Jul - 2 - 2015

Nous voulons aussi dire quelques mots sur la politique défendue par le Parti des Travailleurs Socialistes et son courant international, la Fraction Trotskiste-Quatrième Internationale, auquel appartient en France le Courant Communiste Révolutionnaire. En ce qui concerne la Grèce, le PTS a un profil auquel nous sommes habitués : un abstentionnisme politique dans la mesure où leurs formulations ne partent pas des conditions concrètes de la lutte politique, mélangé avec un dogmatisme inintéressant qui tente de résoudre ce manque de définitions avec une série de considérations générales et abstraites. À cela s’ajoute le fait qu’ils ont une position conservatrice en ce qui concerne la question de l’euro : ils s’opposent à la rupture avec celui-ci.

Voyons ceci de plus près.

Une politique qui ne part pas du développement réel de la situation

Nous allons commencer par un aspect qui, bien que cela puisse paraître mineur, nous semble montrer bien le profil du PTS : la position face au référendum et la situation ouverte depuis l’appel à sa réalisation. Tout au long de nombreux articles et déclarations sur la question, il est impossible de trouver une position claire sur le référendum : il se limite à une description de la position des différents secteurs, à un appel abstrait « la mobilisation de la classe ouvrière », sans se prononcer sur les déterminations politiques de la situation actuelle et les réponses à y apporter. Qu’est-ce que l’appel au référendum exprime ? Quelle devrait être la position des révolutionnaires ?

Dans sa déclaration, le PTS dit que le gouvernement utilisera le référendum pour négocier ; ce n’est pas quelque chose de nouveau, puisqu’il la direction même de Syriza l’a affirmé explicitement. C’est pourquoi selon le PTS « beaucoup de personnes [y compris le PTS ou pas? On ne sait pas] voient dans ce référendum un piège ». Nous avons souligné les limites du référendum, l’usage perfide que Syriza en fera. Mais la position du PTS est une unilatéralité qui perd de vue les déterminations concrètes : en effet, le référendum est, de manière contradictoire, aussi le résultat d’une pression d’en bas des travailleurs et du peuple grec, même d’une partie de Syriza, contre une capitulation directe de la part de Tsipras. Le PTS glisse l’idée qu’une victoire du NON renforcerait Tsipras. D’une part, ce n’est pas tout à fait vrai : Tsipras lui-même travaille contre le NON, en négociant jusqu’à la dernière minute avec la Troïka et en disant qu’il serait prêt à appeler à voter pour le « Oui » si un accord est trouvé. D’autre part, s’il était sérieux avec sa position, le PTS devrait donc appeler à ne pas voter « Non », puisque ceci renforcerait le gouvernement de Tsipras dans sa politique de négociation : il devrait appeler à voter « Oui », à s’abstenir, à boycotter l’élection…

Mais le PTS ne fait rien de tout cela, tout simplement parce qu’il échappe à la question centrale, la position sur le référendum, qui est un point de clivage en Grèce en ce moment. Il dit que « Le rejet de la Troïka va s’exprimer de diverses manières, à la fois parmi ceux qui vont voter pour le NON comme ceux qui ne considèrent pas que le référendum offre une sortie à la crise ». Encore une fois, nous ne savons pas quelle est la position du PTS : appelle-t-il à « exprimer le rejet » à travers une votation de masses pour le NON ou considère-t-il que « le référendum n’offre pas une sortie à la crise », auquel cas il devrait proposer une sortie ? Notre position est claire : le NON ne sera utile que s’il est le point de départ d’une grande mobilisation ouvrière et de masses; Mais ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas ne pas donner une réponse à cette situation. La situation sera la même si c’est le « Oui » impulsé par le PASOK et Nouvelle Démocratie, l’Union européenne ou si c’est le « Non » impulsée par toute la gauche qui gagne ? Si le résultat du référendum n’est pas sans importance pour le développement de la lutte des classes, le PTS doit donner une position claire : en : défend-t-il le « Oui », comme ND-PASOK-Troïka ; l’abstention, comme les sectaires du KKE que défendent une politique stalinienne de type « troisième période » ; ou le « Non », comme les anticapitalistes d’Antarsya, la Plateforme de Gauche Syriza… et officiellement  même Tsipras ! Après lecture des divers documents publiés, nous ne pouvons qu’arriver à la conclusion suivante : le PTS n’est ni pour le « Oui », ni pour le « Non », ni pour la réalisation du référendum, ni pour son boycott. En vérité, le PTS n’a pas de politique pour la situation grecque.

Le frère jumeau de l’abstentionnisme politique est la politique abstraite et dogmatique. Le PTS essaie de résoudre son indéfinition en défendant que « seule la classe ouvrière peut donner une solution», que ce qu’il faut faire est de « construire la mobilisation » et avec une « liste de courses » de mesures transitoires générales. Tout cela est correct, comme nous le disons dans notre propre déclaration. Mais déconnecté de toute considération concrète, d’une politique pour la situation ouverte avec l’appel au référendum, il ne s’agit que de considérations générales qui évitent de prendre des définitions et des positions politiques sur l’évolution réelle de la lutte des classes. [1]

Le refus à la rupture avec l’euro

D’autre part, la crise déclenchée en Grèce a remis dans le centre de la scène la discussion sur quelle doit être la position à prendre par rapport à l’euro.

Le PTS nous explique que la sortie de l’euro n’est pas une « solution miracle », qu’elle signifierait un « recul dans le niveau de vie des travailleurs », qu’elle pourrait « radicaliser la base sociale de la droite », etc. Nous remercions le PTS pour nous rappeler des telles évidences. Mais forcément une déclaration sur la crise grecque doit dire quelque chose de plus sur l’instrument avec lequel les bourgeoisies impérialistes européennes, notamment l’Allemagne, étranglent des pays comme la Grèce.

Toute son argumentation contre la « sortie souverainiste » est déséquilibrée, car le PTS ne met pas l’accent aussi sur le fait que l’euro est une courroie de transmission des bourgeoisies impérialistes européens. Aujourd’hui, c’est un instrument fondamental, un dispositif de pour imposer l’austérité.

Même si cela embête le PTS, habitué à faire de la politique de laboratoire, la question de la permanence ou pas dans l’euro est aujourd’hui l’une des questions centrales dans le débat politique grec. C’est à travers cette question que la Troïka lance sa campagne de terreur par les médias, en brandissant la menace d’une catastrophe si la Grèce quitte l’euro.

Étrangement, la PTS met l’accent également sur cette « catastrophe imminente » sans dire un mot sur le rôle réactionnaire que l’euro joue dans la situation grecque tant sur le plan économique que politique. La « défense de l’euro » est la pierre angulaire de la campagne pour le « Oui » que mène la droite et des préjugés conservateurs dans la société grecque.

Encore une fois, le PTS prend la tangente. Il ne donne pas une position claire sur la rupture ou non avec l’euro. Il faut rester, comme le proposent la Troïka, le PASOK et Nouvelle Démocratie… et aussi Tsipras ? Ou il faut rompre avec des mesures anticapitaliste, comme le défendent la Plateforme de Gauche de Syriza, l’OKDE-Spartakos et notre courant ?

Imaginons pour une seconde que la question de l’euro n’est pas un point de délimitation cruciale de la situation politique. Mais si, tel que proposé par le PTS, les travailleurs « prennent le devant de la scène, » si on « nationalise les banques et les secteurs clés de l’économie », etc., etc., avec quelle monnaie fonctionnera le nouveau gouvernement ou Etat ouvrier? Avec l’euro de l’Allemagne et la France, pierre angulaire de la construction impérialiste de l’UE ?

Comment il fait de la politique dans l’air, le PTS se bat contre des moulins à vent. Son « avertissement » contre les issues souverainistes est une abstraction. Aucun secteur organique de la bourgeoisie grecque ne propose de défendre la souveraineté de la Grèce en revenant à la drachme. Au contraire, il y a une un front uni pro-euro allant de la Troïka jusqu’à la direction de Syriza (dont la défense inconditionnelle de l’euro l’a conduit à l’impasse actuelle), en passant par la Nouvelle Démocratie, PASOK, To Potami ; etc.

Il en va de même pour ses critiques de la soi-disant « sortie de l’euro comme solution miracle », une illusion que personne dans la gauche n’a. Notre politique, ainsi que celle des organisations trotskistes grecques (l’OKDE-Spartakos, le SEK -lié au SWP anglais-) est une rupture anticapitaliste avec l’euro. Même la Plateforme de Gauche de Syriza défend une rupture accompagnée de la nationalisation des banques et l’annulation de la dette.

De là que critique du PTS à cette formation, qu’il accuse de proposer une « solution miracle », soit malhonnête, et que pour se délimiter de la Plateforme de Gauche il ait besoin de lui reprocher de « à un affrontement extrêmement dur entre les classes, y compris à une guerre civile » (!!)

Nous avons compris. Le PTS n’a pas le temps de se consacrer à des banalités telles que la question du référendum dimanche, ou le problème de l’euro : il est en train de préparer la guerre civile en Grèce…

Pour une politique révolutionnaire indépendante

Nous avons exprimé notre position sur la situation grecque clairement, dans celle-ci et dans d’autres publications. La plus large mobilisation de la classe ouvrière et du peuple sont nécessaires pour imposer une alternative de fond, où la nécessaire rupture avec l’euro s’accompagne des mesures anticapitalistes indispensables.

Nous ne croyons pas avoir la politique parfaite pour la Grèce ; la raison évidente est que notre courant n’a aucun militant dans ce pays. Cependant, nous essayons de mettre à l’épreuve notre bagage théorique et politique dans les principaux événements de la lutte des classes ; de nous intéresser et de nous inspirer de l’élaboration et les positions que les camarades révolutionnaires d’autres traditions défendent dans le pays hellénique ; en bref, de d’apporter à l’avant-garde des autres pays une compréhension des événements en cours en Grèce et des perspectives qui s’ouvrent.

Nous nous positionnons en ce sens dans un terrain très différent de celui du PTS, qui considère qu’il peut « s’épargner » la nécessité d’une élaboration politique spécifique (et pas d’une simple analyse journalistique), en faisant appel à un décalogue dogmatique et abstrait des positions classiques du marxisme révolutionnaire. Le Courant International Socialisme ou Barbarie essaie de rendre compte des processus réels et d’avancer des définitions politiques qui contribuent à l’apprentissage de l’avant-garde large.

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[1] Sur le cas grec, ce n’est pas la première fois que le PTS élabore une politique abstraite. À l’occasion des élections de 2012, le PTS a exprimé une délimitation générale face à Syriza, mais en ignorant complètement un phénomène réel de la scène politique grecque, l’existence de la coalition anticapitaliste Antarsya. Même avec nos différences, nous avons appelé à voter pour Antarsya et nous avons salué sa décision de maintenir une alternative indépendante à Syriza : nous avons même publié plusieurs déclarations de l’OKDE-Spartakos, membre d’Antarsya. Le PTS, au contraire, avait exprimé une politique qui ignorait totalement l’existence de ce phénomène : en Grèce, le PTS appelle à voter… pour le PTS.

Par Alejandro Vinet, Journal Socialisme ou Barbarie N°338, 02/07/15

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