Mar - 27 - 2015

«Grèce: une capitulation à la vitesse de la lumière sur des questions de fond, dont les contours restent encore se définir» (« Le gouvernement de Syriza cède à la pression de l’Eurogroupe et du FMI », déclaration du Courant International Socialisme ou Barbarie, 25/02/2015)

Le 20 février, a été signé à Bruxelles, après des « négociations » angoissantes, les accords entre le nouveau gouvernement grec et les bourreaux de ce pays; c’est-à-dire l’association des vampires capitalistes qui opère sous les noms de « Union européenne » et « Zone Euro ».

À l’époque, Tsipras et son postmoderne ministre des Finances Yanis Varoufakis, ont présenté ces accords comme une victoire. Ils donneraient au nouveau gouvernement dirigé par Syriza, quatre mois de répit, pour lancer un changement historique. Selon eux, pourrait être enterré pour toujours la politique d’austérité, faim et misère, imposée par la  « troïka » (la Commission européenne, la Banque Centrale Européenne et le FMI).

Tsipras lui-même, bien qu’il ait averti que « nous avons gagné une bataille mais pas la guerre », proclamait que « le vendredi [20 février] nous avons donné un pas décisif, laissant derrière l’austérité, les plans de sauvetage et la Troïka… Nous avons fait échouer le plan des forces conservatrices en Grèce et à l’étranger d’étouffer notre pays et nous avons montré que l’Europe est un espace de négociation et les engagements profitables pour les parties » [Tsipras, discours de la télévision grecque, EFE, 21/02/2015].

Le même vendredi, à Bruxelles, Varoufakis disait plus ou moins la même chose:  « Nous avons laissé derrière le sauvetage. Ce n’est qu’un pas, mais toute réalisation commence ainsi, avec un simple pas »»[El País, 21/02/2015].

De notre part, nous avons souligné que dans l’accord du 20-F, Syriza avait cédé sur toutes les questions essentielles, de garder le contrôle de la Troïka (maintenant rebaptisée « trois institutions ») jusqu’à continuer à payer religieusement la dette frauduleuse aux banques allemandes et européennes…

Mais aussi, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, nous avons souligné que, dans le cadre de cette capitulation, il y avait de nombreux « contours concrets qui restent encore à définir ». C’est dans ce domaine qu’à moins d’un mois de la signature cet accord est en crise et, en effet, le gouvernement de Syriza est confronté au choix de devoir renégocier ces « détails » concrets encore indéfinis … ou aller à une rupture et confrontation qu’il ne veut pas du tout.

Berlin ne croit pas aux larmes

Un proverbe russe d’il y a quelques siècles dit: « Moscou ne croit pas aux larmes ». Aujourd’hui il faudrait le mettre à jour en disant « Berlin ne croit pas aux larmes ». En effet, l’impérialisme allemand, modèle indéniable de l’Union « Européenne », n’a pas eu assez avec le fait que Tsipras et Varoufakis ont cédé sur tous les points essentiels, comme nous l’avons expliqué dans notre « Déclaration ».

Ainsi, peu de temps après la signature de l’accord, la BCE (Banque Centrale Européenne) a décidé d’interdire à la Grèce l’émission de dette pour avoir un peu de liquidité, quand le pays est au bord de la cessation de paiements. Aussi, l’UE a « bloqué » le déboursement d’une partie du « sauvetage » européen qui représente environ 7 milliards d’euros qui permettraient d’éviter cette cessation des paiements. En synthèse: la BCE resserre la corde autour du cou de la Grèce, de manière que celle-ci  se prendra si elle fait tout mouvement brusque.

Celles-ci et d’autres dispositions « hostiles », qui poussent la Grèce à la faillite que les accords de Bruxelles avaient prétendument évité, sont parallèles aux mesures annoncées par le gouvernement grec qui peuvent se définir comme « l’assistance de la misère ». C’est quelque chose qu’en Amérique latine nous connaissons beaucoup, par exemple, avec la « Bourse Famille » des gouvernements du PT au Brésil, les différents « allocations » de l’Argentine kirchneriste, les « missions » du chavisme, etc., etc.

Ces mesures d’assistance ne signifient pas un changement révolutionnaire dans les relations sociales ou encore moins l’expropriation du grand capital, ni quelque chose comme ça. Mais cela ne signifie pas que les capitalistes, ou au moins la grande majorité d’entre eux, les acceptent satisfaits car elles lubrifient la « paix sociale ».

En Europe, ce rejet peut être encore pire qu’en Amérique latine, parce que le capitalisme européen n’a pas encore accompli la tâche d’enterrer les conquêtes  historiques qu’il a dû donner – surtout après la Seconde Guerre Mondiale–sous la menace des révolutions. Pour résoudre la crise qui n’est pas encore dépassé, le capitalisme européen veut améliorer la « compétitivité »; c’est-à-dire, éliminer les dépenses inutiles qui constituent des salaires relativement hauts, la santé, l’éducation et d’autres  « gâchis ». Et la Grèce est également, en ce sens, un « banc d’essai » de l’UE.

Comme nous avons déjà dit, après les négociations de Bruxelles, le gouvernement de Syriza a tenté de mettre en place un programme d’assistancialisme modérée. Tsipras est allé à la télévision et a annoncé diverses mesures comme le rétablissement de service électrique aux familles dans une pauvreté extrême, arrêter des évictions, etc. Mais ses mesures assistancialistes sont sévèrement limitées par l’engagement adopté à Bruxelles que celles-ci ne peuvent pas avoir d’incidences budgétaires.

Quelques jours plus tard a été annoncé l’arrêt de quelques privatisations, y compris celles des sociétés d’électricité et du pétrole, ainsi que des secteurs des ports du Pirée et de Thessalonique. Simultanément, il a informé que les recettes de futures privatisations iraient également au renflouement des caisses des retraites.

En outre, bien qu’au compte-goutte, la réintégration des travailleurs licenciés dans certains secteurs de l’État et comme la télévision publique commencerait.

Un saut en popularité… mais aucune mobilisation

Bien que les mesures assitancialistes soient extrêmement timides, ils ont donné lieu à un saut dans le soutien populaire au gouvernement. Selon les sondages d’opinion, si  les élections étaient aujourd’hui, le soutien pour Syriza doublerait. Il passerait  40% au 80% pour cent, [1]. Ceci est utilisé par Tsipras pour « menacer » à l’UE… d’appeler de nouvelles élections ou un référendum. Voter, Oui! Mobiliser, non! C’est la norme de Tsipras, et de la majorité de Syriza.

Dans la lutte avec l’UE et ses patrons de Berlin, Tsipras fait appel à n’importe quelle arme… sauf à la seule qui pourrait être vraiment efficace et redoutable : mobiliser, mettre sur pied de guerre  la vaste majorité des travailleurs et du peuple grec qui le soutient. Et, à partir de cette mobilisation révolutionnaire, appeler au reste des travailleurs et des jeunes européens, qui en ont déjà marre de l’austérité, du chômage, d’austérité et plus d’austérité alors qu’une poignée de milliardaires est devenu propriétaire de tout.

Au contraire, sa politique – au moins jusqu’à présent – est de  garder les masses dans la passivité totale. Ils comptent seulement comme électeurs dans les sondages. En ce sens, les courants comme Syriza ont – jusqu’ici du moins – une différence importante avec le national populisme d’Amérique Latine, comme le chavisme ou le péronisme  (bien qu’à d’autres égards ils soient semblables): ils ne mobilisent pas. Tout commence et se termine dans les élections.

La mobilisation des classes travailleurs et des masses juvéniles et populaires, expulsés par les plans d’austérité, n’est pas à son ordre du jour.

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1.- Costas Lapavitsas, “Grèce. La deuxième phase et les défis de la sortie de l’euro”, A l’encontre,  le 14 mars 2015.

Tsipras: « Nous avons demontré que l’Europe est un espace de négociation et les engagements bénéfiques pour toutes les parties »

Ces mots de Tsipras, après la signature des accords de Bruxelles qui aujourd’hui sont remis en doute, est en quelque sorte la clé de sa politique et celle de la majorité des dirigeants de Syriza.

L’Europe (c’est-à-dire l’Union européenne et la zone euro) serait un endroit où nous pouvons négocier et conclure des accords « bénéfiques pour toutes les parties ». Grâce au fait que nous sommes dans l’Union européenne, des banquiers- vampires et leurs gestionnaires  politiques impitoyables – comme Merkel – peuvent  s’asseoir avec les représentants de leurs victimes et arriver à des transactions dans lesquelles tous soient bénéficiés.

Costas Lapavitsas, économiste et député (dissident) de Syriza, analyse longuement ces illusions, dans l’article que  nous citons, «La deuxième phase et les défis de la sortie de l’euro:»

 « Ce gouvernement est entré en négociations avec une approche qui, comme je l’ai déjà dit, était essentielle à sa composition, à sa création, et qui nous a permis d’entrer en négociations, de revendiquer et de lutter pour des changements significatifs, y compris la levée de l’austérité et de supprimer l’essentiel de la dette, tout en restant fermement dans le cadre de l’union monétaire. C’est un point crucial. C’est ce que j’ai appelé dans mon travail l’approche du «good euro». C’est l’idée qu’en changeant de politique, en gagnant les élections, en modifiant l’équilibre des forces politiques en Grèce et en Europe, on pourrait négocier et transformer l’eurozone et plus généralement Union européenne grâce aux cartes politiques qu’on mettrait sur la table. Et leur stratégie de négociation était déterminée par cette conception. [Maintenant, Syriza] a découvert la réalité. Et je crois qu’elle est la suivante: cette stratégie est arrivée à son terme, elle n’a pas fonctionné »

En effet, pour modifier les rapports de forces politiques en Grèce et en Europe il ne suffit pas simplement de gagner les élections. Pour que ceci serve à quelque chose, il est décisif que de voter on passé à lutter. Et cette voie, le faire en dissipant les illusions dans  « good euro » et l’Union européenne merveilleuse.

Par Claudio Testa

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