Nov - 21 - 2014

Dans la nuit du 25 au 26 Octobre, Rémi Fraisse est assassiné par les gendarmes alors qu’il s’oppose à la construction du barrage de Sivens. Depuis quelques semaines la répression dans la zone du Testet s’accentue, le gouvernement essayant de passer en force pour commencer la construction : c’est une grenade offensive utilisée par la gendarmerie qui en finit avec la vie de Rémi.

Depuis, ce scandale impacte la situation politique nationale. Le gouvernement, très impopulaire et enchainant crise après crise, tente le discours répressif, en invoquant le « maintien de l’ordre » face aux « casseurs ». Etant donné le manque de réponse des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier et le monopole initiale des courants ultra avant-gardistes sur la mobilisation, ce discours a réussi à s’imposer dans une partie de la population. Cependant, les dernières mobilisations lycéennes massives (qui au moment d’écrire cet article semblent en reflux), ainsi que les débuts de mobilisations dans le monde étudiant et de la jeunesse –comme en atteste l’Assemblée Générale à l’Université de Toulouse qui a réuni plus de 1200 personnes- pourraient changer la donne et être le début d’une contestation généralisée à ce gouvernement.

Un projet anti écologique et au service des grands propriétaires

Nous ne parlerons que très brièvement du caractère scandaleux de la construction de ce barrage, en ne notant que les points principaux. Nous renvoyons le lecteur au site internet du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du TESTET[1], très fourni en informations et très utile –malgré nos différences politiques avec ce Collectif.

D’abord, le projet représente une grave menace écologique. Le barrage inonderait la zone humide du Testet, un refuge de biodiversité qui abrite 94 espèces animales protégés et 353 espèces de plantes vasculaires. Il s’agit, selon les mots du DREAL[2] de l’une des « zones humides majeures du département du point de vue de la biodiversité », et est classée comme « Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique ». Bien évidemment, la construction du barrage signifierait la fin de cela, comme c’est le cas de 70% des zones humides en France depuis le début du XXème siècle.

Deuxièmement, c’est projet n’est destiné qu’au profit d’une minorité : seulement une vingtaine de propriétaires terriens serraient irrigés, ce qui pour un coût total du projet de 8,4 millions d’euros, signifie un investissement de plus de 400.000 euros par propriétaire terrien (aux frais de l’Etat) ! Il s’agit donc d’encore un pas en direction de l’agriculture productiviste à grande échelle au détriment de l’écologie et des intérêts des classes populaires.

Finalement, un conflit d’intérêts flagrants caractérise le dossier. Entre le Conseil Général du Tarn (qui a approuvé le projet) et la Compagnie générale des coteaux de Gascogne (qui a fait les études préalables, est maître de l’ouvrage et sera le gestionnaire par la suite), les mêmes têtes circulent. Le président de la  CACG, Francis Daguzan, est à la fois vice-président du conseil général du Gers, où il est chargé des dossiers de l’eau et membre du comité de bassin Adour-Garonne, qui s’occupe de la gestion de l’eau dans la région : ce n’est qu’un cas parmi de nombreux autres, dans un dossier caractérisé par ce type d’imbrications. Nous comprenons bien alors pourquoi le passage en force de ce projet, pourquoi le rejet de toute discussion publique, même celles prévues par la loi bourgeoise.

Enfin, c’est en défendant ce projet au service des grands exploitants agricoles et des intérêts d’une caste politique régionale que le gouvernement est arrivé à l’assassinat de Rémi Fraisse. Un scandale qui vient aggraver encore la crise du gouvernement et duquel celui-ci essaie de s’en sortir en augmentant la répression.

Un gouvernement encore discrédité qui s’appuie sur la répression

Inutile de redire jusqu’à quel point le gouvernement est discrédité parmi les classes populaires et la jeunesse : non seulement les sondages lui donnent des pourcentages d’impopularité record, mais il n’est pas difficile de saisir la colère contre le gouvernement qui traverse ces secteurs. L’assassinat de Rémi aux mains de la police, cette même police qui réprime les travailleurs en lutte, qui exerce la violence dans les quartiers populaires, ne pouvait que faire grandir cette colère.

Le gouvernement a essayé face à cette situation la politique de la carotte et du bâton. D’une part, il a essayé de faire des concessions au mouvement : la suspension puis l’interdiction des grenades offensives de part du Ministre de l’Intérieur Cazeneuve, la suspension des travaux liés au barrage de Sivens (mais pas son annulation définitive). Ils essaient ainsi de lâcher quelques miettes sans en remettre en cause pour autant le fond du problème : ni caractère répressif des forces de l’ordre, qui continueront à servir les intérêts anti-ouvriers du gouvernement, ni les politiques pro-patronales mises en place, dont le barrage de Sivens n’est qu’un exemple.

D’autre part, le gouvernement a renforcé sa politique répressive envers les manifestations qui ont suivi l’assassinat de Rémi Fraisse. Des mobilisations interdites, des centaines d’interpellations et des Gardes à Vue, un manifestant qui s’est fait arracher le nez au tir de flashball, militarisation à Saint-Denis contre la mobilisation lycéenne et des convocations aux lycéens parisiens qui ont organisé les blocus… Nous assistons à une véritable tentative du gouvernement d’étouffer la mobilisation à travers la répression, en essayant en même temps d’isoler les manifestants en leur collant l’étiquette de « casseurs ».

Cette politique a eu un certain succès. Le reflux des mobilisations lycéennes est en partie dû au caractère très instable de ces mouvements, mais aussi à la répression qui s’est abattue sur les lycéens mobilisés. En même temps, le gouvernement a réussi en partie à faire passer un discours attaquant les « casseurs », ce qui est aussi possible vu l’influence des courants sectaires et ultra avant-gardistes dans les mobilisations, et le refus des organisations traditionnelles, en particulier les syndicats, de se mettre à la tête de ces mobilisations.

Cependant, la mobilisation pour Rémi Fraisse est loin d’être finie. Les derniers rebondissements avec des nouveaux secteurs qui rentrent à la lutte en sont l’exemple.

Développer et élargir les mobilisations dans la jeunesse

Jeudi 13 Novembre, une Assemblée Générale au Mirail qui a réuni plus de 1200 personnes à lancé un appel à se mobiliser le 20 Novembre contre la politique du gouvernement, la répression, le barrage de Sivens et en soutien aux camarades inculpés lors des dernières manifestations. Des tentatives de mobilisation essayent de se construire dans d’autres universités suite à cet appel, et même si nous ne pouvons pas affirmer encore quelle portée aura ce mouvement, organiser partout l’élargissement de la mobilisation est la tâche principale des militants révolutionnaires. Une mobilisation réussie le 20 Novembre serait un dur coup pour le gouvernement et construirait un meilleur rapport de forces pour la défense des camarades inculpés.

Dans ces mobilisations, nous devons mettre en avant la lutte contre la politique répressive du gouvernement : la responsabilité va jusqu’au sommet de l’Etat, d’où la justesse de la consigne « Cazeneuve démission ! » défendue par le NPA ; d’autre part, c’est la police comme institution répressive au service des capitalistes qu’il faut combattre dans son ensemble : pour le désarmement de la police et sa dissolution ! En même temps, il ne faut pas oublier que cette politique répressive a un but qui concerne l’ensemble des secteurs populaires : faire passer la politique d’austérité, les attaques contre les travailleurs, et étouffer toute contestation à cette politique pro-patronale par le biais d’une répression accrue. La lutte contre la répression et la lutte contre la politique anti-ouvrière du gouvernement forment un ensemble qu’il faut mettre en avant. Finalement, au fur et à mesure que la répression s’abat sur le mouvement, la défense des camarades inculpés devient une tâche de premier ordre : il faut que la relaxe des camarades inculpés soit l’un des axes de la mobilisation, en organisant aussi des campagnes de solidarité spécifiques sur ce sujet.

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[1] http://www.collectif-testet.org/

[2] Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement

Par Ale Vinet, 19/11/2014

Categoría: Français