Ene - 29 - 2015

À la veille de la réunion du Congrès le lundi dernier 19, où le procureur Alberto Nisman devait expliquer les accusations contre la présidente Cristina Kirchner et le ministre des affaires étrangères Héctor Tímerman en ce qui concerne le Mémorandum d’accord avec l’Iran, il a été retrouvé mort à son domicile. Si cela a été un suicide ou pas, c’est encore sujet à débat, mais la première hypothèse tend à se renforcer (question qui, en quelque sorte, est secondaire en ce qui concerne le fond de l’affaire).

Ce fait a déclenché une tornade dans les scénarios de la politique patronale, une crise politique d’ampleur qu’après une semaine d’événements, reste encore ouverte et pourrait avoir de nouveaux développements.

En outre: de par le ténor des accusations croisées, il s’agit d’une tempête qui affecte tous les pouvoirs de la démocratie patronale, surtout le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, sans que le pouvoir législatif s’en sort bien non plus. En particulier, ceux qui sont visés sont les services de renseignement de l’Etat, pourris jusqu’à la moelle, et que tout gouvernement qui se dit démocratique devrait procéder immédiatement à éliminer (ce que Cristina a annoncé dans une allocution televisée n’est pas cela, mais le remplacement de l’ancien SIDE[1] par un nouvel organisme de renseignement, ce qui en aucun cas résout le problème).

Bien sûr, il n’est pas possible encore de déterminer de nombreux détails de ces événements. Ni pourquoi Nisman s’est précipité vers une telle accusation, ni, encore moins, la question de si Nisman s’est suicidé ou s’il a été assassiné, et finalement les questions fondamentales concernant l’attentat du 18 juillet 1994 du siège de l’AMIA.

Le fait est que, depuis cette date, toutes les actions et les « enquêtes » des institutions et des responsables de l’Exécutif et de la Justice – policiers, services, juges et procureurs, etc., accompagnés par l’action ou l’omission du Congrès, ont généré une odeur nauséabonde, ce qui montre la pourriture profonde de la politique patronale.

En effet, il faut rappeler, par exemple, le cirque frauduleux qui a été la première enquête et le premier procès en ce qui concerne l’attentat, procès qui dans le 2001 / 2004 s’est terminé avec tous les accusés en liberté… et avec le magistrat attaqué en justice…

Puis, déjà dans l’ère Kirchner, avec le défunt procureur Nisman, a débute le deuxième acte de cette farce pourrie. Nisman, jusqu’à récemment opérait dans les cadres de l’appareil du kirchnerisme, qui lui avait nommé en 2004. Mais les crises et les ruptures du kirchnerisme se sont exprimées également dans ces secteurs. La división de la SI (Secrétariat de l’intelligence, ancienne SIDE), avec la migration d’un secteur aux forces de Sergio Massa[2], le célèbre ancien espion Stiuso engagé en 1972, et qui a été agent de la SIDE pendant la dictature militaire, a également inclus Nisman. Ce combat par la répartition de l’appareil de l’Etat entre différents politiciens bourgeois, a pris les formes d’une guerre sans quartier.

Dans le même temps, Nisman, le procureur qu’avait présidé toutes les allers et retours du gouvernement dans l’ère Kirchner, s’est retourné contre ses anciens maîtres. La dernière étape a été l’accusation contre Cristina et Timerman, mentionnée plus haut, qui, au niveau du Congrès a été conduite par les secteurs les plus énrangés de l’opposition de droite, comme Bullrich et Carrió.

Un « détail » particulier mais important de tout cette porcherie, c’est la subordination coloniale, le long de tout le cas AMIA, de la « justice » et les fonctionnaires argentins à l’ambassade des Etats-Unis. Les documents du département d’Etat, publiés il y a quelques années par Wikileaks révèlent que le procureur Nisman envoyait régulièrement les brouillons de ses écrits et ses résolutions à l’ambassade des États-Unis pour qu’ils fassent des corrections. Seulement après il leur présentait officiellement.

Ceci est un aspect important de la pourriture des institutions, des politiciens et des fonctionnaires de l’État bourgeois: la persistance sous les Kirchner de la servilité coloniale, comme dans les meilleurs temps des  « relations charnelles » avec les Etats-Unis dans les années 90.

Cet aspect particulier de la pourriture que nous dénonçons, traverse toute les prétendues « enquêtes » de l’attentat sur l’AMIA. Pendant les vingt années depuis l’attentant, rien n’a été étudié sérieusement. Mais ce n’est pas difficile de vérifier que les trois « suspects » qui sont monté et descendu du banc d’accusés—le Liban, la Syrie et l’Iran— l’ont fait selon l’évolution de la situation de la politique étrangère des États-Unis. Lorsque la Syrie est devenu allié de Bush dans l’invasion de l’Irak, il a cessé d’être accusé. C’est ensuite l’Iran qui a été accusé… mais l’avancement des négociations d’Obama avec Téhéran, ont été après le cadre du Mémorandum d’accord, géré par Timerman.

Au fil du temps, Nisman s’est retourné et de travailler pour les Kirchner, est passé du côté de l’opposition de droite en suivant les ordres – directement ou indirectement – des États-Unis et de l’état d’Israël, a accusé le gouvernement de « couvrir les suspects » de l’attentat de 1994.

Cela a ouvert une crise politique d’ampleur, qui, jusqu’à aujourd’hui, n’est pas encore finie. Pire encore: la pourriture des institutions de la démocratie patronale a été dévoilé, montrant manifestement les intérêts croisés des uns et des autres, comment on opère dans l’ombres dans les relations internationales, comment les services de renseignement de l’État sont des institutions qui se vendent au plus offrant de ceux d’en haut (bien que toujours réaffirmant sa nature d’organismes au service de poursuivre, réprimer et même faire disparaître ceux d’en bas!); En bref: comment la politique patronale opère sur le dos de la grande majorité de la société.

Il ne faut pas avoir aucune confiance dans l’appareil de l’État bourgeois, ses fonctionnaires et ses politiciens bourgeois, soient ils pro-gouvernement ou de l’opposition ! Ni pour élucider le cas de l’AMIA, ni pour autre chose! Il ne faut pas faire confiance à la politique patronale qui agisse dans l’ombre, plutôt qu’à la lumière du jour, à la vue de l’ensemble de la population!

Ce qu’il faut en premier lieu, ce pour quoi on doit lutter, c’est pour jeter de la lumière sur l’attentat de l’AMIA de façon indépendante, sans faire le jeu des intérêts de l’impérialisme ou du gouvernement Kirchner: il faut former une commission indépendante d’enquête intégrée par les organismes de droits de l’homme et d’autres organisations populaires.

Deuxièmement, on doit avancer dans la dissolution de l’ancienne SIDE, organisme de renseignement de l’Etat qui, en la personne de Stiuso, montre la continuité de cet organe répressif dès la dictature à nos jours et démasque aussi, en même temps, le discours des « droits de l’homme» d’un gouvernement comme celui des Kirchner, qui non seulement n’a pas « nettoyé », encore moins na démantelé un organisme comme la SIDE, mais ils ont maintenu à la tête de celui-ci un espion complice des disparitions des années 70!

En fin de compte il s’agit de tâches qui requièrent de la mobilisation populaire et d’autre chose: ce qui s’est révélé est la pourriture de tout le régime politique, comment celui-ci fonctionne derrière le dos des secteurs plus vastes, raison par laquelle, à notre avis, si cette crise continue et même s’approfondisse, la lutte pour une Assemblée Constituante Souveraine pour discuter de haut en bas tout l’ordre politique et social du pays, sera à l’ordre du jour.

C’est de ce point de vue indépendant et proposant une issue d’ensemble que doit se positionner la gauche face à la crise actuelle. Malheureusement, ce n’est pas le cas du FIT, qui, comme dans d’autres occasions, n’a pas été capable de faire une simple déclaration conjointe de ses membres face aux faits.

Pire encore, son principal parti, le Partido Obrero, est apparu le 19 Janvier dans le Congrès soutenant à travers son député Néstor Pitrola une déclaration commune avec le PRO[3] et les autres députés bourgeois que, bien sûr, ne défendent pas un programme socialiste face à la crise, mais un programme bourgeois libéral.

Il ne s’agit pas d’une simple « erreur », mais d’une erreur très grave qui découle de la politique de ce parti, qui n’arrive pas à se positionner de manière indépendante de tous les secteurs bourgeois, traînant vers une politique mauvaise l’ensemble du FIT , politique que nous appelons à corriger au plus vite.

La mort de Nisman est un autre exemple, extrême, de l’odeur qui se dégage de toute la politique patronale et une raison de plus pour laquelle ce système social et son État doivent être remplacés par une alternative socialiste. C’est dans cette perspective que la gauche révolutionnaire doit se positionner face à la crise actuelle.

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[1] Secretaria de Inteligencia Del Estado (Sécretariat de Renseignements de l’Etat)

[2] Mairie de Tigre, ex-kirchneriste et l’un des principaux opposants au gouvernement Kirchner actuellement.

[3] Parti de droite, qui dirige la mairie de la Capital Fédérale

Comité Exécutif du Nouveau MAS, 26 janvier 2015*

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