Ene - 6 - 2016

Les résultats de l’élection du dimanche dernier ont ouvert une boîte de Pandore dans le pays, modifiant considérablement la scène politique. Une nouvelle situation politique sans précédents s’ouvre, marquée par une forte instabilité car il y a des difficultés réelles et sérieuses pour assurer la gouvernabilité. Qui et comment gouvernera est une question ouverte.

Avec un 73,20 % de participation, le PP a remporté les élections avec 28,72 % des voix et obtient 123 sièges. C’est-à-dire, il a gagné les élections, mais il ne peut pas gouverner, il est le parti le plus voté mais aura beaucoup de difficultés pour former un gouvernement et pour que Mariano Rajoy continue en tant que Président, parce qu’il a resté loin de la majorité absolue (176) à laquelle il était habitué, et bien en dessous du % 44,63 et les186 sièges qu’il avait jusqu’au dimanche soir à la suite des élections de 2011.

Le PSOE, dans le pire score de son histoire, s’est maintenu en tant que deuxième force mais avec 22 % et 90 sièges. C’est-à-dire, il recule notablement par rapport au 28,8 % et 110 députés qu’il avait, en même temps qu’il est très proche du point de vue du score du PP, mais aussi de Podemos, comme force émergente qui lui succède de très près. La vérité est que, après presque quarante ans, avec ces élections le PSOE n’est plus la seule alternative d’opposition et le seul compétiteur qui dispute le gouvernement au PP.

La révélation de cette élection sans aucun doute est Podemos, qui arrive en troisième place en confluence avec En Comú Podem en Catalogne, En Marea en Galice et Compromís dans la Communauté valencienne et qui parvient à entrer dans le pouvoir législative avec 20,7 % des voix et 69 députés; un très bon résultat, qui représente plus de 5 millions de voix.

Ciudadanos, une autre force émergente, s’est dégonflé dans la phase finale de la campagne et seulement a gagné 13,93 % et 40 sièges. Ceci est étonnant si l’on prend en compte le fait que, au début de l’élection, les sondages lui plaçaient comme troisième force et même certains comme deuxième devant le PSOE. De cette façon, il a « perdu le match » des « forces émergentes » avec Podemos et a un poids presque nul dans la formation du nouveau gouvernement (étant donné les députés de Ciudadanos ne sont pas suffisants pour investir le PP).

Izquierda Unida avec 3, 67 % et 2 sièges, maintienne sa présence dans le nouveau Parlement, mais ne pourra pas former son propre groupe parlementaire. Il est à noter que la Loi de répartition des sièges a été particulièrement dure avec ce parti qui a obtenu presque 1 million de voix, et pour lequel chaque siège a « coûté », par conséquent, presque un demi-million de voix.

Ce que les élections ouvrent comme scénario

Le bilan central des élections est que ces résultats marquent la fin des majorités absolues et laissent un Parlement extrêmement fragmenté et plural. Ouvrant une étape où les pactes, les négociations et les accords seront nécessaires pour « sauver » la gouvernance et la stabilité. Compte tenu de la composition du nouveau Parlement, maintenant l’accord de plus de trois partis est nécessaire pour atteindre la majorité absolue de 176 sièges. Si cet accord n’est pas atteint dans le délai de deux mois on devra appeler à de nouvelles élections.

En ce qui concerne les perspectives post-électorales, le premier élément à retenir c’est qu’il y a une possibilité importante que le PP ne parvienne pas à former un gouvernement. Cela est le résultat non seulement de l’effondrement électoral du PP, mais aussi du fait que son partenaire « naturel », Ciudadanos, a obtenu un nombre moins élevé que prévu de députés et de leurs votes ne suffissent pas pour investir le PP. Comme résultat de sa collision avec les partis  « nationaux » du reste de l’État, tels que CIU (Catalogne) et le PNV (Pays Basque), le PP a peu d’alliés et de nombreuses difficultés pour continuer à la tête de l’Etat. Un grand pacte avec le PSOE dans la but d’assurer la « stabilité » ne peut être écarté, mais les premiers signes de la part du PSOE vont dans le sens opposé, car un tel pacte serait très mal vu par sa base sociale, une situation un peu difficile à digérer et un précédent dur d’assumer pour ceux qui ont voté pour le PSOE contre le PP.

De son côté, pour le PSOE n’est pas facile de se consacrer comme remplacement. Bien qu’un accord avec Podemos pourrait se faire jour, la question nationale est un problème de difficile solution. Non seulement du fait du soutien des partis nationalistes qu’une investiture du PSOE nécessiterait, mais aussi parce que Podemos s’est présenté aux élections sous la forme d’alliances dans plusieurs communautés avec des secteurs qui défendent des formes plus importantes d’autonomie que celles que le PSOE est prêt à octroyer. La perspective d’une « coalition de gauche » est donc loin d’être évidente.

Cette situation, où aucun parti n’apparaît comme sûr de former gouvernement,où les pactes son nécessaires met dans un problème politique à chacun des partis. Parce que la question n’est pas seulement un problème de chiffres pour atteindre la majorité: c’est un problème politique, comment, avec qui et avec quel contenu on obtient cette majorité pour gouverner. Ainsi, s’ouvre un éventail de possibilités dont il est encore difficile d’évaluer avec certitude vers quel côté va aller, mais où il est clair que nous entrons dans un scénario complètement différent de celle de la stabilité du bipartisme qui existait jusqu’à alors. Une période d’instabilité, qui pourrait donner lieu à la réalisation de nouvelles élections générales, s’ouvre.

Ces élections sont également une constatation de l’agonie sans cesse et de plus en plus de la mort du bipartisme. Les partis traditionnels qui se sont relayés dans le pouvoir (PP et PSOE), ont perdu au total plus de 5 millions de voix et si en 2011 17,8 millions d’électeurs ont opté pour l’un ou l’autre, seulement 12,6 millions l’ont fait dimanche dernier.

Ce que ces élections expriment

L’effondrement du PP, l’effondrement du bipartisme, le recul de Ciudadanos et la montée de Podemos sont des données objectives de ces élections, mais la signification politique qu’ils ont pour nous n’est pas le même que celui que l’attribue la presse bourgeoise.

« (…) Le nouveau système déterminé par les urnes n’est pas une révolution, mais il est bien un changement important. Cela exprime la volonté des espagnols, qui appellent à la négociation et au consensus, en bonne partie fatigués des confrontations sans issue auxquelles ont mené dans le passé les situations très polarisées. Nous devons apprendre à vivre ensemble dans un scénario de minorités parlementaires, qui doivent donner le meilleur d’elles-mêmes pour donner de la stabilité au système. Il n’y a aucun doute qu’il y aura des négociations complexes pour former un gouvernement, mais il est prévu que les principaux acteurs constitutionnels aborderont cette tâche dans un esprit constructif. Finalement, après quatre ans dans lequel le dialogue politique a brillé par son absence, les partis doivent reprendre le chemin des négociations visant à résoudre les problèmes qu’a notre pays. C’est la meilleure façon de répondre au message des urnes. » (Editorial El País 21/12/11)

Pour nous, loin d’exprimer un « volonté de discussions et de négociations », les élections reflètent, au contraire, de manière déformée, l’opposition et les affrontements qui ont eu lieu dans les rues ces dernières quatre années contre la politique austericide et les coupes budgétaires du PP. Dans ce sens, ces données expriment un virage électoral à gauche et le message des urnes est celui du vote contre la politique de coupes budgétaires et de soumission à la Troïka menée par le PP et le rejet et la punition aux partis corrompus du bipartisme traditionnel. C’est pourquoi le PP s’est effondré et Ciudadanos s’est dégonflé.

Il est nécessaire de comprendre qu’il y a d’une part l’analyse de ce que défendent les organisations politiques et d’autre part l’analyse de ce que les gens ont exprimée en votant pour celles-ci.

Nous n’avons aucune illusion dans le PSOE, qui a voté la réforme de la Constitution avec l’aide du PP pour réduire le déficit public et qui applique l’austérité là où il gouverne. En outre, nous n’ignorons pas le virage vers le centre de Podemos et de sa direction, son adaptation aux « règles du jeu » du régime du 78, raison pour laquelle nous croyons qu’il n’était pas une alternative pour ces élections.

Mais ces considérations ne peuvent pas cacher ou minimiser le fait que subjectivement, une partie importante des travailleurs et les secteurs populaires ont voté pour ces formations pour virer le PP et en finir avec l’austérité. C’est un élément essentiel, car cela fait partie d’un bilan équilibré des élections et permet de comprendre les points d’appui que nous avons pour les combats à venir. À cela s’ajoute le fait que, concrètement, le résultat de l’élection a ouvert une phase d’instabilité, dont les conséquences ne sont pas encore sûres.

Dans les prochaines semaines, toute la scène politique sera dominée par la danse des alliances entre ceux d’en haut, par les négociations interminables où chacune des partis cherche seulement à sauver sa propre peau et à faire le meilleur affaire possible. Cela aidera à endormir la situation et à continuer à canaliser l’indignation à travers la démocratie bourgeoise. Ce que les élections ont révélé c’est que les travailleurs et le peuple espagnol ont ras-le-bol des politiques d’austérité, et ce dont il s’agit maintenant, c’est de défendre et de construire cette perspective à travers de l’organisation et la lutte dans la rue.

Socialisme ou Barbarie, Etat espagnol, 23/12/2011

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