Jul - 2 - 2015

Voter de manière critique pour le NON!

Sortir de l’euro en prenant des mesures anticapitalistes!

Aucun accord avec les responsables de l’austérité! Aucune confiance dans Tsipras !

Tous dans la rue pour imposer un programme au service des travailleurs et du peuple grec!

Après cinq mois de négociations avec la troïka, à l’issue de cette édition le référendum appelé par le gouvernement de Syriza est toujours en marche. Avec lui le peuple grec sera consulté sur les demandes présentées par les créanciers. À celle-ci, il devra répondre « Oui » ou « Non ». Cet événement, qui implique objectivement une aggravation de la crise politique, financière et économique autour de la dette grecque, concerne, en fin de compte, la question si le pays continuera assujetti aux diktats des organismes impérialistes européennes ou si la base pour une voie indépendant pour la Grèce sera créée.

L’impasse de Tsipras

Les négociations avec la troïka ont été un grand fiasco, marqué par les reculs de plus en plus importants de Tsipras et la claire volonté des « institutions » de détruire non seulement économiquement mais aussi politiquement le peuple grec. Loin de démontrer que « l’Europe est un espace de négociation et d’accords bénéfiques pour les deux parties » (tel que Tsipras avait déclaré après sa capitulation scandaleuse du 20 février), les négociations ont montré le vrai visage de l’Union Européenne et de ses alliés : une série d’institutions au service du grand capital et des gouvernements impérialistes, dont le seul but est de saigner la Grèce jusqu’au bout.

De là que jusqu’à présent, l’accord a été frustré alors que les principaux analystes le prenaient par un fait accompli et que vendredi dernier même on était à « quelques millions d’euros » d’arriver à un accord. En effet : la Troïka, encouragée par des reculs successifs de Tsipras, a fait le pari d’infliger une sévère défaite politique, une humiliation totale qui pourrait servir d’avertissement préventif à n’importe qui – en premier lieu l’Espagne sous un éventuel gouvernement de Podemos – qui oserait de remettre en question même une virgule des programmes d’austérité de l’UE.

Le refus à appeler à la mobilisation

Certains voient dans l’appel au référendum une preuve de « la lutte de Tsipras contre de l’UE », un acte vraiment « démocratique » contre les attaques des institutions impérialistes…

En vrai, il n’y a eu aucune lutte de Tsipras contre l’Union Européenne. L’accord que la partie grecque a présentée lundi 22 juin à la Troïka incluait les mesures anti-populaires essentielles que celle-ci exigeait : la réforme des retraites, l’augmentation de la TVA, la poursuite des privatisations, le surplus budgétaire primaire, etc..

Sans aucun doute, la proposition de la Troïka était encore pire : une plus forte hausse de la TVA, le refus de discuter de toute restructuration de la dette ; etc. C’était clairement un programme qui visait à faire payer encore plus la crise à la classe ouvrière, laissant indemnes les grosses fortunes. Mais cela ne supprime pas le fait que l’accord proposé par Tsipras a transgressé tous les « lignes rouges du gouvernement » ; un accord que la Plateforme de Gauche Syriza (l’aile gauche du parti) a correctement décrite comme « pire que les précédentes mémorandums ».

L’appel au référendum en soi n’est pas une « preuve de courage démocratique », mais un événement contradictoire. D’une part, il exprime que la pression des travailleurs et du peuple grec, qui a commencé à protester, a empêché une capitulation directe. La Troïka est allée trop loin et a tenté d’imposer des conditions humiliantes qui auraient signifié en outre le suicide politique immédiat de Tsipras et de Syriza. Depuis des mois Tsipras veut capituler, mais ils lui ont proposé une capitulation inacceptable !

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, a raison quand il dit que la Troïka a été pire que le mafieux Don Corleone de « Le parrain », car elle a fait « une offre qu’il ne pouvait que refuser »

D’autre part, l’appel au référendum est aussi le résultat d’une pression interne importante et du mécontentement et du ras-le-bol grandissant entre des secteurs de la population grecque. Lorsque le gouvernement a présenté sa proposition le 22 Juin, la Plateforme de Gauche de Syriza l’a critiqué sévèrement et a dit qu’il voterait contre si l’accord était présenté au Parlement.

Mais en même temps, le référendum est aussi un danger. Parce que le fait est que la direction de Syriza a systématiquement refusé depuis son arrivé au pouvoir l’appel à la mobilisation, quelque chose qu’il aurait fallu faire maintenant. Si on avait appelé les travailleurs et le peuple à sortir dans la rue, on aurait obtenu une forte réponse… quelque chose de beaucoup plus fort que n’importe quel référendum. Parce que maintenant le problème est de savoir si le référendum sera gagné ou non ; de nombreux sondages indiquent que c’est le « Oui » qui l’importe pour le moment.

D’une manière telle que la stratégie de capitulation de Tsipras pourrait conduire à une défaite dans le référendum même. Cette défaite est fondée sur le fait que le point d’appui de Syriza a toujours été l’électoralisme démocratique-bourgeois, jamais la mobilisation directe des travailleurs et des masses populaires.

La crise au sein de Syriza

La direction de Syriza aurait pu faire passer l’accord avec le soutien de pro-européistes de Potami  (« Le fleuve », parti ultra néolibérale) et les anciens gouvernants de la Nouvelle Démocratie et du PASOK. Mais une victoire parlementaire de ce genre, avec l’opposition de près de la moitié de Syriza et le soutien du plus pourri des vieux politiciens qui ont plongé la Grèce dans la catastrophe actuelle, aurait été une victoire à la Pyrrhus. Il aurait déclenché une crise politique et aurait laissé Syriza au bord de la rupture.

Cette situation est le reflet de l’état d’esprit de la classe ouvrière et du peuple grec, de plus en plus en plus hostiles à un accord, qui ont poussé sans doute la Plateforme de Gauche à s’opposer Tsipras et Tsipras lui-même à appeler à un référendum. L’ont démontré les dizaines de milliers de personnes qui se sont mobilisés ce lundi 29 juin, en défense du « Non ».

D’autre part, le référendum lui-même a pour la direction de Syriza l’objectif d’améliorer sa position dans les négociations, non pas de s’affronter et encore moins de rompre avec les vautours de la Troika.

Alexis Tsipras lui-même a dit le lundi 29 juin que « plus grande sera la participation et le vote pour le « Non », plus forte sera notre position dans la négociation ». Et que « notre objectif est que le référendum, une option politique, nous aide à poursuivre les négociations ».

Et le ministre Varoufakis a ajouté que « s’ils nous présentent un accord acceptable, ce ne serait pas un problème pour nous d’appeler à voter pour le « Oui » au référendum ». C’est-à-dire, le référendum n’a pas comme perspective d’en finir avec les négociations et l’austérité, mais de négocier quelques miettes de plus.

Par conséquent, le gouvernement de Syriza ne propose aucun plan alternatif. Bien que formellement il appelle à voter « Non », son pro-européisme total et son refus de prendre toute mesure de fond font de cet appel une abstraction. Alors que l’UE développe une campagne de terreur pour le « Oui », aucune solution de fond n’est soulevée par le gouvernement de Syriza. Ceci sans oublier le fait que les négociations ne sont pas « gratuites »: au cours de ces cinq mois, le gouvernement de Syriza a effectué un versement de 1,8 milliards pour le FMI, et plus de 5000 millions ont fui le pays sous pression de la perspective du « Grexit », la sortie de la Grèce de l’euro.

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Nous appelons à voter de manière critique pour le NON. Il faut une large mobilisation ouvrière et populaire

Au-delà de ces considerations, le référendum est un fait (le gouvernement de Syriza vient de le confirmer encore une fois à l’issue de cette édition). Et c’est des faits concrets que doit partir la politique révolutionnaire.

Tsipras travaille contre le NON

Entre les mains de Tsipras, le référendum est un énorme danger, une manière de se déresponsabiliser de la situation et de laisser le peuple grec à la merci de la campagne terroriste de l’Union Européenne. Le référendum est aussi dangereux dans la mesure où il dilué les éléments actifs, d’avant-garde qui ont été à la tête des grandes luttes des dernières années, dans une masse d’éléments passifs, arriérés, perméables à la propagande impérialiste ou su moins susceptibles de se faire effrayer par celle-ci.

Et surtout il est plus dangereux encore parce que la politique de Tsipras de faire chaque heure qui passe une nouvelle proposition, confond et affaiblit les basées de la campagne pour le NON.

De ce fait, même si la majorité du peuple grec n’aime pas beaucoup la Troïka (à l’exception des exploiteurs qui ont profité de la crise et l’austérité, des grands patrons et des sbires au service de la Troïka) il y a le danger que la campagne terroriste de l’Union Européenne et de ses serviteurs à l’intérieur du pays, et les confusions que produisent les basculements quotidiennes de Tsipras, réussissent à incliner la balance du côté du «Oui» comme le moindre mal.

Notre politique n’est pas l’appel à un référendum : c’est la construction d’une large mobilisation ouvrière et populaire qui batte en retraite les plans d’austérité de la Troïka.

Cependant, la réalisation du référendum est un fait objectif que l’on ne peut pas ignorer. Contradictoirement, en plus, il est le résultat indirect de la pression des travailleurs et du peuple grec, du fait que si Tsipras signait un accord de capitulation inconditionnelle avec la Troïka, Syriza pouvait se diviser ou même éclater dans les airs.

Sur cette base, la lutte concernant le référendum est un élément central qui ne peut pas être dilué dans des considerations purement abstraites sur «la nécessité de se mobiliser» sans prendre position sur celui-ci : nous, les révolutionnaires, intervenons politiquement sur las base des conditions matérielles données, pas sur celles que nous désirions.

Dans ce sens, une victoire du NON serait une défaite pour la Troïka et ses plans d’austérité. Même si pour le gouvernement de Syriza il s’agira d’une carte de plus dans la négociation, la victoire du NON pourrait approfondir la crise politique que l’on vit en ce moment en Grèce et renforcer la lutte pour la rupture des négociations avec la Troïka.

De là que Juncker lui-même, leader de la Commission Européenne, ait lancé la campagne du OUI, en menaçant sur le fait qu’il s’agit d’un « référendum sur la permanence de la Grèce dans l’UE ». Le PASOK et Nouvelle Démocratie, qui ont mené la politique d’austérité depuis des années, appellent à voter pour le OUI, après avoir organisé il y a une semaine une mobilisation pour exiger la permanence dans l’UE coûte que coûte, et la réduction des libertés syndicales…

De sa part, le KKE (Parti Communiste Grec) qui essaie de se montrer comme « ultra-révolutionnaire » (en réalité il défend une politique ultra-sectaire qui va a l’encontre de la mobilisation indépendante), appelle à l’abstention dans le référendum. Ceci signifie ne pas prendre parti, dans le terrain concrète dans lequel les événements se dérouleront, face aux pressions mortelles de l’austérité de la Troïka.

C’est pourquoi il faut développer une importante campagne pour le NON. Une campagne qui n’ait pas comme but de diluer dans les urnes la lutte des travailleurs et du peuple grec, mais au contraire d’en faire le point de départ d’une grande mobilisation contre les accords avec la Troïka, contre l’austérité, contre le paiement de la dette.

On doit être des millions dans les urnes pour le NON. Et surtout, des millions dans les rues pour continuer la lutte contre la politique austericide et contre l’impasse auquel nous mène la direction de Syriza.

C’est pourquoi notre NON est un NON critique : il ne s’agit nullement d’un soutien au gouvernement de Syriza. Il s’agit d’une bataille en plus dans la longue guerre que les travailleurs grec mènent depuis des années contre la catastrophe sociale à laquelle les soumettent la Troïka et ses gouvernements serviles, et qu’ils devront continuer de mener dans la rue.

Pour une sortie anticapitaliste de l’euro

Si l’un des grands limites de la direction de Syriza est l’absence d’une alternative de fond à ce qui propose la Troïka, la campagne pour le NON ne peut gagner en force et influencer des larges secteurs qui si elle est capable de proposer une issue d’ensemble pour les exploités et les opprimés grecs.

Dans ce sens, les premiers pas à prendre sont précisément la rupture des négociations avec la Troïka, l’annulation du paiement de la dette et la sortie de l’euro, véritable courroie de transmission des intérêts impérialistes dans le pays, et qui constitue une véritable « prison » empêchant la relance de l’économie du pays au service des intérêts de la classe ouvrière.

Sans doute, il s’agit de prendre des mesures anticapitalistes de fond, sans lesquelles toute rupture avec l’euro pourrait se retourner contre les masses ouvrières elles-mêmes.  C’est pourquoi il faut aussi lutter pour la nationalisation des banques, du commerce extérieur et du mouvement des devises, pour éviter la fuite des capitaux, impulsée non pas par les travailleurs et le peuple victimes du contrôle de capitaux impose, mais par les grands capitalistes qui dérivent leurs profits vers l’étranger. Il faut en finir avec les taxes sur la consommation populaire, en particulier la TVA, pour les remplacer par des taxes progressives sur les entreprises, les grandes fortunes et des secteurs clés comme les armateurs ou l’église orthodoxe qui ne paient rien.

Parallèlement à cela, il faut prendre le contrôle des principaux ressorts de l’économie : nationaliser sous le contrôle des travailleurs, sans rachat, les secteurs centraux de la production nationale. A ceci s’ajoute, évidemment, la suspension des plans de privatisation en cours et la réintégration des travailleurs licenciés dans le cadre des anciens programmes d’austérité appliqués.

Certes, comme nous l’avons dit, cela ne se fera pas par un simple vote. Pour faire avancer ces revendications, ce sera nécessaire de développer la plus large mobilisation ouvrière et populaire, reprendre la combativité d’un pays qui a réalisé des dizaines de grèves générales ces dernières années, qui a occupé les places du pays, et qui a commencé la lutte autour du référendum avec une mobilisation de dizaines de milliers à Athènes.

De là que la lutte centrale dans les prochains jours est de développer une auto-organisation large par en bas, dans les lieux de travail, d’étude et dans les quartiers, pour discuter et pour défendre une alternative au service des intérêts des travailleurs et du peuple grec. Une victoire pour le « Non » impliquerait un approfondissement de la crise politique qui affecte l’Union européenne et le gouvernement de Syriza, ce qui pourrait soulever la question de qui gouverne le pays et au service de quels intérêts.

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Mettons en place une campagne internationale en soutien au peuple grec

Pour l’unité des travailleurs de toute l’Europe

Le développement du processus grec aura un impct de premier ordre sur la situation du reste des pays européens, en particulier ceux qui ont été les plus durement touchés par la crise internationale. Si la Troïka a été tellement intransigeante dans sa volonté d’infliger une humiliation politique et la défaite du gouvernement de Syriza, c’est précisément pour empêcher la montée des secteurs « anti-austérité », comme Podemos dans l’État espagnol, qui pourraient remettre en question les politiques de la Troika même si ce n’est que superficiellement.

Le profit ou la perte de prestige politique que Podemos ou d’autres formations similaires tireront de cette situation, cela n’est pas notre problème. Toutefois, le fait est qu’une défaite du peuple grec dans sa lutte contre la Troïka, signifierait un recul pour les travailleurs et les peuples en lutte contre les mesures anti-ouvrières dans leurs propres pays. En Grèce, une bataille d’importance énorme pour tous les travailleurs de l’Europe se mène aujourd’hui.

La troïka, ses porte-paroles, les gouvernements de droite ou de « gauche » de l’Union européenne ont lancé la campagne pour le « Oui ». Dans les prochains jours, nous allons les entendre dire que la sortie de la Grèce de l’euro serait une « catastrophe économique », qu’il n’y a d’autre possibilité que de se serrer la ceinture, que l’Union Européenne est la « seule alternative possible ». Ce bombardement médiatique pourrait se combiner avec des attaques d’ordre économique : étouffement du crédit, pression pour augmenter la fuite de capitaux…

Il est donc important que les travailleurs du reste de l’Europe impulsent la solidarité avec le peuple grec, qu’ils rejettent toute ingérence des puissances impérialistes et toute attaque économique cherchant à faire basculer le résultat du référendum de dimanche. Il faut organiser des manifestations dans tous les endroits où cela soit possible, en soutien à la lutte des travailleurs grecs, sans avoir aucune confiance dans le gouvernement de Syriza. 

Ce sera le meilleur antidote pour combattre le venin xénophobe, nationaliste et fasciste qui commence à prendre force en Europe. Pour lutter contre l’affrontement entre les différents peuples de l’Europe qui nous propose la bourgeoisie on doit tisser dès maintenant des liens de solidarité, dans la perspective de la construction d’un Fédération de Républiques Socialistes Européennes, qui soit une véritable alternative à l’Union européenne actuelle, instrument au service des grands capitalistes et des puissances impérialistes européennes.

Journal Socialisme ou Barbarie N°338, Editorial, le 02/07/15

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