Dic - 11 - 2015

« Je suis née, élevé et j’ai fait mon marché en Catia [quartier populaire de Caracas]. Ce que j’ai vu le jour des élections c’était pareil que dans le ‘98 [première élection présidentielle que Chávez a gagné]. Maintenant les gens ont aussi descendu [en désordre] des collines, des bâtiments, des maisons, de leur propre initiative –il n’y avait pas de jeeps, ni des motos– mais cette fois-ci pour voter contre le gouvernement de Maduro.

« J’ai demandé à mes vieux amis et amies: «¿connaissez-vous le candidat de la MUD en Caracas?» la réponse était : «je ne sais pas ni me intéresse qui il est ; simplement je vais voter contre Maduro ». Jetez un « œil » aux antérieures élections ici et vous serez surpris des résultats du dimanche.

« La dernière fois que j’ai fait le marché en Catia, 1 kilo de Farine bachaqueado [de contrebande] coute Bs. 250,00 y 1 kilo de poulet Bs. 600,00 dans du Marché Libre de Catia. Le jour des élections j’ai vu beaucoup de femmes indignées pour cette situation, les femmes étaient les plus furieuses …

« Je donne une donnée à la MUD: les gens ont voté contre le gouvernement et pas pour vous… Le peuple est furieux [arrecho] » (Fran Tovar, “¿Por la MUD? o ¿contra el gobierno de Maduro?”, diario El Joropo, 07/12/2015)

Finalement, dans les élections parlementaires du dimanche dernier, il y eu un catégorique « vote sanction » au gouvernement de Maduro. Un peu plus du 55% des voix pour les listes de la MUD (Mesa de la Unidad Democrática)… En plus avec une assistance aux urnes du 75% des électeurs, un chiffre insolite en Venezuela. Le chavisme perd pour la première fois une élection transcendante, mais d’aucune manière il n’a « disparu de la scène »: il a réussi maintenir 42% des voix.

Egalement, la tendance présente dans les derniers mois dans les sondages sur la naissance d’un vote « indépendant » (tant du gouvernement comment de l’opposition de droite ), finalement a été presque absente.

La victoire de la MUD en nombre de voix s’est démultipliée en sièges du parlement, grâce au antidémocratique système établi par le chavisme. Parce que la grande majorité des députés à « l’Assemblée Nationale de la République Bolivarienne de Venezuela » est élue par « circonscription » et pas par représentation proportionnellement à échelle du pays ou, au moins, de leur États.

Quand le chavisme était majoritaire en presque partout le Venezuela, ceci « grossissait » artificiellement sa représentation. Maintenant ce mécanisme se retourne contre lui. Ainsi, dans l’Assemblée Nationale après cette votation, la MUD a obtenu, en principe, 109 députés contre seulement 55 du chavisme. En plus, les trois « députés indigènes » s’aligneraient aussi avec la MUD. Si cela se confirme, la MUD aurait en totale 112 sièges (2/3 de l’assemblée). Ceci s’appelle « majorité qualifié » qui, comme on va voir, a une importance décisive au niveau des institutions.

Dans un cadre sud-américain et international favorable à la droite…

Ces résultats ont lieu dans une situation de détérioration de l’ensemble des gouvernements « progressistes » sud-américains. Dans cette situation, la victoire de Macri dans le ballotage de l’élection présidentielle d’Argentine le 2 novembre dernier, était un fait important qui répercute notamment en Venezuela et qui a profité à la droite dans le dernier temps de la campagne.

Dans une mesure plus ou moins importante, les différents gouvernements bourgeois « anormaux » d’Amérique Latine –à savoir, ceux de Venezuela, Équateur, Brasil, Argentine et la Bolivie – affrontent des situations défavorables, en premier lieu du fait de la fin du boom des matières premières … bien que il y a des différence énormes en ce qui concerne le contexte économique et politique de chacun de ces pays, et de leur gravité .

Également, ceci se développe dans un moment international qui est défavorable, qui va de la dégradation réactionnaire du Printemps Arabe jusqu’à la trahison de Syriza en Grèce et les conséquences politiques négatives des attentats islamistes en Europe. ¡Le même dimanche dans lequel les pro-impérialistes de la MUD gagnaient les élections vénézuéliennes, en France les pseudos  fascistes du FN de Marine Le Pen devenaient le parti le plus voté dans les élections régionales !

Mais ces situations sont encore des situations conjoncturelles, tant en Europe qu’en Amérique Latine, situations où se entrecroisent des tendances réactionnaires et progressives. Même si les premières prédominent en ces moments, il n’y a pas non plus eu des défaites contrerévolutionnaires écrasantes.

Il n’y a pas encore eu un virage à droite consommée pleinement au niveau international… bien que les derniers évènements indiquent une tendance dans ce sens.

…un « voté sanctions » au gouvernement de Maduro et du PSUV

Dans ce cadre international, Maduro et son gouvernement ont souffert un important « vote sanction »… qui en plus peut mette en question sa continuité dans la présidence.

Le climat que décrit Fran Tovar (citation du début) dans le quartier populaire de Catia en Caracas, explique la cause. Dans tout le pays règne un juste mécontentement à cause de la pénurie de produits et de l’inflation galopante.

Notons que Catia est un quartier avec une longue histoire de luttes sociales et politiques. C’était le bastion de résistance –même armée– contre la dictature militaire de Pérez Jiménez, renversé en 1958. Quatre décennies plus tard Catia serait aussi un des premiers et principaux bastions du chavisme. La victoire de la MUD (ou plutôt, la défaite de Maduro) est un fait politique aussi significatif que transcendantal.

Mais, cela a aussi ses limites. Parce que, comme le souligne le récit de cet habitant de Catia, « les gens ont voté contre le gouvernement et pas pour vous … », ils n’ont pas donné carte blanche à la MUD. Ils ont voté contre Maduro parce que, en pleine inflation galopante, il ne garantit pas la nourriture, ni les médecines, ni d’autres besoins minimales…

¿Mais la MUD dans l’Assemblée Nationale peut résoudre le problème ? Le lendemain des élections la centrale patronale Fedecámaras (principal promoteur de la MUD avec l’ambassade yanqui) a exigé à Capriles la dérogation immédiate de la Loi du Travail et de l’ensemble des lois sociales du chavisme … elle leur a pas éxigé qu’ils agissent pour garantir la nourriture des travailleurs et des pauvres. C’est-à-dire, que leur situation va empirer qualitativement .

La dérogation de la Loi du Travail, facilite les licenciements en masse, le rêve des patrons pour détruire les organisations ouvrières des entreprises, et instaurer un régime de terreur facilité en plus pour la crise actuelle et le chômage. Également, ils se proposent d’en finir avec les militants dans les boites et chez les fonctionnaires.

Ceci se mélange avec d’autres questions pas moins compliqués … et dangereuses. La conséquence politique-institutionnelle du vote sanction, est que le PSUV non seulement a perdu le contrôle de l’Assemblée National. La MUD aurait obtenu 112 sièges. Cela lui donne la « majorité qualifié » qui permet, entre autres mesures, de voter réformes de la Constitution, de convoquer un « référendum révocatoire » de Maduro au début de 2016, promulguer des lois fondamentales appelées « organiques » ou « habilitantes ». Ils pourront aussi remercier et désigner juges du Tribunal Suprême de Justice (TSJ) et les fonctionnaires du Conseil National Électorale (CNE), etc., etc.

En conclusion, la MUD, bras électorale de la grande bourgeoisie pre-chaviste et du Département d’État états-unien, non seulement a gagné l’élection parlementaire. Elle a également la possibilité –au niveau institutionnel – de défaire un régime qui n’a jamais été réellement « socialiste » (ni du XXIème siècle ni du XXème), mais qui présentait une relative résistance et indépendance (chaque fois plus faible et en retrait) face à l’impérialisme états-unien et aux secteurs de la bourgeoisie native qui sont ses servantes soumis historiques et inconditionnels (comme les Capriles, famille de millionnaires, membres de cette petite élite).

Finalement le chavisme non seulement n’a pas conduit le Venezuela au « Socialisme du XXI siècle ». Au contraire, il a préparé le terrain pour le retour au pouvoir de cette bourgeoisie abjecte, éhontée et soumise sans limite au Maitre du Nord.

Et maintenant?

Comme on a dit avant, Maduro sera obligé d’arriver à un accord avec les dirigeants de la MUD (et leur promoteur l’ambassade des Etats-Unis), pour quelconque loi il voudrait approuver. Mais pas seulement. Est aussi en question sa permanence en tant que président. Avec 112 parlementaires un processus de destitution peut commencer, avec référendum révocatoire.

Mais, du côté de la MUD, ¿ils vont essayer un « accord national » pour gouverner avec Maduro… ou ils vont essayer de le déloger maintenant ? La présidence de Maduro finit en 2019.

Maintenant il y a diverses options pour l’opposition. Destituer Maduro, implique non seulement de porter la responsabilité d’une crise phénoménal, mais aussi d’affronter la responsabilité d’appliquer des mesures « désagréables » qui vont rapidement provoquer la haine populaire. ¡Il ne faut pas oublier qu’une grande partie des voix de la MUD sont des voix « prêtés » d’ex-électeurs chavistes, grâce au mécanisme trompeur du « vote sanction »!

De l’autre côté, ne pas destituer Maduro, implique de négocier avec lui et le PSUV un accord pour gouverner… mais ceci, même si ce n’était pas explicite ni direct, impliquerait aussi d’une certaine façon se faire responsable de la situation.

Cependant, l’autre option n’est pas plus facile. S’ils font la guerre pour révoquer Maduro maintenant, ils peuvent provoquer une de ces situations dont on sait comment elles commencent mais dont on sait pas comment (ni quand) elles finissent… Un des principaux dirigeants de l’opposition –Ramos Allup du parti Acción Democrática–, a dit dans des déclarations à l’Agence EFE (07/12/2015): « C’est fini; commencez votre contage régressive… je crois que le Gouvernement est rentré dans un processus de franche dissolution, difficilement il arrivera à sa fin naturelle dans les prochaines élections présidentiels de 2019 »

Pour la bourgeoise de l’opposition (et ses patrons de Washington et Miami) ceci serait jouer avec le feu, plus dangereux que continuer à supporter quelque temps le détesté chavisme post-Chávez et à faire en sorte que celui-ci fasse le sale boulot…

Encore, la nécessité d’une alternative politique indépendantd

Comment nous l’avons souligné, finalement dans les élections les alternatives indépendantes ne sont pas apparues, du fait de la polarisation de la MUD et le PSUV, et ceci malgré des tendances dans les sondages des derniers mois.

Quel qu’elles soient les relations futures entre le gouvernement et la MUD –allant des accords de « gouvernabilité » jusqu’à la guerre et la destitution –, il est certain que les travailleurs, la jeunesse et les secteurs populaires vont continuer à payer l’addition de la crise.

La classe ouvrière vénézuélienne et ses militants ont fait incontestablement démonstration de combattivité. Même maintenant, dans les difficiles conditions d’une crise qui génère de plus en plus de chômage, il y a des fortes luttes. Ceci est très important… mais c’est nécessaire que sur cette base surgisse une alternative politique indépendante de deux pôles également patronaux ennemis des travailleurs.

Nous ne pouvons rien attendre du PSUV et son gouvernement ! Le désastre de la pénurie, les files d’attente devant les commerces et l’inflation–qui seulement les travailleurs et les pauvres subissent– est la conséquence directe de sa politique! La farce de la « guerre économique » ne peut plus cacher la réalité: les grands bourgeois (de l’opposition ou chavistes) se remplissent les poches grâce à la spéculation avec le dollar et les importations, soutenue par le gouvernement !

Mais un gouvernement néolibéral de la MUD sera aussi mauvais ou même pire, et ramènerait en outre la soumission coloniale aux États-Unis. Ce serait le retour au pouvoir des gouvernants fantoches de la IV République, qui, auparavant, avaient mené les travailleurs et le peuple à des situations pas très différents du désastre actuel.

La situation actuelle oblige tous les courants politiques qui dissent défendre les travailleurs et le socialisme, à s’unir, coupant tout lien politique avec ce gouvernement en banqueroute et avec l’opposition pro impérialiste.

Par Rafael Salinas

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