Abr - 1 - 2015

Dimanche dernier, 22 Mars, en Andalousie ont été réalisées, de manière anticipée, les élections pour le nouveau Parlement qui gouvernera cette « Communauté Autonome » de l’extrême sud de l’État espagnol, la plus peuplée du pays et qui comprend les provinces d’Almeria, Cadix, Cordoue, Grenade, Huelva, Jaen, Malaga et Séville (où est située la capitale). Ces élections ont eu une répercussion bien mérité, bien sûr, en Espagne, mais aussi au niveau international. Le fait est qu’elles ont été le prologue des diverses élections qui auront lieu tout au long de l’année, et qui culmineront par l’élection du Parlement espagnol avant le 20 décembre, qui donnera lieu à un nouveau gouvernement. Une grave crise économique et aussi politique traverse l’État espagnol. Celle-ci mène vers la fin du bipartisme PP-PSOE [1] qui se sont alternés au sein du gouvernement depuis le début de la « transition » de la dictature de Franco. Cela a fait des élections de l’Andalousie un test anticipé des élections à venir dans le cadre de cette crise. (Rédaction SoB)

Le 26 janvier dernier, la nouvelle présidente de la Junta de Andalousie, Susana Diaz (PSOE), a annoncé l’appel anticipé aux élections régionales de cette autonomie. C’était un acte rapide et habile de bon sens et de tactique politique face à la crise du bipartisme, le discrédit de ses principales forces et l’émergence d’un nouveau parti comme « Podemos » depuis les élections européennes et de « Ciudadanos » dans les derniers temps.

De cette façon, le PSOE, abandonnant à son sort à Izquierda Unida (IU) [2], son principal allié dans le gouvernement et lui noyant encore plus dans sa crise, s’est présenté en solitude dans les élections et a gagné, bien qu’en conservant le même nombre de sièges que dans l’élection précédente (année 2012) et sans avoir obtenu la majorité absolue.

Les élections andalouses sont les premières d’une année plein de processus électoraux qui commence avec les régionales, en passant par les municipales (mai) et qui se termine par les générales prévues en fin d’année.

Mais aussi les résultats en Andalousie sont, avant tout, le reflet de l’état d’esprit général face à la crise économique qui sera là encore pour longtemps, et une expression claire de la crise politique et institutionnelle qui traverse l’État espagnol, ainsi qu’un premier test de ce qui peut être la tendance vers les éléctions générales.

Un nouveau Parlement andalou

 Sur un total de 109 sièges, le nouveau Parlement a été formé comme suit. Le PSOE a remporté la première place avec 47 sièges (35,4 %), les mêmes qu’il avait remporté lors des derniers régionales de 2012. Il n’a atteint que la majorité simple et devra donc faire un pacte – soit avec Podemos, soit avec Ciudadanos – pour avoir une « majorité » qui lui permette de « gouverner dans la paix et la stabilité ».

Le PP avec 33 sièges occupe la deuxième place (26,7 %). Mais l’élément fondamental est qu’il s’est effondré perdant 17 des 50 sièges qu’il avait remporté en 2012.

Les nouveautés sont Podemos, qui a fait ses débuts comme nouveau parti, entrant au parlement andalou à la troisième place avec 15 députés (14,8 %) et Ciudadanos (parti de droite libérale), que bien qu’il a déjà représentation dans le parlement catalan, a débuté en Andalousie remportant 9 sièges (9,1 %).

Les faibles et désastreux résultats d’Izquierda Unida, qui est tombé à 5 députés (6,8 %) des 12 qu’il avait en 2012, confirment que ce sont les pires de son histoire. Mais ils aussi montrent la profonde crise que traverse cette organisation marqué non seulement par les affaires de corruption dans lesquels elle est impliquée au niveau national, mais aussi parce qu’elle est considérée comme la « gauche traditionnelle » qui était fonctionnelle et complice du bipartisme PP-PSOE et aussi gardien du régime de la « transition ». Une force qui a échoué, du fait qu’elle est aussi corrompue que le PP-PSOE, et aussi « utile » aux intérêts des entrepreneurs et des banquiers que « inutile » pour donner des réponses et des solutions aux problèmes réels des travailleurs et du peuple. Donc, IU a été déplacé de la troisième à la cinquième place au Parlement.

Plus en général, ces changements ont eu lieu par la gauche et par la droite. Par la gauche, dans la mesure où Podemos récolte une bonne partie du « vote sanction » à UI, venant d’un électorat mécontent avec la politique menée jusqu’à présent par ce groupement. Dans le même temps, les électeurs perdus par IU voient dans Podemos une possibilité concrète de « changement ».

De la même manière a eu lieu un autre déplacement, qui arrive par la droite, dans lequel Ciudadanos récolte des voix perdues par le PP. Ces voix proviennent d’un électorat conservateur qui bien qu’il ne conteste pas le PP dans ses politiques et ses approches structurelles et de fond, aujourd’hui préfère miser sur une nouvelle force également de droite, mais moins usée et délégitimée que le PP par la crise du bipartisme, sa corruption phénoménale et surtout parce que dès Madrid celle-ci gouverne toute l’Espagne.

Quelques réflexions

Comme nous avons indiqué plus haut ces élections ont soulevé quelques questions et réflexions que rendent compte de la situation politique qui existe dans le pays.

À notre avis, dans les élections d’Andalousie ont été confirmées la crise et la fin éventuelle du bipartisme.

Cela se traduit principalement dans la crise du PP, qui a perdu 17 députées et a obtenu près de la moitié des voix obtenus en 2012.

Mais la crise du bipartisme se reflète également dans le fait que le PSOE – même s’il n’a pas du tout fait une mauvaise élection –n’a pas réussi à dépasser le nombre de députés qu’il avait, il a été voté par moins de personnes que dans les élections précédentes et surtout il n’a pas obtenu une majorité absolue au Parlement. Ceci, comme nous l’avons dit, l’obligera à chercher des alliés pour construire un gouvernement « stable ». Et il n’a pas beaucoup d’options pas.

Un nouveau pacte avec le PP qui réactive le bipartisme, serait dans les conditions actuelles, une cécité et un suicide politique. Le plus raisonnable serait une alliance avec Podemos ou Ciudadanos. Mais tout cela n’est facile pour l’avenir.

Le chef de Ciudadanos Albert Rivera, a déjà précisé que « il ne sera pas dans le gouvernement andalou parce qu’il n’a pas gagné les élections ». C’est-à-dire, qu’il jouera comme opposition.

Rien n’est facile, mais rien n’est exclu. Un pacte PSOE-Podemos n’est pas inenvisageable pour les deux partis. Pablo Iglesias lui-même – le leader de Podemos- il y a mois laissait ouverte la possibilité d’un éventuel accord avec le PSOE… mais si «celui-ci faisait demi-tour ».

C’est-à-dire, Iglesias ne rejette pas à priori un pacte avec le PSOE… seulement celui-ci devrait changer radicalement sa politique, quelque chose insolite et irréalisable. Mais la vérité est qu’Iglesias ne critique pas le PSOE comme tel. Cela il ne l’a jamais fait. Pour lui, le seul problème est la politique que celui-ci mène aujourd’hui.

En d’autres termes: Pablo Iglesias ne conteste pas le PSOE comme l’un des deux principaux partis de la « transition » et l’héritier du régime monarchique héritier de Franco, ni comme un des grands responsables de la situation actuelle du pays. Il ne lui demande ou espère qu’un « changement de sa politique »… et ainsi il pourrait faire un pacte.

Une autre possibilité en Andalousie, c’est que le PSOE s’incline à gouverner tout seul, comme première minorité… une option qui ne garantit pas la stabilité du nouveau gouvernement.

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Notes:

1.-PP: Parti Populaire. PSOE: Parti Socialiste Ouvrier Espagnol.

2.- Izquierda Unida (IU), « coalition » ou, plutôt, déguisement électoral du PCE (Parti Communiste d’Espagne).

Quelle est la portée de Podemos?

Concernant Podemos nous croyons, que même s’il n’a pas eu un mauvais résultat – il partait de zéro et a remporté 15 députes – il s’est avéré qu’il était assez loin derrière de ce qui apparaissait dans les sondages et les prévisions.

En effet, si on se guidait par les précédents sondages d’intention de vote et surtout par les sympathies et les espoirs que Podemos a mobilisé depuis son émergence comme un nouvel acteur politique, on attendait un meilleur score.

Le fait est que ce discours de lutte contre la corruption,  « d’honnêteté et transparence », de  « rétablissement de la démocratie et des institutions pour les citoyens » qui a proclamé avec insistance Podemos dans la campagne électorale, n’a pas suffi. Il a eu une courte haleine.

C’est un discours qui n’a pu altérer significativement la carte politique, surtout par manque d’une proposition claire, différentiée et en fait à gauche par rapport au « PPSOE ».

Podemos n’a pas présenté un programme et des propositions qui donnent vraiment une issue, dans le sens des solutions concrètes aux principaux problèmes des travailleurs, des jeunes et des personnes. A savoir, des réponses aux vrais problèmes comme le chômage (ce qui, en plus, en Andalousie, est le plus important du pays), le salaire minimum, garantir la santé et l’éducation publiques dignes et universelles, en finir définitivement avec les expulsions [1], etc, etc..

De la main de Teresa Rodríguez, la proposition de Podemos pour l’Andalousie repose uniquement sur le fait de mettre l’accent sur le « changement » que Podemos représenterait et de dénoncer que le PP et le PSOE sont très corrompus et méchants. Mais il n’a pas su ou voulu offrir même pas une seule proposition programmatique qui définit exactement ce changent duquel ils parlent autant. Au-delà des promesses de ne pas être des « voleurs » comme le PP, le PSOE et Izquierda Unida, qu’est-ce que signifie vraiment ce changement pour la vie de plus en plus douloureuse des jeunes, des travailleurs et des personnes ?

Podemos n’a pas su ou n’a pas voulu l’expliquer.

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Notes :

  1. Des expulsions: expulsions de logements par le défaut de paiement des hypothèques ou d’autres dettes.

Par Carla Tog, depuis l'État espagnol pour Socialisme ou Barbarie, 24/03/2015

Categoría: Français