Nov - 16 - 2014

Avec la dévaluation reportée par l’attente d’un arrangement avec les fonds vautours et le résultat des élections en Bolivie, le Brésil et l’Uruguay, qui ont consacré une continuité du « progressisme »  bourgeois, le gouvernement a repris le contrôle de l’agenda politique et on rentre dans une conjoncture préélectorale avant même de la fin de l’année. Les candidats du patronat (Scioli, Massa, Macri, Cobos, Binner et Carrio) ont déjà lancé leurs candidatures présidentielles dans le contexte de cette arrivée prématuré de l’année électorale.

Cela ne signifie pas que le transit vers les élections se fera dans un scénario exempté de tensions, conflits et même crises aiguës dans la mesure où l’économie se détériore encore : manque de dollars, salaire réel en chute, du chômage technique et des licenciements, et une récession qui ne s’arrête pas, tout ce qui prédit que la crise économique sera présente l’année prochaine.

Dans ce contexte il faut se préparer pour le développement des luttes en 2015. La bureaucratie de tous poils ne fait rien face à cette situation ; cependant, les pressions vindicatives seront présents, au fur et à mesure que la crise économique continue : déjà on souligne que le soutien aux luttes devra être un élément central de toute campagne électorale de la gauche !

Précisément, la course électorale de la gauche a été lancée avec l’apparition de quelques pré-candidatures présidentielles. Notre parti souhaite ouvrir le débat pour une participation en commun à l’élection présidentielle avec le FIT et AyL (Autodétermination et Liberté, de Luis Zamora), qui pourrait dépasser l’expérience étroite du FIT.

Le fait est qu’après un énorme effort militant pour surmonter les obstacles antidémocratiques de la nouvelle loi électorale, notre organisation vient d’obtenir sa reconnaissance légale en tant que parti national en remplissant les conditions pour participer à la prochaine élection présidentielle qui aura lieu en 2015. C’est sur la base de cet outil que nous faisons cet appel au FIT (qui a refusé de discuter avec notre parti dans les deux dernières élections avec l’argument que nous n’avions pas la « reconnaissance légale en tant que parti national » !) et AyL, organisation à laquelle appartient Luis Zamora, dans le but d’organiser de façon conjointe une participation aux élections.

Quel type de campagne réaliser ?

Avant d’entrer dans le débat sur les possibilités de cette participation commune, nous voulons exprimer ce que nous croyons doit être le contenu de cette campagne (un débat qui brille par son absence dans le FIT qui n’est en train de débattre que des places de chacun dans les listes).

Nous partons de l’expérience accumulée, ainsi que du bilan des principales luttes ouvrières de l’année dernière. Il y a un énorme problème que la gauche n’a pas réussi à résoudre, et dans la mesure où elle a obtenu plus de 1 million de votes lors des dernières élections (en ajoutant les voix du FIT, de notre parti et de AyL) et, même, une importante représentation parlementaire, les responsabilités à l’heure de définir quelle type de campagne électorale il faut mener en 2015 sont encore plus grandes.

La gauche vient d’avoir obtenu des importants scores dans les deux dernières élections. Cependant, du point de vue de la maturation politique d’une partie de notre classe, peu de progrès a été observée depuis que le FIT a obtenu de la représentation parlementaire. Un des obstacles à cette maturation est non seulement le cycle politique national mais international, où nous n’assistons qu’au début d’une récupération des méthodes traditionnelles de lutte du prolétariat, et la reconstruction de la conscience politique de la classe ouvrière est encore à des niveaux très initiaux.

La gauche a réussi à capter une frange électorale très importante par rapport à ses résultats historiques. Mais c’est une autre question qu’il faut répondre : quel doit être le but de la gauche face aux prochaines élections ? Ce serait une erreur que cet objectif soit, simplement, chercher à obtenir plus de votes et obtenir plus de parlementaires comme une fin en soi. Les transformations de fond que les révolutionnaires voulons atteindre ne seront possibles que si au moins une partie des travailleurs avance vers des positions de classe : vers une conscience socialiste. C’est ce problème que nous avons vécu autant dans Gestamp que dans Lear, de loin les principales luttes ouvrières de l’année, où l’activisme était très combatif, antibureaucratique, sympathisait même avec la gauche, mais avait une conscience extrêmement « revendicative », presque sans aucun composant d’une véritable conscience politique, une tendance qui s’aggrave encore dans la base ouvrière.

Il est évident que cette prise de conscience n’avancera pas dans le vide, mais dans le cadre d’une lutte de classe aiguë. Il est également évident que le discours politique que nous avançons dans une campagne électorale ne peut que poser quelques fondements d’une avancée ultérieure.

Mais ne pas profiter de l’instance électorale et du poids acquis par la gauche dans la dernière période pour mener une campagne électorale qui,  en plus de soutenir inconditionnellement les luttes et tout faire pour qu’elles gagnent, ainsi que de soutenir le processus plus général de recomposition antibureaucratique, éduque dans une perspective de classe, socialiste, des larges secteurs de travailleurs, ce serait un erreur opportuniste. Le manque d’une conscience politique demeure l’une des problèmes historiques de la classe ouvrière dans notre pays, et jusqu’à présent les voix de la gauche ne semblent pas avoir abouti à un progrès plus ou moins perceptibles dans ce domaine.

Malheureusement, le FIT ne fait pas cela ; son profil est strictement celui d’un « front de gauche » dont le contenu de classe, ouvrier, socialiste, est très amincie. Dans tous les cas, pour avoir un profil plus de « travailleurs » il faudrait un rôle politique accru des secteurs de l’avant-garde ouvrière qui n’existe pas en ce moment ; c’est pourquoi les principales candidatures sont remplies par des figures partisanes.

Mais si ce rôle accru nécessiterait d’une montée des luttes, d’une maturation majeure de la nouvelle génération ouvrière, il est cependant possible d’aller plus loin, de surpasser le discours purement « revendicatif de gauche » caractéristique du FIT et de tirer parti du poids électoral obtenu pour enrichir une campagne électorale dont le profil assume un contenu socialiste plus clair.

Autrement dit, une campagne qui défend comme idée centrale que la classe ouvrière doit être l’acteur, le sujet d’une transformation sociale qui aille au-delà de toutes les variantes et les gouvernements capitalistes comme les Kirchner, Massa, Scioli, Macri, ou n’importe quel autre, et qui défend l’idée que, stratégiquement, c’est la classe ouvrière celle qui doit gouverner.

Et que pour le faire devra assumer qu’aucune solution ne peut venir hors d’un rôle central de la classe ouvrière, hors de ses luttes, en attendant que quelqu’un lui apporte une « solution magique » (ce qui défendait historiquement le péronisme): la solution ne peut venir que de l’action de classe ouvrière à partir des combats tous les jours, en élevant ces combats au plan politique par le biais de ses organisations et ses partis. C’est aussi l’enseignement qu’ont laissé les durs combats de Gestamp et Lear.

La FIT n’a pas été à la hauteur d’un tel défi. Il a présenté une alternative d’indépendance de classe, mais la nature extrêmement revendicative de leurs campagnes (il ne faut pas oublier qu’ils sont allées jusqu’à ne pas critiquer Cristina dans deux campagnes successives), l’idée que le FIT comme tel pourrait satisfaire les demandes des travailleurs, en séparant ceci de la clarification du fait que la solution ne peut venir que des mobilisations des travailleurs eux-mêmes, donnent un caractère extrêmement limité au FIT, qui a fait très peu pour faire progresser la conscience de classe des travailleurs.

Chacun de son côté ?

Il y a autre chose : étant donné que la gauche révolutionnaire a obtenu plus de 1 million de votes, se pose un défi encore plus grand que celui de les « augmenter » de façon évolutive: à savoir, celui de mettre en place une campagne unifiée de la gauche lutte de classes dans le but que la nouvelle génération ouvrière, la jeunesse et le mouvement des femmes avancent vers des positions d’ensemble, socialistes, vers une vision générale qui comprenne que la classe ouvrière peut gouverner et doit gouverner, afin que les problèmes puissent être résolus. Cela implique, évidemment, une critique implacable des gouvernements comme celui de Kirchner et d’autres expériences similaires dans la région, sans oublier la délimitation avec d’autres candidatures bourgeoises.

Notre parti a critiqué la perspective du FIT, qui se réduit dans les faits à une « coopérative électorale »: une alliance conjoncturelle pour obtenir des élus. Pendant cette année ils n’ont pas été en mesure de donner une seule réponse commune aux principaux faits de la lutte des classes : les grèves générales, les luttes comme Lear et Gestamp, ni de mettre en place une Rencontre unifiée de l’avant-garde ouvrière, même pas une réponse unifiée à la question de la dette publique… Un grave problème, qui montre que le FIT est une alliance électoraliste.

Ils ont également échoué à faire avancer d’un centimètre – ils ont plutôt régressé – la création d’instances propres au front pour un militantisme plus large que celui des partis qui le composent. Plus grave encore, le FIT est traversé par une tension que mène à ses composants à avoir une stratégie avec des dérivations électorales, où ils défendent une méthode des « miettes » (renoncer à des objectifs stratégiques pour obtenir des profits immédiats) et ils s’appuient sur l’existence des PASO[1] comme un mécanisme pour régler les rapports de force dans la gauche. Nous nous demandons : qu’arriverait-il au FIT si les PASO étaient éliminées, ce qui devrait faire partie de toute campagne de la gauche qui soit vraiment révolutionnaire ?

Encore pire, ils ont absorbés par la discussion sur qui devrait être le candidat à la présidence, sans entamer aucun autre débat. Nous avons toujours dit que nous défendions que le FIT soit un front d’indépendance de classe et que, pour cette raison, notre parti a exigé son participation dans celui-ci dans des conditions raisonnables qui ne signifieraient pas de devoir abdiquer nos positions politiques ; maintenant, nous réitérons encore une fois la même exigence.

Le Nouveau MAS a obtenu sa reconnaissance légale en tant que parti national en luttant contre la loi antidémocratique du régime et du gouvernement, ce qui ne devrait  pas« déranger » le FIT. Nous avons conquis notre légalité nationale grâce à un énorme effort militant et sans aucun sectarisme nous appelons le FIT et Luis Zamora (une figure reconnue de longue trajectoire dans la gauche qui est resté indépendante, membre de AyL) à nous réunir pour échanger des idées autour d’une participation en commun dans les élections à venir, laissant de côté tout critère « nombriliste ».

Pour une rencontre unifiée du syndicalisme combatif où soit discutée la participation électorale de la gauche

Enfin, nous insistons que c’est toujours d’actualité la réalisation d’une rencontre unifiée des secteurs lutte de classe et de la gauche qui permette d’apporter une réponse unifiée aux luttes qui viendront. Le PO et IS viennent de déclarer qu’ils appellent à un simple meeting électoral du FIT visant à proclamer la candidature présidentielle d’Altamira. Cela nous semble opportuniste et sectaire en même temps. Sectaire, parce qu’il ferme la participation d’autres secteurs de la gauche comme notre parti, dans le but unique d’exalter leur propre nombril ; opportuniste, car il donne une réponse purement électorale non liée aux luttes qu’il y aura l’année prochaine et qui sont toujours le domaine privilégié des révolutionnaires.

Le PTS a souligné la nécessité d’une rencontre de ce type. Nous les appelons à lutter ensemble pour une réunion unifiée des secteurs lutte de classe pour le début de 2015, où soit également discuté la participation de la gauche lors des prochaines élections.

Pour lutter pour ces objectifs, nous réaliserons un grand meeting national du Nouveau MAS le samedi 6 décembre où nous allons donner la parole aux dirigeants et activistes ouvriers  des principales luttes de l’année, ainsi qu’à nos camarades de Las Rojas, en profitant de l’occasion pour annoncer nos pré-candidatures présidentielles et aux députés de tout le pays.

[1] Les PASO, des primaires obligatoires instaurées par la dernière réforme électorale, obligent tous les partis à réaliser des primaires, devant obtenir un seuil minimum des voix dans celles-ci pour pouvoir se présenter ensuite aux élections générales.

Comité Exécutif du Nouveau MAS, le 12 Novembre 2014

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