Ago - 13 - 2014

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LES TRAVAILLEURS DE DONNELLEY RELANCENT LA PRODUCTION DE L’USINE.

Avec la bagarre avec les fonds vautours dans un deuxième plan, les conséquences de l’impossibilité d’arriver à un accord avec eux sont au-devant de la scène. Dans notre dernier numéro, nous avons expliqué qu’en contradiction avec la hausse de la popularité du gouvernement comme un sous-produit d’avoir « fait face » à Griesa –le juge pro fonds vautours- et compagnie, les conséquences économiques de l’impasse dans la négociation pourraient se faire sentir rapidement. Encore plus de récession, d’augmentation des prix, pénurie accentué de dollards, ainsi que l’augmentation de la vague de chômage technique imposé et des licenciements et pourquoi pas, des fermeture des usines.

C’est ce qui se passe en ce moment. On a commencé à parler d’une « crise industrielle ». Même l’Eglise catholique a exprimé sa « préoccupation pour la crise de l’emploi ». Un souci préventif concernant un débordement possible de la « question sociale ».

Mais il n’y a pas que la crise et les plans de rationalisation économique qui lancent les festivités. Il y a, aussi, une réponse de plus en plus forte des travailleurs face à la crise.

C’est là qui rentrent en scène dans certains des conflits historiques dont des secteurs du prolétariat industriel ont été les protagonistes ces derniers mois. C’est le cas des usine de sous-traitance de l’automobile Gestamp et Lear, d’EmFer-Tatsa et à l’heure actuelle, de l’occupation pacifique des travailleurs de l’imprimerie Donnelley, entre autres cas.

La crise industrielle

Depuis des mois, le pays est en récession. On savait que dévaluation de janvier aurait un effet récessif. On attend une diminution de la production de 1 ou 2% par rapport à l’année dernière.

Les difficultés avec les fonds vautours approfondissent la récession en raison de l’incertitude générée : l’arrêt des plans d’investissement, le manque de dollars, le frein à certaines importations et d’autres effets récessifs.

Parmi les diverses branches de l’industrie, c’est l’industrie automobile celle qui subit le plus la chute productive, avec les conséquences au plan de l’emploi qui en découlent. Non seulement augmente le chômage technique imposé, mais aussi les licenciements. Ainsi les choses, au deuxième trimestre de l’année, le nombre d’employés dans l’industrie a diminué de 2 % par rapport à la même période de l’année dernière, alors qu’en termes d’heures travaillées, la chute est de 3,4 %. Et il est clair que le taux de chômage technique imposé est encore plus grand. En plus, la chute du salaire réel par rapport au 2013 sera de 20%.

L’aggravation de la crise l’industrie nous rappelle les déclarations de Pignanelli (bureaucrate du syndicat de l’automobile) d’il y a deux mois lorsque il affirmait tranquillement que « dans le mois d’août la récession sera déjà finie », que le chômage technique serait seulement « temporaire » et que si les travailleurs se portaient bien, il n’y aurait aucun licenciement

Ces prévisions mensongères se sont révélées fausses : la récession restera longtemps et nous nous trouvons au moment même où le chômage technique se transforme en licenciements ouverts.

C’est pourquoi la crise industrielle est passée au centre de la scène politique ces derniers jours. Et non seulement par les chiffres impersonnels des travailleurs licenciés mais centralement par la réponse active qui commence à se construire. Des réponses qui ne viennent pas de centrales syndicales (pro ou contre le gouvernement, aucune d’entre-elles n’impulse des luttes d’ensemble), mais des usines où la gauche a de plus en plus d’influence.

En ces derniers temps, la lutte la plus importante est celle de Donnelley, où de façon arbitraire et provocatrice la patronale de cette multinationale, qui compte 600 usines dans le monde entier et des millions de dollars en profits, aurait décidé de fermer ses activités en Argentine. Derrière cette décision il y a plus des raisons politiques qu’économiques. Ils cherchent à se débarrasser de l’expérience de lutte menée par une Commission Interne indépendante de la bureaucratie syndicale.

 « Il faut chasser les gauchistes des usines »

Les expériences de lutte ouvrières sont en augmentation ces derniers mois. Plusieurs combats ont eu une projection nationale et ont installé les revendications des travailleurs au centre de la scène, motivant des réunions urgents du gouvernement ou des interventions publiques de Cristina Kirchner.

Un des premiers combats de ce type qui a eu un impact national est peut-être celui de Gestamp, une lutte dans des conditions difficiles avec la moitié de l’usine dirigée par la bureaucratie syndicale de l’automobile.

Les camarades de Gestamp ont réussi, cependant, à mettre en évidence que ce que l’on appelait « chômage technique » n’était que des licenciements cachés comme il a été confirmé plus tard à Lear. Et qu’en plus des facteurs économiques il y avait des facteurs politiques, liés avec le plan de la bureaucratie syndicale de l’automobile en syntonie avec le gouvernement et les patrons de « chasser les gauchistes » du syndicat,  ce que nous avons « anticipé »[1].

Contre cette offensive brutale, donc, l’héroïque lutte des camarades de Gestamp et leur occupation du pont roulant de l’usine (ce qui a bloqué la production) a posé un précédant, et a posé la nécessité de récupérer les méthodes de lutte traditionnels des travailleurs. Une récupération nécessaire dans une situation de plus en plus dure, d’une attaque brutale, consciente et systématique de part du gouvernement, de la patronal et de la bureaucratie syndicale pour en finir avec ce type d’expériences: « chasser les gauchistes des usines » comme défend Pignanelli.

Dans le même temps, il y a eu d’autres expériences d’importance dans d’autres régions du pays tels que l’occupation de la sous-traitante de l’automobile Valeo à Cordoba pendant 17 jours. Ou la lutte de Liliana à Rosario. Ou encore celle de Waterford, pour la défense du droit à la syndicalisation, également dans la province de Cordoba. Ou Calsa dans la région du sud du grand Buenos Aires. De toutes ces luttes, c’est la lutte de Gestamp celle qui a eu un impact national majeur, lorsqu’elle a réussi à bloquer la production des usines d’assemblage pendant quelques jours.

Dans un deuxième temps c’est la lutte des Câbles Lear qui est rentrée en scène. Le point culminant de cet ensemble de luttes s’est produit lorsque la lutte de Lear a coïncidé avec l’occupation d’EmFer[2].. Cela s’est passé il y a un mois. Avec une base endurcie par plusieurs luttes dans les dernières années, cette usine qui produit de matériel ferroviaire et pour les bus, ont fini par occuper l’usine quand ils n’avaient pas d’autre alternative. Ils ont occupé celle-ci plusieurs jours jusqu’à ce qu’ils ont réussi à obliger le gouvernement payer les dettes qu’il avait envers eux, et à ouvrir des négociations sur la nationalisation de l’usine.

L’occupation de Donnelley

Ce troisième moment est marqué par les fluctuations du conflit de Lear. Et, surtout, par la lutte des camarades de Donnelley. La situation à Lear n’est pas simple. Un nombre important de travailleurs ont pris les indemnités pour licenciement et les patrons ont imposé une longue suspension des activités en fermant l’usine pour quinze jours. En outre, une partie importante de la base a été gagnée par la bureaucratie du syndicat (il est difficile de savoir exactement dans quelle proportion[3].

Cependant, il reste un solide noyau d’activistes qui veulent retourner à l’usine, en plus du fait que les délégués ont obtenu plusieurs jugements favorables en justice. Il s’agit d’un conflit qui a eu beaucoup de phases différentes, peut-être pas toutes utilisées de la manière la plus correcte, principalement par la thèse unilatérale qu’on pouvait « gagner la lutte de l’extérieur », ainsi que par une opposition mécanique aux enseignements laissés par la lutte de Gestamp.

En tout cas, la lutte qui est au-devant de la scène est celle des camarades de Donnelley. L’entreprise leur a fermé la porte avec l’argument qu’elle serait « en faillite ». À la suite de la lutte, le gouvernement provincial dut à condamner l’action unilatérale des patrons qui ont fermé l’usine en laissant 400 collègues dans la rue. Et, dans ces conditions, il a dû une procédure de conciliation obligatoire qui n’a pas été respectée par l’entreprise. Profitant de cette conciliation, les travailleurs ont occupé l’usine et ont relancé la production, action facilitée par le fait que Donnelley n’avait pas fini des travaux commandés par des éditeurs comme Atlantida, qui a besoin d’imprimer ses magazines. Conclusion : cet éditorial a passé un accord pour se faire imprimer ses magazines et les travailleurs ont relancé la production.

Mis à part les aléas que nous allons affronter – si ce qui a fait l’entreprise est une manœuvre pour obtenir le « plan préventif de crise », ou  si sa décision de fermer l’usine est définitive (ce dernier semble plus probable) ; ce qui se passera une fois terminé la procédure de conciliation obligatoire : si le gouvernement provincial acceptera la nationalisation ou essaiera de forcer sa transformation en une entreprise coopérative ; s’il cherchera sa fermeture avec la paie d’indemnités de licenciements, ou d’autres choses-, nous tenons à souligner ici deux choses.

La première chose est c’est aux travailleurs et à la gauche de prendre les drapeaux de la lutte, de la défense des emplois, dans des conditions où toutes les fractions de la bureaucratie essaient de temporiser et ne prennent aucune initiative, en laissant l’offensive patronale s’imposer. Moyano n’a toujours pas mis de date à la grève générale qu’il annonce depuis longtemps…

La deuxième chose: comment à travers des durs combats comme celui de Gestamp, d’EmFer, de Lear ou de Donnelley, des secteurs d’avant-garde de la classe ouvrière font irruption dans le centre de la scène nationale avec leurs revendications et avec un programme qui a comme perspective que ce ne soit pas la classe ouvrière qui paie le coût de la crise.

Que le gouvernement assume ses responsabilités

Ça fait longtemps que la gauche ne donne pas une réponse à la situation nationale. L’austérité, le problème du non-paiement de la dette extérieure, la rationalisation patronale dans les industries, les divers conflits et les persécutions contre la gauche. Tout cela aurait nécessité une réponse commune.

Notre parti a défendu à plusieurs reprises la nécessité d’un rencontre national du syndicalisme combatif qui unifie espaces d’Atlanta et du SUTNA. En même temps, nous défendions la politique que le FIT avec notre parti devait être un pôle politique face à la situation nationale. Nous avons également soulevé la nécessité d’entourer les luttes qui sont isolés, en même temps qu’on exige à partir de ces luttes l’appel à la grève générale.

Malheureusement, jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’initiatives dans ce sens. On parle de la réalisation d’une mobilisation unifiée, mais le débat à ce sujet n’est pas encore clair.

Pour notre part, nous pensons qu’il est temps de lancer une grande mobilisation unitaire qui dénonce la responsabilité du gouvernement dans la crise et éxige des solutions. Une mobilisation pour le triomphe de Donnelley, Lear et d’autres luttes en cours, pour le non-paiement de la dette extérieure, contre l’austérité et la rationalisation des entreprises, contre les licenciements et le chômage technique et pour la réouverture de négociations salariales. Une grande mobilisation ouvrière et de la gauche vers la Plaza de Mayo qui pose les problèmes d’ensemble de la classe ouvrière dans la scène nationale.

………………..

[1].- L’article publié dans la presse par la bureaucratie du syndicat de l’automobile contre les camarades de la Commission Interne de Lear est presque une copie exacte de celui qu’ils avaient publié lors de la lutte de Gestamp. Un article qui a démenti la politique défendue par certains secteurs de la gauche selon laquelle « il fallait pas occuper l’usine contre du simple chômage technique »  Mais il s’est avéré que ce soi-disant « chômage technique » n’était que des licenciements cachés, ce que le cas de Lear a confirmé, puisque l’usine n’a pas été occupée et cependant les licenciements massifs sont arrivés…

[2].- Le conflit dans Lear a commencé le dernier jour de l’occupation du pont-roulant à Gestamp. Peut-être il y aurait été possible d’établir une coordination de ces deux combats. Cependant, au début, les compagnons de Lear croyaient vraiment que leur sorte ne serait pas la même que celle de Gestamp. Il a fallu parcourir deux mois de lutte pour comprendre que leur situation faisait partie d’une même offensive de la patronale, de la bureaucratie du syndicat et du gouvernement pour détruire cette expérience indépendante.

[3].- À notre avis, la perte d’une partie importante de la base aux mains de la bureaucratie est l’un des plus grands déficits du conflit ces dernières semaines. Les travailleurs n’apparaissent pas comme les protagonistes des actions, que même si elles ont une notoriété et impact national, elles laissent à la bureaucratie l’espace pour argumenter que c’est elle qui « représente » la majorité des travailleurs, qui ne veulent que « travailler »

Editorial, Socialismo o Barbarie Nº 300, 14/07/2014

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