Jul - 2 - 2015

« Si nous votons pour le Oui, les créanciers détruiront les petites retraites que nous recevons et il faudra payer dans les hôpitaux publics. Quand nous nous plaindrons parce que nos enfants ne peuvent plus aller à l’école parce qu’ils ont démonté l’éducation publique, ils nous diront : vous l’avez accepté. Si nous disons non, on conserve la capacité de se battre pour un avenir meilleur ». (Elefterios Trugalos, diplômé en économie dans l’Université d’Athènes, interviewé par La Nacion, 1er Juillet 2015)

Le monde est expectant du déroulement de la crise grecque. Hier 30 juin le pays hellénique est entrée en défaut du fait qu’il n’a pas payé 1500 millions d’euros de sa dette. Toutefois, la Grèce ne serait officiellement déclarée en défaut qu’à la fin juillet.

Jusqu’au dernier moment se sont poursuivies les négociations du gouvernement de Syriza pour trouver un accord pas aussi humiliant avec les « institutions » européennes (la troïka composée de l’Union Européenne, la Banque Centrale Européenne et le FMI).

N’arrivant pas à faire en sorte que les autorités européennes réduisent d’un millième leurs ambitions, Tsipras a appelé un référendum pour le 5 Juillet où le peuple grec doit répondre « Oui » ou « Non » à la dernière proposition publique de Merkel et compagnie.

Finira la Grèce par être expulsée de l’euro?

Faillite

Le 200 milliards de dollars que les institutions européennes ont « prêtés » à la Grèce depuis 2010 n’ont pas servi à sortir le pays de la crise. Au contraire, ils l’ont plongé plus profondément en amenant le niveau d’endettement au chiffre effrayant de 360 milliards d’euros.

La majeure partie de cet argent a servi à couvrir les banques privées (principalement allemands et français) exposés par la crise de 2008, en transférant cette dette au gouvernement grec, qui devrait la rembourser aux institutions européennes de crédit (y compris le Fond Européen de Stabilité Financière, principal créancier de la Grèce, auquel elle doit 130 milliards d’euros).

En contrepartie, les institutions impérialistes de l’Europe ont exigé des mesures d’ajustement draconiennes qui ont conduit à la perte de 25 % de son PIB : la baisse du PBI la plus grande dans un pays européen depuis la grande dépression des années 1930 !

Le chômage a grimpé à l’actuel 24 % de la population économiquement active (avant la crise il était à 7 %), les primes ont été éliminées, les salaires dans le secteur public ont été réduits ainsi que retraites, les taxes sur la consommation ont été augmentés, a été augmenté même le coût de l’électricité (en arrivant au point de nombreuses maisons avec une coupe d’électricité en hiver).

Ainsi les choses, une véritable catastrophe sociale s’est abattue sur les exploités et les opprimés grecs seulement pour sauver les banques impérialistes et les grands capitalistes du pays (y compris ses traditionnels et puissants armateurs,, de renommée mondiale, qui ne paient même pas de taxes).

Si de telles d’ajustement ont été prises, si chacun des échéances de la dette a été payée sans délai, pourquoi le pays est sur le point de tomber en faillite ?

La réponse est simple : la recette brutale de l’austérité a conduit à une dépression économique dramatique, même une baisse des prix (déflation), des conditions dans lesquelles il est impossible de « liquéfier » la dette. Parce que la dette est un rapport avec la production annuelle du pays, les prix et la capacité de générer des excédents.

Avec la diminution croissante des recettes du fait de la baisse du PIB et de la déflation des prix alors que la dette se mesure avec une monnaie « forte », il est évidemment qu’il est impossible de la payer.

C’est ce qui se passe en Grèce : le pays est insolvable, il n’a aucun fond, il n’est pas capable de générer des excédents ; encore moins quand il ne peut pas non plus manœuvrer avec sa monnaie pour retrouver la compétitivité en dévaluant celle-ci.

L’austérité que les institutions européennes lui imposent ne fait que saigner ce pays de plus en plus et faire que ne s’arrête jamais.

Négocier ou négocier

C’est dans ce contexte que la victoire électorale de la coalition réformiste Syriza a eu lieu en janvier dernier. Se présentant comme une alternative anti-austérité, Syriza a proposé au peuple grec le « meilleur des mondes »: rester au sein de l’euro… mais en finissant avec l’austérité et en parvenant à une restructuration de la dette extérieure du pays.

Le problème est qu’il est impossible de réaliser ceci. C’est-à-dire: il n’y a aucune façon de rester au sein de l’euro (ce qui implique de payer à chaque échéance la dette aux créanciers!) et, en même temps, en finir avec l’austérité.

Cette «quadrature du cercle » a donné lieu à quatre mois de négociations avec les « institutions » européennes ; quatre mois de créer des faux espoirs parmi les masses populaires, des espoirs qu’on pourrait aboutir à un accord « mutuellement bénéfique » seulement pour en arriver à l’impasse actuelle, où l’impérialisme européen a exigé une capitulation inconditionnelle au gouvernement de centre-gauche.

Les choses ont leur logique : entre-temps, le gouvernement Tsipras minait de plus en plus sa position : en effectuant des paiements de millionnaires pour « respecter les engagements du pays », en laissant se dérouler une immense fuite de capitaux : on estime que ces derniers mois, la Grèce a perdu 45 milliards d’euros qu’elle n’a aucun moyen de récupérer !

Debilitó así su posición en todos los planos: económica pero también políticamente, en la medida en que en ningún momento apeló a la movilización popular frente a las instituciones imperialistas. La salida del euro y el no pago de la deuda externa nunca estuvieron en sus planes: su estrategia era (¡y es!) negociar o negociar.

Il a ainsi affaibli sa position à tous les niveaux : économique, mais aussi politiquement, dans la mesure où il n’a jamais fait appel à la mobilisation populaire contre les institutions impérialistes. La sortie de l’euro et l’annulation de la dette extérieure n’ont été jamais dans leurs plans : sa stratégie a été (et est) négocier ou négocier.

Une logique décrite par Sthatis Kouvelakis (intellectuel de l’aile gauche de Syriza), qui souligne cette circonstance infernale où une capitulation en amène à une autre compte tenu de l’affaiblissement de la position du gouvernement vis-à-vis du pouvoir de l’impérialisme européen.

Pour sortir de l’impasse dans lequel il est rentré (et pour se déresponsabiliser!), maintenant Tsipras a appeléà  l’organisation d’un référendum afin que les grecs décident pour oui ou pour non aux pressions des institutions européennes.

Les raisons sont politiques 

La réalité est que le référendum est un danger énorme, parce que personne ne peut garantir que le « Oui »  pour rester dans l’Union européenne et l’euro ne gagne, en tenant compte de la campagne terroriste des grands groupes économiques, des partis traditionnels grecs, des gouvernements et des institutions impérialistes de l’Europe : une campagne qui dit que quitter l’euro serait la fin du monde…

Face au référendum, la position de la gauche révolutionnaire doit être d’impulser la plus large mobilisation ouvrière et populaire, mobilisation que Tsipras a catégoriquement refusé de convoquer depuis qu’il a pris le gouvernement.

Une mobilisation de ce type résoudrait le problème d’un coup, en mettant dans la balance le pouvoir économique et sociale de la classe ouvrière et des secteurs populaires et pas en laissant la décision entre les mains d’un travailleur, comme d’une nonne ou d’un homme d’affaires (comme c’est la logique du vote universel).

Avec le prestige qu’a encore le gouvernement de Syriza (il ne faut pas cependant oublier qu’il n’est arrivé au pouvoir qu’il y a six mois !), en cas de convoquer les masses dans les rues la mobilisation serait tellement énorme que le débat sur le « Non » aux institutions européennes se résoudrait rapidement.

La Grèce est un pays avec une énorme tradition de lutte, de résistance populaire à l’invasion nazie, de la guerre civile révolutionnaire contre les partis du système à la sortie de la Seconde Guerre, de mobilisation populaire pour abattre « la dictature des colonels » dans les années 1970.

Toutefois, le gouvernement de Syriza est tellement réformiste, qu’il échappe comme la peste à la mobilisation, même lorsque sa propre peau est en jeu : Tsipras a dit qu’il démissionnerait et appellerait à de nouvelles élections si le oui gagne au référendum.

En d’autres termes : c’est un gouvernement de base purement électorale, parlementaire; son style c’est les élections, les négociations par en haut et rien d’autre.

Pour aggraver les choses, Tsipras lui-même mine la position du NON en ouvrant des spéculations et des espoirs sur des négociations de dernière minute, en disant même que « il serait prêt à annuler le référendum si un accord était trouvé »…

Une perspective complètement fausse, car Merkel  et compagnie, confiant que ce sera peut-être le OUI qui l’emportera, ont l’intention d’humilier Syriza jusqu’au bout.

La question est que les raisons pour les institutions européennes de ne pas arriver à un accord avec Syriza ne sont pas seulement économiques, mais surtout politiques : étant donné qu’ils imposé aussi une austérité brutale dans plusieurs autres pays européens : que se passerait-t-il si maintenant ils cèdent en Grèce ? Sans doute cela laisserait exposé aux critiques par la gauche les gouvernements comme celui de Rajoy en Espagne, qui a fait de l’austérité l’alpha et l’oméga de sa gestion (et qui est déjà assiégée par les réformistes de Podemos).

La política del imperialismo europeo no es la “negociación” de un acuerdo “mutuamente beneficioso” (como reivindica ridículamente Tsipras) sino la capitulación total del gobierno Syriza; de ahí que dicho acuerdo no se haya podido resolverse aún, porque dicho partido es una formación reformista pero no está dispuesta, todavía, a suicidarse. 

La politique de l’impérialisme européen n’est pas la « négociation » d’un accord « mutuellement bénéfique » (comme le revendique ridiculement Tsipras) mais la capitulation totale du gouvernement Syriza ; c’est pourquoi cet accord n’a pas encore été trouvé, parce que Syriza est une organisation réformiste mais n’est pas prête, encore, à se suicider.

Pour une sortie de l’euro avec des mesures anticapitalistes

Comme nous l’avons dit au début, Tsipras a promis le meilleur des mondes quand il a gagné l’élection : rester dans l’euro et mettre un terme à l’austérité. La base de soutien pour cette démagogie était la fausse croyance de la population qui considère que depuis 2001 ils sont « européens » (comme si cela signifiait une avancée en soi).

Il est vrai que le poids de l’héritage des deux guerres mondiales, de la dévastation du pays par l’Allemagne nazie pendant la seconde guerre mondiale, est énorme. Cela explique que l’idée d’une Europe unie où il n’y ait plus de guerres ait sa place. Est aussi attrayante la perspective qu’un pays comme la Grèce, relativement « sous-développé  », puisse profiter de la prospérité des pays comme l’Allemagne ou la France.

Avec les Jeux olympiques de 2004 et en obtenant des crédits à faibles taux étant donné son appartenance à l’euro, a été créé un sentiment de fausse prospérité : un mirage qui a donné lieu rapidement à la crise actuelle.

Le problème de fond est que l’euro établit un paramètre égal (une mesure égale) pour des économies inégales (avec différentes productivités): les coûts en euros étaient exorbitants pour la productivité réelle de l’économie grecque, réduisant donc sa compétitivité.

Et pour empirer encore plus les choses, du fait de la « prison » d’une monnaie non contrôlée par l’Etat grec lui-même, qui a été ainsi inhibée de manœuvrer avec la monnaie en régulant sa valeur (en dévaluant ou appréciant la monnaie selon les besoins).

Du point de vue des nations les plus fortes de l’UE (Allemagne et France), l’euro est une bonne affaire parce qu’elle accroît les coûts dans la plupart des pays arriérés et les réduit dans les pays avancées du fait de de leur compétitivité différentielle : peut-être pas tout le monde sait que la puissance mondiale qu’est l’Allemagne écoule la plupart de ses exportations parmi ses voisins européens !

La Grèce ne peut pas rester une minute de plus dans la zone euro. Le fait de ne pas avoir une monnaie propre, pour un pays de « seconde » ou « troisième » catégorie de l’UE, lui enlève un outil fondamental pour gérer son économie : un critère fondamental de protectionnisme bourgeois ou même socialiste pose qu’un Etat, pour être viable, doit être capable de gérer sa propre monnaie ; encore plus si cet État est dépendant, comme la Grèce (et encore plus si c’était un Etat ouvrier!).

Toutefois, nous ne proposons pas un programme bourgeois (ou nationaliste) de sortie de l’euro mais en faisant payer la crise aux travailleurs. Ceci serait un programme capitaliste où la dévaluation de la monnaie soit payée par les travailleurs : réduction des salaires réels, hausse des prix du fait d’une monnaie plus faible, chômage.

Ceci n’est pas le programme des révolutionnaires : la sortie de l’euro que nous défendons est une sortie accompagnée de mesures anticapitalistes pour faire en sorte que soient les capitalistes qui payent la crise : aucun paiement de la dette extérieure, nationalisation des banques et du commerce extérieur, augmentation des salaires réels, nationalisation sous contrôle des travailleurs de toute entreprise qui mette les ouvriers au chômage technique, les licencie, ou qui ferme.

Il est clair que ce ne sera pas un gouvernement comme celui Syriza qui va agir ainsi : pour imposer ces mesures, il faudra impulser la mobilisation indépendante des travailleurs et du peuple dans la perspective d’un gouvernement ouvrier et populaire dans le pays hellénique et de l’unité socialiste en Europe.

Journal Socialisme ou Barbarie N°338, Editorial, le 02/07/15

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