Nov - 6 - 2014

Des événements imprévus tels que la mort d’Eduardo Campos et des tendances confirmées comme la récession et l’érosion de  « l’effet LULA » ont convergé pour que les prévisions électorales souffrent plusieurs revers. Jusqu’à la diffusion des résultats, dans la nuit du 26/10, par le Tribunal Supérieur Électoral (TSE), personne ne se décidait à faire un pari catégorique sur qui serait le nouveau président.

Il est vrai que Dilma a triomphé, et ce n’est pas  un fait sans importance après douze ans de gouvernement du PT. Mais la petite différence de voix indique que les problèmes qui existaient avant l’élection (détérioration économique, l’émergence de la jeunesse dans les rues en juin 2013, etc.) n’étaient pas résolus.

Le résultat de l’élection présidentielle a confirmé les tendances qui s’exprimaient déjà dans les élections précédentes, c’est-à-dire une profonde érosion des gouvernements du PT. Une tendance qui  pourra s’exprimer maintenant dans des croissants processus de conflits, non seulement dans le cadre superestructurel, mais aussi dans la lutte des classes. La campagne électorale de 2014 a été la plus polarisée depuis 1989, lorsque Lula a été défaite par Collor de Melo. La victoire serrée de Dilma Rousseff, avec 51,6 % des votes sur Aécio Neves, qui a obtenu 48,4 %, reflète ce scénario de polarisation, ainsi d’indiquer plusieurs contextes politiques structurelles qui peuvent être décisifs dans le prochain gouvernement.

L’élection a confirmé une tendance, qui avait déjà été vérifiée depuis l’élection de Lula pour son second mandat en 2005. Le PT dans la deuxième élection de Lula, a réalisé un changement majeur dans sa base électorale, parce que cela a été la première fois qu’il a reçu le soutien des travailleurs les plus pauvres, notamment des régions du Nord et du nord-est et de la périphérie des grandes villes, mais ceci au détriment de sa base électorale historique à l’intérieur de la classe ouvrière.

Le PT, de plus en plus éloigné de la classe ouvrière

Dans les élections du 26 octobre ce glissement non seulement a été maintenue, mais il s’est aggravé. Dans la carte électorale, Dilma apparait comme ayant des résultats écrasants dans les régions Nord et nord-est et comme étant vaincue dans les régions du Sud et du sud-est. Même dans les régions périphériques des grandes villes et ceintures industrielles de São Paulo, Rio de Janeiro et Minas Gérais, Dilma a été vaincue par Aécio.

En São Bernardo do Campo, l’ABC pauliste, la plus importante ceinture industrielle de San Pablo, berceau du PT et du lullisme, Dilma a été vaincue: Aécio a obtenu le 55 % contre 44 % de Dilma. Dans cette région, le gouvernement n’a pas été seulement vaincu à Diadema. Nous ne pouvons pas, avec les données dont nous disposons jusqu’à présent, décrire quel a été exactement le pourcentage de la classe ouvrière qui a voté pour l’opposition de droite, mais les chiffres indiquent une nette tendance de perte de la base électorale du PT dans la classe ouvrière industrielle.

C’est évident qu’il ne s’agit pas, comme le marketing politique du PT veut faire croire, que l’élection reflète une division entre les riches et les pauvres. Au contraire, le PT, de la même manière que le PSDB, est un parti qui gouverne pour les intérêts du grand capital. À la différence qu’il donne en peu plus d’importance aux programmes d’aide sociale. La réalité est que le PT a subi un sorte de « vote sanction » d’une partie fondamentale de sa base sociale historique: des portions de la classe ouvrière industrielle ont refusé de voter pour le PT, un fait qui doit être analysé de manière plus rigoureuse, mais qui indique déjà une déception avec la direction du parti, une position critique due au manquement de ses promesses vers le noyau fondamental de la classe ouvrière du pays.

Des affrontements plus radicalisés entre les classes auront lieu

Tout indique que le gouvernement aura un second mandat plus difficile. L’accord politique qui dirige le gouvernement fédéral depuis 2002 gagne des contours encore plus marqués avec le glissement d’une plus grande partie de la bourgeoisie vers l’opposition et du fait de l’accentuation de la perte de la base électorale dans les centres urbains, même parmi la classe ouvrière.

Le gouvernement peut garder la majorité au Congrès National, mais avec la croissance de l’opposition (tant dans le Parlement qu’aux gouvernements des États) et la fragmentation encore plus dense des partis, l’ingénierie pour monter la base de soutien sera plus complexe et exigera plus de concessions du gouvernement.

L’économie nationale, sa balance commerciale et les comptes publics des dernières années, malgré la croissance de la consommation intérieure dû à la popularisation du crédit, a approfondi la dépendance des exportations de matières premières et de l’investissement étranger, donc il est difficile de voir des issues à la stagnation capitaliste sans solutions politiques qui affrontent des intérêts sociaux. Cependant, plutôt que de faire face aux intérêts capitalistes, Dilma va poursuivre avec sa politique contre les travailleurs, avec les coupes budgétaires, la hausse des prix, la contraction des salaires aux travailleurs et les réformes du code du travail. Ses premières déclarations après avoir été réélue ont été destinées à «calmer» les marchés.

Nous entrons dans un nouvel équilibre des forces qui, même après la fin de la pseudo-polarisation qui a régné dans le domaine électoral, aura un impact sur le terrain politique réel de la lutte des classes. Le prochain gouvernement de Dilma va approfondir son profil patronal, car l’économie nationale/mondiale tend à rester en récession, scénario dans lequel sera mise en question, inévitablement, la corrélation des forces ouverte en juin 2013.

Nous devrons voir comment dans la prochaine période de la classe ouvrière va réagir aux attaques (chômage, qui augmente déjà de plus en plus dans l’industrie, baisse des salaires et hausse des prix) qui  sans aucun doute viendront du gouvernement et des patrons. La défaite de Dilma dans l’ABC et les régions ouvrières peut (contradictoirement) signifier une érosion non seulement du gouvernement, mais également de la bureaucratie syndicale lulliste, ce qui ouvrirait des meilleures conditions pour la lutte et pour la construction d’alternatives syndicales et politiques indépendantes, de la classe ouvrière et  de la jeunesse, malgré le fait que ces mêmes travailleurs aient voté par Aécio puisqu’ils ne voyaient pas d’autres alternatives.

La gauche socialiste doit réorienter sa politique

C’est pourquoi la politique de la gauche doit s’adapter aux nouveaux défis de la lutte des classes. L’affaiblissement de Dilma dans son deuxième mandat ne signifie pas qu’elle fera plus de concessions aux travailleurs, mais plutôt elle a donné des signaux clairs qu’elle va s’appuyer encore plus sur la bourgeoisie. Nous entrons dans un scénario politique qui redouble la nécessité de surmonter la fragmentation des secteurs de la classe ouvrière et la jeunesse qui ont rompu avec la bureaucratie lulliste et aussi celle de la gauche socialiste, qui se trouve aujourd’hui dispersée dans diverses organisations politiques.

Il ne suffit pas de souligner en général la nécessité de lutter et de construire une alternative à partir de notre propre organisation, comme le fait le PSTU dans son bilan électoral: «l’autre grande tâche de la classe ouvrière est de construire une alternative politique, indépendante de la bourgeoisie, qui puisse vraiment unir tous les travailleurs, les jeunes, les personnes pauvres et des opprimés de ce pays contre les riches, les banquiers, hommes d’affaires, les partis patronaux, de droite et des oligarques avec lesquels le PT gouverne[1]. »

Il est nécessaire de surmonter cette étroitesse. L’insistance du PSTU sur l’idée que la réponse aux potentialités qui existent dans la situation politique peut être résolue avec un appel de son propre organisation et expérience militante est complètement stérile.

Au Brésil, avec les limites de l’expérience politique plus récente, il n’y a pas une organisation révolutionnaire qui, par elle-même, puisse se placer à l’avant-garde de la construction d’une alternative révolutionnaire unique. Par conséquent, il est nécessaire de rouvrir le débat sur la nécessité de construire un parti révolutionnaire avec liberté de tendances.

Il ne s’agit pas d’un nouveau PSOL, mais d’une organisation avec un programme clairement révolutionnaire qui puisse rassembler tous les courants politiques pour, à partir de là, faire une synthèse qui se traduira dans un parti révolutionnaire unifié sur la base du centralisme démocratique.

En ce qui concerne l’organisation syndicale, nous devons également avoir une politique pour organiser des activistes dans tout le pays qui  s’affrontent dans leur luttes contre la bureaucratie; les transporteurs de San Pablo sont l’exemple d’un secteur des travailleurs qui s’est battu récemment et en est sorti victorieux, malgré et contre la bureaucratie syndicale. On ne peut pas (comme le fait le PSTU) rester à l’aise dans les cadres de CONLUTAS ou Anel (organisation étudiante), il faut profiter de l’érosion de la bureaucratie syndicale et  étudiante pour construire des organisations qui couvrent les secteurs les plus dynamiques de la lutte des classes et créer des conditions futures pour incorporer les plus importants bastions de la classe ouvrière, comme la métallurgie de l’ABC, par exemple.

Le PSTU et la gauche du PSOL devraient convoquer pour le début de l’année prochaine une grande réunion nationale pour organiser l’ensemble de l’activisme indépendant contre la politique d’austérité des capitalistes. Les militants de Praxis engageons nos efforts militants dans cette perspective: la lutte pour une initiative de ce type qui prépare la résistance contre le dur ajustement du nouveau gouvernement de Dilma et du PT et qui, sûrement, aura le soutien d’Aécio Neves, du PSDB et des autres partis patronaux.

Courant Praxis - Socialisme ou Barbarie, Brésil, 29/10/14

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