Dic - 25 - 2015

 « Le Bauen[1] n’a pas été assez grand pour nous »

C’était la première conclusion des délégations de tout le pays présents à la Réunion Nationale du parti dans le Bauen. Avec la représentation de 18 fédérations, 110 délégués, 300 camarades comme public suivant les discussions, il a été évident pour tout le monde que notre parti a progressé en extension nationale et qu’il se prépare pour un saut constructif dans la période suivante (il faut souligner que c’était le deuxième événement national du parti dans l’année, l’autre étant la conférence nationale en mars dernier).

Nous présenterons ensuite certaines des principales conclusions de l’événement.

Une guerre de classes dans l’horizon

Le débat a porté sur certaines définitions principales: le caractère du nouveau gouvernement, les problèmes de la conscience ouvrière et la scène de la lutte de classes pour laquelle se préparer.

Le rapport initial a mis en garde sur le fait qu‘en ce qui concerne les développements les plus généraux il faut avoir une certaine distance avec les événements en cours qu’aujourd’hui n’existe pas, mais qu’on aura en avril prochain, quand nous ferons le Congrès du parti.

La clé de la discussion a été de prendre note, de caractériser, que le gouvernement de Macri se prépare à lancer une attaque énorme contre les travailleurs.

Quand nous lui définissons non seulement comme un gouvernement qui non seulement vient appliquer un ajustement, mais, en même temps, qui a des traits réactionnaires, ce que nous pointons, c’est que, indépendamment de l’issue du combat, il s’agit maintenant se préparer à faire face aux attaques qui viendront.

Ceci est basé sur la compréhension du fait que le cabinet formé par Macri exprime toute une « déclaration d’intentions ». Si l’ennemi prépare une attaque, l’ignorer serait une imprudence, pour dire le moins.

Dans la séance plénière, nous avons même utilisé l’exemple de l’Opération Barbarossa pendant la Seconde Guerre Mondiale pour illustrer ce que nous voulions dire. Comme on le sait, Hitler a mis dans les frontières de Staline 3.000.000 soldats (avec les matériels les plus modernes d’armement militaire du moment), ce qui impliquait évidemment que l’attaque serait imminente.

Toutefois, sans tenir compte de ces faits et même des rapports des espions qui travaillaient pour l’ancienne Union Soviétique en Allemagne et au Japon, Staline a refusé de reconnaître la réalité, ce qui a fini pour entraîner des pertes énormes pour le pays.

Enfin, l’issue de la guerre a été que l’ancienne Union Soviétique a vaincu les nazis, grâce à la conquête qui restait encore des avantages de l’économie planifiée et grâce aux exploités et aux opprimés qui ont pris dans leurs mains la guerre contre les envahisseurs nazis.

Toutefois, si Staline n’avait pas méconnu l’attaque à venir,  les 3.000.000 soldats qui sont morts dans les six premiers mois de la guerre n’auraient pas perdu la vie.

Conclusion: lorsqu’une attaque est dans l’horizon, il faut se préparer pour lui faire, indépendamment de toute  « conjecture », qu’on puisse faire; c’est la première tâche si l’on ne veut pas perdre le combat.

Les avatars de la conscience ouvrière

Le deuxième élément qui a été souligné est la confusion qu’a la classe ouvrière en ce qui concerne la nature du gouvernement de Macri, surtout parmi les travailleurs de l’industrie dans la zone nord du grand Buenos Aires et Córdoba, les noyaux ouvriers les plus concentrés du pays.

Dans la séance plénière, on est avancé dans la compréhension du fait qu’il y avait un élément de « vote sanction » contre le kirchnerisme de la part de la classe ouvrière qui a voté à Macri.

Ce n’est pas que les travailleurs n’ont pas reproduit les mêmes motivations qui traversent la tête de la petite bourgeoisie ( « dégager cette conasse »,  « arrêter avec les employés fictifs » proches du gouvernement, ou que « les militants de La Campora (organisation de jeunesse du gouvernement) se trouvent un emploi » [parce qu’ils seraient tous des employés fictifs], etc.).

Mais nous ne devons pas perdre de vue qu’en même temps, de façon indirecte, les travailleurs  ont rendu compte du fait que, malgré le fait qu’ils considèrent que le niveau d’emploi actuel est une conquête, de toute manière, gouverne qui gouverne, ils continuent d’être exploités: ils suivent la routine d’aller travailler, ils sont encore « enfermés » dans les usines.

Ceci n’est pas sans importante par rapport aux attentes des exploités, un gouvernement qui dure 12 ans et que dans cet aspect essentiel ne change même pas un iota des choses

De là que, de manière erronée, exprimant des éléments de la fausse conscience, ils croyaient que n’importe quel gouvernement qui vienne pourrait améliorer les choses.

L’autre aspect de ce sentiment, également marqué lors de la plénière, est que les travailleurs ont dans leurs têtes des aspects très concrets qu’ils considèrent comme faisant partie de leurs conquêtes.

Il est vrai qu’au début du gouvernement de Macri les choses ne seront pas si simples; surtout s’il parvient à obtenir le soutien de la bureaucratie syndicale, spécialiste en garantir la gouvernabilité. D’être ainsi, les premiers combats seront surement très durs et d’avant-garde.

Mais de toute façon, à un moment donné va venir le « moment de la vérité ». Plusieurs camarades ouvriers du parti ont soulevé qu’ils croient que ce moment viendra avec les négociations collectives sur le salaire: là pourraient se déclencher des luttes plus générales lorsque les travailleurs se sentiront touchés directement dans leurs poches.

C’est-à-dire, comme on indiquait dans le document préparatoire de la Réunion, une chose c’est que les travailleurs ont du mal à avoir conscience de leurs intérêts historiques comme classe et une autre qu’ils  n’aient pas une conscience fine de leurs intérêts immédiats.

Le gouvernement de Macri va essayer de faire valoir un élément  contre l’autre, va tenter de s’appuyer sur la légitimité électorale obtenue pour détruire des conquêtes des travailleurs; de toute façon, cela ne sera pas si simple: la classe ouvrière vient d’une récupération structurelle dans la dernière décennie et sans grandes défaites; celles qui ont eu lieu dans la dernière période, même sérieuses comme à Gestamp et à Lear, ont été surtout d’avant-garde, pas de la classe dans son ensemble.

C’est cette réalité qui prédit de grands affrontements à l’horizon, un horizon pour lequel les travailleurs, la gauche révolutionnaire et notre parti nous devons nous préparer.

Des analogies historiques

Même si dans la réunion, on a insisté sur la nécessité d’attendre un peu pour donner des définitions catégoriques, le second élément souligné est l’autre pôle du rapport de forces. D’une part, il y a la question du gouvernement réactionnaire avec la légitimité obtenue, d’autre part le problème du fait que les rapports de forces n’ont pas été résolus dans la lutte de classes directe.

À ce stade, la Réunion a fait appel à un certain nombre d’analogies historiques, à titre d’illustration. Par exemple, la comparaison avec le gouvernement de Menem dans les 90.

Des camarades délégués ont rappelé comment, dans les premières années de Menem des grandes luttes ont eu lieu: le sort n’était pas scellé, deux hyperinflations grandes se sont produites (un traumatisme social qui a facilité la tâche de l’ajustement) mais aussi de grandes luttes comme celles des cheminots, des enseignants, des employés des PTT, des métallos, etc., des luttes dirigées par la bureaucratie syndicale qui les a amenées à la défaite.

Conclusion: ce n’est pas si simple de traduire dans le domaine de la lutte des classes, un résultat électoral; même si ce résultat est accompagné d’une série de développements similaires dans le reste de la région et est accompagné d’une conjoncture mondiale défavorable.

L’absence de «souplesse politique » du gouvernement de Macri a été aussi soulignée, de même que la préoccupation reflétée par des analystes bourgeois comme Orlando Ferreres quant au « manque de vrais politiciens dans son gouvernement [rempli de « technocrates »]».

Macri a gagné et a le gouvernement dans ses mains. Mais son triomphe électoral a été très loin d’être par une « majorité écrasante » et, au-delà du rôlequ’aura le kirchnerisme, les forces doivent encore être testés.

L’hypothèse d’une radicalisation dans l’expérience de lutte

La définition la plus importante de la Réunion Nationale, en bref, a été celle de l’axe de notre politique: la politique du ni / ni[2] s’est terminée: il s’agit maintenant de concentrer la lutte pour battre le gouvernement de Macri.

Que cela soit bien compris: non seulement battre son ajustement, évident aspect central de la lutte, mais le battre dans son ensemble pour rouvrir le cycle que Macri vient fermer.

En outre, étant donné la nature du gouvernement de représentant direct des patrons et compte tenu de sa nature réactionnaire, il pourrait entraîner une radicalisation et une expérience plus profondes de larges secteurs que celle qui a eu lieu sous le kirchenerisme.

Il est vrai que, selon le rôle du kirchnerisme, reste à voir si celu-ci émerge, encore une fois, comme une nouvelle médiation. Pour l’instant, étant donné le caractère bourgeois de ce courant politique, ce serait une grave erreur opportuniste d’attendre que ce soit celui-ci qui construise une opposition réelle à Macri (une autre chose est que nous devons dialoguer avec sa base sociale, avoir une politique de demandes et de dénonciations par rapport à celle-ci).

En tout cas, ce qui est important pour les révolutionnaires ce n’est pas de mener des « grandes batailles parlementaires » (comme de manière opportuniste semble avoir défini le PO), ou avoir des références d’auto-proclamation qui empêchent  d’unifier les luttes (comme le PTS), mais de placer le centre de notre politique dans la lutte des classes: impulser la plus large unité d’action en redoublant les efforts pour la réalisation d’un rencontre national unifié des travailleurs contre l’ajustement.

Vers un saut qualitatif dans le Nouveau MAS

Dans la Réunion Nationale ont été pris une série de décisions politiques et de construction. La sensation que nous avions c’est que notre parti est plus proche d’un saut qualitatif en tant qu’organisation.

Ceci n’est pas facile. Il reste à faire des efforts multipliés pour renforcer notre insertion ouvrière (bien que la Réunion Nationale a également exprimé des progrès dans ce sens!), multiplier l’extension dans les universités, ainsi que pour impulser la formation dans les luttes de la nouvelle génération du parti qui a rejoint nos rangs, pour ne pas mentionner la défense de notre inscription électorale nationale

En tout cas, comme « à quelque chose malheur est bon », l’arrivée d’un cycle de luttes plus dures dans le prochaine période peut être une école de formation dans la lutte des classes directe pour nos militants.

Dans un autre ordre de choses, la Réunion Nationale a constaté que nous finissons le 2015 avec le grand triomphe des 100.000 voix obtenus dans les élections primaires au niveau nationale, la projection nationale d’une figure comme Manuela Castañeira, candidate à présidente par le Nouveau MAS, la victoire dans le syndicat de Pilkington, usine de verres, de la liste impulsée par des militants de notre parti, la délégation historique de nos camarades de Las Rojas à la Rencontre National de Femmes à Mar del Plata, tous des éléments  qui expliquent la croissance de nos rangs militants que nous expérimentons et que la Réunion Nationale débordante de camarades au Bauen a exprimé.

Définitivement la salle de conférence du Bauen est trop petite pour notre parti !

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[1] Hôtel récupéré par ses travailleurs en 2001 et où sont réalisés souvent des événements partisans de l’extrême gauche (Congrès, Conférences, Réunion Nationales, etc.). Il donne en quelque sens une « mesure » du poids d’une organisation : si avant le Nouveau MAS réalisait ses Congrès dans le local central, il a « déménagé » pour une salle de conférences plus grande au Bauen, qui est maintenant trop petite vu la croissance de l’organisation.

[2] On appelle politique « ni/ni » à celle développé par certaines organisations d’extrême gauche autour de la dispute entre le gouvernement Kirchner et les grands propriétaires foncières en 2008, c’est-à-dire, « Ni avec le gouvernement Kirchner ni avec les patrons agraires ».

Par José Luis Rojo

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