le capitalisme l’objectif c’est la production de masse pour la vente sur le marché et non pour satisfaire des besoins.Ainsi, le capitalisme obtient une forme très originale de dépendance, sous l’illusion de l’égalité et de la liberté, où les dominés vendent ou louent leur capacité de travailler pour un salaire. Ce qui en même temps donne l’apparence d’une transaction «libère» et «juste».

Néanmoins, le capitalisme a maintenu une sphère en dehors du cercle marchandde production-distribution-consommation qui caractérise le fonctionnement du système. Et cet aspect est celui de la reproduction de la vie dans les sensdéjà mentionnés. Le capitalisme a eu la capacité d’incorporer au systèmepatriarcal, lui donnant une signification modifiée dans une nouvelle totalité. Le maintien du patriarcat est fondamental pour le fonctionnement du capitalisme, puisqu’il garantit que la reproduction de la vie se faitaux frais et à charge de la moitiéde l’humanité, les femmes, qui effectuent gratuitement ce»travail»[22]. «Le travaildomestique a la propriété, en commun avec d’autres formes de travail concret,de transférer de la valeur en transformant des produits qui sont des marchandises, et qui de ce faitcontiennent une certaine quantité de valeur. Cela implique que le travaildomestiqueest nécessaire pour la reproduction de la force de travail, mais restecomme travail privé individuel, ne fait pas partie du mode de productioncapitaliste de marchandises, mais est une de ses conditions externes d’existence[23]

L’hétéronormativité a comme objectif central l’accomplissement du préceptepatriarcal par excellence, qui est la soumission de la femme au cadredomestique. Pour cela il faut légitimer la sexualité comme appendice de la procréation,convertir la maternité en un destin indiscutable, bien que les médias de communication en masse proclament la «liberté sexuelle».

L’hétéronormativité repose sur l’oppression des femmes. Elle n’est pas une paire à égalité (masculin-féminin) qui subsume le reste des sexualités. En cela Monique Wittig décrit très bien comment ce qui est normal est ce qui est blanc, homme, hétérosexuel, libre.

L’hétérosexualité obligatoire produit la violence envers les femmes, enfants, gays, lesbiennes et trans.

Mais dans la théorie queer il n’y a pas de critique de la famille bourgeoise. Plus encore, dans beaucoup de cas est revendiquéela formation de familles de couples du même sexe sans remettre en cause l’existence d’une des institutions les plus oppressives de l’histoire[24].

Wittig reconnait que le patriarcat opprime non seulement les lesbiennes et les homosexuelles, maisgrand nombre d’autres. Elle indique que «constituer une différence et la contrôler est “un acte de pouvoir puisque c’est un acte essentiellement normatif. Chacun s’essaie à présenter autrui comme différent. Mais tout le monde n’y parvient pas. Il faut être socialement dominant pour y réussir”[25]

Nous nous demandons: la position sociale de pouvoir qui permet de poser des normes, comment seconstruit-elle? Dans le capitalisme le mécanisme principal qui constitue la classe dominante n’est pas la «différence», mais justement lʼ»égalité»apparente, qui estl’idéologie qui masque l’exploitation salariale. C’est pourquoi la lutte par la libération des femmes a sa spécificité au sein de la lutte de «toutesces personnes qui sont en position de dominées»: dans le cas de la femme,il y a une spoliation (le travail domestique) qui, en effet, est basée sur la différence.Et elle est aussi spécifique par rapport à la lutte de ceux qui ne sont pas hétérosexuels, parce quedans ce cas il n’y a pas une spoliation économique basée sur la différence.

Femme et capitalisme

Comme nous l’avons déjà dit, le patriarcat utilise toute sorte d’outils non seulement pour que les femmes continuent à être opprimées; plus encore, pour qu’elles se sentent aussi opprimées»dans le bonheur», le système aliène les femmes pour les convertir en dociles bonnes du travail domestique, en rendant naturel le fait que celles à qui il revient d’effectuer cette tâchesont les femmes.

Cela constitue la négation de la femme comme être à plein titre, parce que son destin est d’être gardienne du foyer et mère. Sa réalisation personnelle vaut moins que rien, puisqu’elle est au service d’autres afin que ceux-ci se réalisent. Pour la grande majorité des femmes, celles qui constituent la masse de femmes travailleuses, ou travailleuses au chômage, l’existence est une combinaison de deux aspects.D’une part, des heures d’exploitationdans les usines, ateliers ou «maquilas»avec des salaires misérables, toujours plusmisérables et pour davantage d’heures de travail, cette tendance étant accentuée par la crise capitaliste. Et d’autre part, faire des miracles  pour nourrir leurs familles, les habiller, les éduqueret soigner les malades. Les heures consacrées au travail domestique et aux soins d’autres ne sont pas un simple détail dans la vie des femmes. Au contraire, elles produisent abrutissement et aliénation. On estime que les femmes destinent untotal de 1700 millions d’heures de travail par an à une tâche incessante qui ne reçoit pas de rétribution économique et qui est tellement mal considéréesocialement[26].

Ensemble avec le précepte patriarcal de la maternité obligatoire, se produit la «déshumanisation» de la maternité, qui cesse d’être une décision libre. Ellegénèrel’idée qu’on n’est pas une femme accomplie si on n’a pas d’enfant. L’avortement dans la clandestinité provoque que des centaines de femmes meurent par manque d’attention médical et de sécurité. Cette procédure, quand elle est effectuée dans des conditions sures,n’entrainepas de risque de mort, mais en clandestinité elle augmente dramatiquement les chiffres des décès évitables,et se transformeen une menace pour les femmes les plus pauvres. EnArgentine sont effectués autour de 500 000 avortements par an, et meurent environ 800 femmes par an pour avortements mal effectués. Les donnéesrécemment présentées par la ligne d’appel»Davantage d’information, moins de risque», qui offre de l’assistance en rapport avec l’utilisation du misoprostol, sont éloquentes. Dans ses quatremois d’existence (entre le 1er aout et le 20 novembre 2009), la lignea reçu 1700 appels de femmes désespérées parce que n’ayant pas de moyens pour arrêter des grossesses non désirées[27].

D’autre part, la négation du désir des femmes, faisant partie de la propriétéprivée d’un autre, latransforme en chose et la laisse exposée à la violence. Selon unrapport présenté par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le pourcentagede femmes qui avaient été en coupleà un certain moment et qui avaient subi de laviolence physique ou sexuelle, ou les deux, de la part de leurpartenaire au cours de leur vie, oscillait entre 15 et 71%, bien que dans la majorité des milieux aient été enregistrésdes indices compris entre 24 et 53%.

La femme en Amérique latine dénonce majoritairement avoir été:
— Giflée ou avoir été cible du jet de quelqu’objet qui pourrait la blesser.
— Poussée ou tiréepar les cheveux.
— Frappée avec le poing ou une autre chose qui pourrait la blesser.
— Frappée avec le pied, trainée ou rouée de coups.
— Strangulée ou brulée volontairement.
— Menacée avec un pistolet, un couteau ou une autre arme, ou on avait utilisé effectivement une quelconque de ces armes contre elle.

Outre les coups, beaucoup de femmes ont été victimes de violence sexuelleen supportant entre autre:
— Être obligée d’avoir des relations sexuelles contre sa volonté.
— Avoir des relations sexuelles par crainte de ce que pourrait faire son partenaire.
— Être obligée d’effectuer un certain acte sexuel qu’elleconsidère dégradant ouhumiliant.

L’OMS assure que les femmes plus jeunes, surtout de l’âge compris entre 15 et 19 ans, courent davantage de risque de faire l’objet de violence physique ou sexuelle, ou les deux.

Entre 20et 75% des femmes avaient éprouvé, au minimum, des actes de maltraitance physique ou psychologique, en majorité dans les 12 derniers mois.

La maltraitance psychologique aussi a affecté les femmes:

— Elles sont insultées ou on les met mal à l’aise envers elles-mêmes.

— Elles ont été humiliées devant les autres.

— Elles ont été intimidées ou terroriséesvolontairement (par exemple, par un partenaire qui crie et jette des choses).

— Elles ont été menacées deviolences physiques (de manière directe, ou indirecte par la menace de blesser quelqu’un d’important pour elle).

Les expressions extrêmes de la violence contre les femmes sont les féminicideset la traite de femmes et d’enfants par les réseaux de prostitution et de travaux forcés. Ces féminicides apparaissent généralement dans la presse bourgeoise comme simples cas policiers ou cas «passionnels», présentés isolément, produits de la «folie» momentanée ou permanente d’un hommeviolent. Toutefois, la violence subie par les femmes, pour la plupart des casprovoquée par des hommes proches de la victime, témoigne d’uneviolence structurelle. Les données sur les décès de femmes causés par des hommes violents,tant dans le ménage comme en dehors, bien qu’elles soient d’accès difficile,puisqu’il n’y a pas de comptabilité officielle à ce sujet (et ceci n’est pas fortuit), montrent que les dommages sont énormes.Selon un rapport produit par l’Asociación Civil La Casa delEncuentro, un espace de femmes lesbiennes féministes, à partir de nouvelles apparuesdans des journaux nationaux, en Argentine rien que dans le premier semestre de 2009il y a eu 82 femmes assassinées, et dans 60% des cas l’assassin est un parentdirect ou indirect. Ces cas sont taxés par la Justice comme»crime passionnel», et dans beaucoup de cas les hommes violents bénéficient d’un non-lieuou sont condamnés à des peines mineures. Un exemple tragique a été l’argumentation d’untribunal de la province de Rio Negro, qui a considéré «que le crime perpétré sur unefemme de 22 ans a été non-intentionnel parce que l’assassin était ivre. Et il aura droit à des permissions de sorties dès 2011. Il a infligé à la femme 75 coups de poignard sans s’arrêter, mais pour le tribunalqui l’a jugé il n’a pas eu l’intention de tuer. Les juges ont décidé que,comme il était ivre, il n’a pas agi de manière préméditée et c’est pourquoi ils lui ont donné seulement 5 ans de prison[28]«.

Selon le Ministère de la Santé argentin, 15% des accouchements impliquentdesjeunes dont l’âge va de 10 à 19 ans,et cette maternité précoce s’élève au triple de la moyenne mondiale, qui est de 5%. Entre 35et 50% des jeunes mères ne travaillent ni étudient. L’éducation sexuelle dans les écoles est conçue de manière à maintenir l’apparence que «tout élève a droit à recevoir une éducation sexuelle intégrale dans les établissements éducatifs publics, de gestion étatique et privée dans les juridictions nationale, provinciale, de la Ville Autonome Buenos Aires et municipale. Pour l’application de cette loi, on entend par éducation sexuelle intégrale celle qui articule des aspects biologiques, psychologiques, sociaux, affectifs et éthiques[29].»Cependant, cette loi est une mascarade qui cache le manque total d’éducation sexuelle dans les écoles, accompagné du manque de diffusion des méthodes contraceptives dans les hôpitaux publics. Et plus encore, elle cache que l’Église catholique a eu une grande influence dans sa rédaction et sur les contenus qui sont supposésdevoir être enseignés.

Selon l’OIT, il y a dans le monde 218 millions d’enfants qui travaillent, et dans ce chiffre il y un pourcentage énorme relevant du travail domestique, qui retombe majoritairement sur les filles, puisqu’on favorise l’accès à des études pour les garçons, et que la pression culturelle veut qu’il incombe aux filles de se préparer pour le futur qui leur est réservé à elles.

De façon générale, la grande majorité des pauvres du monde sont des femmes, filles et garçons.

D’autre part, le patriarcat, dans sa croisade pour maintenir les femmes astreintesau foyer et à la maternité obligatoire, produit une oppression énormesur la sexualitéhumaine. Les relations sexuelles-affectives sont aussi transformées en choseset stigmatisées. Une conséquence de cela est l’hétérosexualité obligatoire,qui comme nous l’avons déjà dit présente le modèle de relation sexuelle-affective monogamique entre un homme et une femme comme le seul possible, désirable et respectable. Cela provoque la persécution, la discrimination et l’occultation des sexualités qui sortent de cette norme. Encore ainsi, le système arrive à s’approprierles luttes des opprimés, en assimilant ce qui est différent de manière aberranteou caricaturale. Dans les séries de télévision importées des États-Unis,il ne manque jamais un gai politiquement correct, ce qui produit une apparencede libérationet de manque de répression. Pendant ce temps, la majorité des personnes qui vivent leursexualité en dehors de la hétéronormativité subissent la persécution, le dédainde la part de leurs parents,le fait d’être poussées dans le cadre du travail à dissimulerleur vie, la stigmatisation et la moquerie.

En conclusion, nous considérons au minimum commenaïf, mais surtout théoriquementabsurde et politiquement réactionnaire le fait de dire que les femmes sontsimplement un pôle du couplehétéronormatifhégémonique. Les données parlenten elles-mêmes.

Pour l’émancipation de la femme

Wittig dit:»En attendant les concepts hétéros se minent. Qu’est-ce que la-femme? Branle-bas général de la défense active. Franchement c’est un problème que les lesbiennes n’ont pas, simple changement de perspective, et il serait impropre de dire que les lesbiennes vivent, s’associent, font l’amour avec des femmes car la-femme n’a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels. Les lesbiennes ne sont pas des femmes. N’est pas davantage une femme, d’ailleurs, toute femme qui n’est pas dans la dépendance personnelle d’un homme[30]

Pour nous, aucune panique ni alarme: nous luttons pour l’extinction des genres, et par conséquent, de la «femme». Le problème est qu’il s’agit de beaucoup plusque de concepts: ce sont des relations sociales matérielles, et pour le moment ons’arrange de façon àce qu’elles surviventà la désagrégationculturelle progressive. Par exemple,on s’adapte à lamise en question de l’hétérosexualité obligatoire en convertissant (comme le dit bien Wittig) l’homosexualité en une autre hétérosexualité.

«Si nous lesbiennes, homosexuels nous continuons à nous dire, à nous concevoir des femmes, des hommes nous contribuons au maintien de l’hétérosexualité. Je suis sûre qu’une transformation économique et politique ne dédramatisera pas ces catégories de langage. Rachète-t-on nègre ? Rachète-t-on négresse ? Rachète-t-on esclave? En quoi femme est-il différent?» se demande Wittig. Nous répondons: en ce qu’il y a eu abolition de l’esclavage dans le cadre de la production sociale, mais nondans le cadre de reproduction de la vie quotidienne, la famille.

Qu’est-ce qu’est la femme dans le capitalisme patriarcal? La femme est la mère. Elle est la seule responsable de la bonne marche de la reproduction, au prix de son travailesclave, et «bonne» étantentendudans le sens de la nécessité du système.Même si elle n’est pas «en relation de dépendance personnelle vis-à-vis d’un homme», elle l’est néanmoins en rapport avec «le système économique et de pensée qui est hétérosexuel». Pour que leconcept de femme cesse d’avoir un sens comme pôle dominéen termes de genre, la société doit encore effectuer la tâche de séparer totalement d’une part la sexualité(vie émotionnelle, identité, inclination individuelle, le désir d’avoir des enfants)comme élément du domaine privé, d’autre part la reproduction de la vie quotidienne comme élément du domaine social. À notre avis, ceci sera possible seulement en abordant la lutte contre le capitalisme comme système total qui inclut le patriarcat.Sur ce chemin, la bataille contre toutes les formes de violence patriarcale estindispensable pour l’émancipation de l’humanité. Nous promouvons l’extinctiondu contrat hétérosexuel. C’est une tâche sociale, non individuelle, parce quece contrat vaperdurer tant qu’on ne construira pas une façon meilleure d’effectuerle travail de reproduction de la vie quotidienne. À notre avis, c’est seulement en convertissantce travail en une branche de la production sociale que termineront le contrathétérosexuel et le patriarcat, et pour celail faut un nouveau type de société,la société socialiste.

Dans la conception queer, comme nous l’avions déjà dit, le fait de sortir de l’oppression est un acte individuel:en adoptant l’identité queer on pourrait sortir de l’oppression. Si le patriarcat seréduit simplement à la hétéronormativité et la femme est un des deux pôles dominants que sustente l’oppression, on conclut qu’en adoptant l’identité queer de manière individuelle on en finirait avec le problème, ce qui est une vision en net recul par rapport au cri de guerre féministe de «le personnel est politique». Toutefois, le patriarcat a une fonction au-delàde la hétéronormativité qui est celle de maintenir les femmes comme garantesde tout le travail domestique. Milliers de millions d’heures des femmes destinées à subvenir à la vie quotidienne, des millions de femmes victimes de violence, des millions de femmes submergées par les tâches les plus dégradantes sont plus qu’une question abstraite. Parce que, nous réitérons, lafinalitédu patriarcat est de garantir la réclusion de la femme au foyer.

Nous, féministes socialistes,de même que nous luttons pour l’extinction des classessociales, c’est-à-dire pour la fin de l’exploitation exercée par la classe bourgeoise sur la classetravailleuse et pour l’extinction de toute forme d’exploitation humaine, nous luttonsaussi pour l’extinction des genres. Ce n’est pas une question purement linguistique.Pour éliminer la catégorie femme il faut dépasser tout un système d’oppressionqui est érigé sur l’aliénation de la femme pour la convertir en unemachine à nettoyer et reproduire.

Mais cet «arc-en-ciel de possibilités encore non codifiées» qui rend comptecorrectement d’une complètepossibilité de liberté sexuelle totale, ne doit pas servirpour dissoudre de manièreréactionnaire le genre femme, qui en tout cas subira une révolutiontotalequand sera possible l’extinction de la propriété privée, et par conséquent celle des classes sociales. Il ne s’agit pas de redistribuer le travaildomestique à l’intérieur de chaque famille isolée, bien qu’hypothétiquementce serait possible, chose qui est très loin d’arriver. Ce dont il s’agit est de socialiserle travail domestique, que les tâches quotidiennes les plus routinièrespassent à faire partie de la sphère de la production sociale. De cette manière pourront s’établir des relations affectives totalement inédites, basées surl’affinité et non conditionnées par des contrats économiques ni des relations oppressives entre les personnes.

Sur ce chemin, la bataille pour améliorer les conditions de vie de millions defemmes, obtenantdes garderies sur les lieux de travail, le droit à l’avortementlibre, légal, sûret gratuit, l’éducation sexuelle scientifique, laïque et féministe,pour la distribution gratuite de contraceptifsdans les hôpitaux publics, pour la libertédes femmesemprisonnés injustement, pour la condamnationd’assassins et violeurs defemmes et d’enfants, pour le droit à vivre une sexualité telle que plaise à chaque personne,pour le démantèlement des réseaux de prostitutionet de traite et l’apparition en vie des femmesséquestrées, pour arrêter l’épidémie de féminicides, tous cela sont des tâches urgentes, nécessaires et inéluctables.

Comme féministes socialistes, nous voulons contribuer à la tâche la plusimportante quise pose aux femmes opprimées. Il est nécessaire de recréer un mouvement de femmes disposé à lutter dans la rue, loin dessubventions et de la cooptationpar l’État et les organismes internationaux de crédit,loin des bureaux gouvernementaux dʼ»empowerment», par et pour les femmes jeunes, travailleuses, occupées et sans emploi, les femmes des quartiers populaires, un mouvement qui adopte comme revendications propres celles du mouvement LGTTBI, et qui soit disposé à lutter contre toutes les misères du capitalisme patriarcal et à conquérir de meilleures conditions de vie pour les femmes.

Nous voulons un mouvement qui revendique l’identification de la femme comme opprimée, qui en se joignant à la lutte collective gagne des attributs positifs, très loin de la déconstructionqueer, qui dissout les femmes opprimées et les nie comme sujet capable de produire un quelconque changement.

Nous avons besoin de construire un mouvement des femmes rebelle, de lutte dans la rue, lié de mille façons à tous les opprimés et exploités, coude à coude avec les minorités sexuelles, affirmant la spécificité de la lutte des femmes de tous les côtés et confluant avec la classe appelée à conduire le changementsocial, la classe travailleuse mondiale, pour une société où n’existe ni propriétéprivée, ni les classes sociales niles genres, une société enfin libre d’exploitation et d’oppression.

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[1]. New Review, Volume 2, New York, 1914.

[2]. Friedrich Engels: L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, 1884.

[3]. Simone de Beauvoir: Le deuxième sexe, 1949.

[4]. Gayle Rubin: «The Traffic in Women – Notes on the ‘political economy’ of sex» (L’économie politique du sexe – Transactions sur les femmes et systèmes de sexe/genre), 1975.

[5]. Tristan, Flora, 1993.NT :En 1843, en France   avant la parution du Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels  , elle publia un opuscule «L’Union ouvrière»  appelant les travailleurs à s’organiser eux-mêmes et à lutter pour conquérir une modification substantielle de leur situation. L’énumération des fondements de cette organisation contient en premier lieu le point suivants: «1. Constituer la classe ouvrière au moyen d’une Union compacte, solide et indissoluble.» En outre, y figure: «8. Reconnaître l’urgente nécessité de donner aux femmes du peuple une éducation morale, intellectuelle et professionnelle, afin qu’elles deviennent les agents moralisateurs des hommes du peuple. 9. Reconnaître, en principe, l’égalité en droit de l’homme et de la femme comme étant l’unique moyen de constituer l’Unité humaine.» Ainsi pour Flora Tristan, la force primordiale de l’émancipation sociale est la classe ouvrière.

C’est en effet aux travailleurs qu’elle s’adresse dans l’appel à l’union ouvrière:

«Ouvriers, en 1791 vos pères ont proclamé l’immortelle Déclaration des “Droits de l’Homme”, et c’est à cette solennelle déclaration que vous devez d’être aujourd’hui des hommes libres et égaux en droit devant la loi.Honneur à vos pères pour cette grande œuvre! Mais, prolétaires, il vous reste à vous, hommes de 1843, une œuvre non moins grande à accomplir. À votre tour, affranchissez les dernières esclaves qui restent encore dans la société française, proclamez les “Droits de la Femme”, […]»

Et Flora Tristan appelle les femmes à se joindre à ce combat, tout en expliquant que la lutte des travailleurs, à son tour, confluera avec la lutte pour l’émancipation des femmes :

Femmes,

[…] resterez-vous silencieuses et toujours cachées, lorsque la classe la plus nombreuse et la plus utile, vos frères et vos sœurs les prolétaires, ceux qui travaillent, souffrent, pleurent et gémissent, viennent vous demander, les mains suppliantes, de les aider à sortir de la misère et de l’ignorance?

Femmes, l’Union Ouvrière a jeté les yeux sur vous. Elle a compris qu’elle ne pouvait pas avoir d’auxiliaires plus dévoués, plus intelligents, plus puissants. Femmes, l’Union Ouvrière a droit à votre gratitude. C’est elle la première qui a reconnu en principe les droits de la femme. Aujourd’hui votre cause et la sienne deviennent communes.

[6]N TÀ partir de 1892 elle avait en charge la direction du journal «L’Égalité» nouvellement créé par le parti social-démocrate, qui arrivait à un tirage de plus de 100 000 exemplaires, puis elle jouait un rôle de premier plan dans l’Internationale des femmes (créée en 1907), associée à l’Internationale socialiste. Plus tard elle dirigeait le secrétariat international des femmes créé en 1921 au sein de l’Internationale communiste, qui publie un journal intitulé «L’internationale communiste des femmes».

[7]. Léon Trotsky: Histoire de la révolution russe,chap. 7 – Cinq journées (du 23 au 27 février 1917).

[8].NT En Argentine, le 28 juin 1966 se produisit un coup d’état qui installa comme président le General Juan Carlos Onganía. C’est dans les conditions de la dictature qu’éclata le 29 mai de 1969 un soulèvement populaire dans la province de Córdoba, caractérisé par une participation à la fois des travailleurs et des étudiants.

[9]. NT Le 2 octobre 1968, fut organisée une manifestation d’étudiants dans la capitale du Mexique, sur la Plaza de las TresCulturas située dans le quartier de Tlatelolco. Des forces militaires intervinrent et effectuèrent un massacre délibéré. Officiellement le chiffre de morts reconnus est d’une cinquantaine; certains estimations indiquent plusieurs centaines (selon des documents déclassifiés depuis, l’Ambassade des USA signale entre 150 et 200 morts).

[10]. Waters, M. A.: 1989.

[11]. Valcárcel, A., 2000.

www.diba.cat/urbal12/cdseminari/ponencias/ameliavalcarcelfra.pdf

[12]. Valcarcel, A., 2000.

www.diba.cat/urbal12/cdseminari/ponencias/ameliavalcarcelfra.pdf

[13]. La terminologie utilisée en français reprend celle des textes originaux, bien qu’en français, en langage courant, les significations spécifiques soient masquées. Perform: Au sens du théâtre, il s’agit de l’accomplissement d’un rôle pré-écrit. Le spectacle dramatique est ainsi le modèle d’une action qui défait les contraintes de la vie en les rejouant sur le mode spectaculaire. Mais il s’agit aussi d’une action. Le motif du jeu mène du spectacle inédit à l’acte répété, qui engage; la performance prend le sens d’une action performative.

[14]. En anglais, inform signifie: conférer une substance, un caractère, une trait distinctif, manifestes à; pénétrer ou imprégner d’un effet manifeste; conférer un principe essentiel ou formative à.

[15]. Butler utilise le terme mandate: (substantif) l’ordre ou l’autorisation d’agir d’une façon particulière; (verbe) ordonner, exiger, rendre obligatoire.

[16]. Femenías, M. L.: 2003, p. 34.

[17]. Butler, J., revista Mu N° 26, juillet 2009.

[18]. Braidotti, R.: 2000.

[19]. Rodríguez Mayorbe, P.: 2006.

[20]. Wittig, edición digital.

[21]. Idem.

[22]. En réalité, il ne s’agit pas de «travail» au sens strict, étant donné justement qu’il s’effectue en dehors des relations salariées. Nous utilisons le terme parce qu’il est répandu dans la littérature féministe concernant ce thème.

[23]. Uría, Pinead, Oliván: 1985.

[24]. Nous considérons juste la revendication de conquérir des droits pour les dites minorités sexuelles, pour obtenir des droits de santé et de ne pas être dépouillés d’un lieu pour vivre quand meurt un des membres du couple, droits qui doivent être conquis pour toutes les personnes. Toutefois, nous critiquons la prétention de quelques secteurs de présenter cette lutte comme une tentative pour entrer dans la «normalité» bourgeoise, sans mettre en question la famille patriarcale.

[25]. Wittig, cit.

La citation donnée par Wittig est extraite de: Claude Faugeron et Philippe Robert, La Justice et son public et les représentations sociales du système pénal, Paris, Masson, 1978.

[26]. Cimac.

[27]. Página 12, 27-12-09.

[28]. Clarín, 12-9-09.

[29]. Programa Nacional de Educación Sexual Integral, Ley 26.150, octobre 2006.

[30]. Wittig, cit.

Inés Zadu (Las Rojas), Socialismo o Barbarie (revue), Nº 23/24, Décembre 2009

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