Oct - 29 - 2015

C’est la mode en Amérique latine (ou plus précisément en Amérique du Sud) parler de la «fin de cycle» des gouvernements «progressistes». Mais comme tous les modes, ce sont surtout les médias (de désinformation) qui en profitent, pour créer des confusions volontaires selon leurs intérêts … bien qu’il existe des processus réels dans ce sens.

Si on en croit les sondages, les prochaines élections législatives au Venezuela, le 6 décembre, seront l’apocalypse du chavisme. Ce jour-là, on vote le renouvellement de l’ensemble des 167 députés qui composent l’Assemblée nationale.

Les sondages se sont toujours peu fiables, même dans les pays supposés «sérieux» comme le Royaume-Uni. En effet, il y a beaucoup de «biais» selon les souhaits de celui qui paie la commande, surtout si elles sont faites pour être publiées.

Dans le cas du Venezuela, nous devons les prendre avec double soin. Mais chiffres de plus, ou de moins, les sondages montrent de sombres perspectives pour le chavisme et le gouvernement de Maduro, en particulier, même dans les enquêtes des publications pro-gouvernement. Si le vote le 6 Décembre confirme les sondages, Maduro perd la majorité au parlement. Le dilemme serait alors s’il pourra continuer à gouverner jusqu’en avril 2019, lorsque son mandat se termine.

Usure accélérée

Depuis le 14 avril 2013, date où Maduro (PSUV) est devenu président, il subit une usure accélérée. Les problèmes avaient commencé avant, mais ils prennent des dimensions toujours plus grandes et plus graves. La cause matérielle est l’effondrement des prix du pétrole, qui ont un impact sur une société que Chavez, en effet, n’a pas beaucoup changé. Comme depuis près d’un siècle, le Venezuela vit encore des revenus pétroliers.

Ce sont les travailleurs vénézuéliens qui souffrent les conséquences, une inflation monstrueuse qui liquéfie les salaires, des interminables files d’attente pour la nourriture et d’autres produits de base, manque de médicaments et même de coton ou des couches … et maintenant, surtout ces derniers temps, des licenciements et des fermetures de boîtes.

Dans nos antérieures [1] [1]articles, nous décrivions ce scénario de plus en plus désastreux. Pour faire face, Maduro et son gouvernement ont inventé des histoires pour semer la confusion sur les vraies causes du désastre … et surtout, pour éviter que ceux qui se remplissent les poches avec cette catastrophe soient dénoncés.

Nous avons expliqué comment la fiction officielle de que 1 dollar vaut 6,3 bolivars, quand dans le marché « parallèle » il faut payer 700 bolivars par dollar aujourd’hui, est la grande source d’enrichissement de la bourgeoisie vénézuélienne (« boliburgueses» ). S’ils ont des «relations», ils peuvent commodément se procurer des devises au taux officiel avec l’excuse d’importer, ils gagnent des fortunes parce il s’agit de fausses importations et ils gardent les dollars, sinon ils envoient les produits importés de contrebande en Guyana et en Colombie.

Voici une idée de cet immense saignement. Le coût de l’importation des médicaments est passé de 434 millions de dollars de 2003 à 2.443 millions en 2014. Mais toutefois, comme par magie, le poids des importations de médicaments a chuté de 8 fois !!![2]Ceci explique la énigme que le Venezuela dépense six fois plus qu’il y a une décennie en importer des médicaments … mais il faut faire la queue pour obtenir de l’aspirine …

Ces fraudes pourraient être évitées avec une mesure simple: nationaliser le commerce extérieur. Mais ce serait très difficile pour tous les gangs bourgeois de continuer à recevoir leur part des revenus du pétrole, à un moment où les prix des hydrocarbures se sont effondrés. Le « Socialisme du XXIe siècle» ne peut pas se permettre de tels extrêmes!

Mauvais présages pour Maduro … mais avec des doutes sur la montée de l’opposition de droite

L’inflation qui détruit les salaires, les pénuries, les files d’attente et les licenciements poussent à un « vote sanction » contre Maduro et la coalition électorale dirigée par le PSUV, le Grand Pôle patriotique Simon Bolivar (GPPSB), qui inclut le PCV et d’autres petits partis.

L’affaiblissement du gouvernement paraît la première tendance dans les différents sondages électoraux, au point de perdre les élections, mais dans des proportions variables et de différentes manières.

Toutefois, cela ne signifie pas automatiquement que les voix perdus du PSUV et la coalition iraient vers l’opposition de droite, la MUD ( Mesa de Unidad Démocratica). Divers sondages montrent une autre possibilité, absente lors des précédentes élections sous la V République.

En général, les élections ont été extrêmement polarisées entre le chavisme et l’opposition de droite. Il avait seulement une oscillation entre ces deux pôles. Pratiquement, ils ne laissaient aucune place au troisième choix. Et quand, pour une raison quelconque, le vote pour Chavez était en recul, comme cela est arrivé dans le référendum sur la réforme constitutionnelle de 2007, il n’a pas pu s’exprimer de manière positive, mais seulement par l’abstention.

Maintenant, dans des proportions variables selon chaque sondage, un autre scénario apparaît : une proportion plus ou moins grande des soi-disant « électeurs indépendants ». L’origine de ce vote serait principalement des électeurs qui en ont marre du chavisme, du PSUV et de Maduro, mais qui trouvent dégoûtante la Mesa de Unidad Démocratica.

Ce dégoût ne découle pas seulement de ses positions politiques et du parrainage pur et simple de Washington. Un autre aspect d’une certaine importance dans la société, est que les dirigeants autour du «modéré» Capriles jusqu’au « facho » Leopoldo Lopez, sont presque tous des enfants très blancs de la bourgeoisie vénézuélienne.

Pour la masse des électeurs chavistes, Chavez était l’un d’eux. Ni Lopez ni Capriles ne peuvent être considérés comme semblables. D’autre part, un «vote sanction» à Maduro ne signifie pas que les masses déçues du PSUV souhaitent retourner à la catastrophe de l’IVe République.

Est-ce que cela se traduira par un vote «indépendant»? Dans quel sens ?

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Gagner le possible «vote indépendant» pour une alternative ouvrière et socialiste

Bien sûr, pour les socialistes révolutionnaires le terrain le plus difficile et compliqué ce sont les élections bourgeoises. Mais il est nécessaire d’y participer. En outre, les tendances favorables -comme la possibilité qu’une partie de l’électorat rompe avec le chavisme et sans se diriger automatiquement à droite- peuvent enfin disparaître une fois que l’appareil électoral de la bourgeoisie utilise sa force pour imposer la polarisation.

Toutefois, cela ne diminue pas l’obligation politique de ceux qui se réclament du socialisme révolutionnaire d’essayer de saisir cette occasion. Et encore plus maintenant, puisque la combativité de la classe ouvrière et du peuple vénézuélien affrontés à la faillite du chavisme, pourrait donner lieu à un cours politique indépendante, au moins dans certains secteurs les plus avancés.

Cela implique des responsabilités particulières pour deux organisations, le PSL (Parti socialisme et liberté) et Marea socialista. Dans un état, Merida, ils ont des candidats communs. Mais, inexplicablement, ce n’est pas le cas dans l’ensemble du pays. Si en Merida l’unité était correcte, pourquoi pas dans d’autres états ?

Cela exigerait aussi, promouvoir une large unité de toutes les organisations et courants indépendants, socialistes révolutionnaires et les secteurs de travailleurs et de l’activisme, des jeunes qui ne sont plus avec le chavisme ni avec les dirigeants de la MUD.

Marea Socialista ne peut pas continuer sa politique de s’aligner comme courant du chavisme, ce qu’au-delà des discours rouges, signifie soutenir la politique de plus en plus réactionnaire, répressive et anti ouvrière de Maduro. Et par rapport au PSL, son initiative de promouvoir une alternative électorale indépendante de Chavez et la bourgeoisie est contradictoire avec les accords menés depuis longtemps, avec des courants comme le FADESS de Froilan Barrios, bureaucrate syndical aligné avec Capriles.

Aujourd’hui, le Venezuela est probablement dans un tournant historique comme pendant l’effondrement de la IVe République et la montée de Chavez dans les années 90… qui à son tour a « bloquée » la voie à une politique de classe et alternative indépendante.

Maintenant, la crise du « chavisme » annonce une nouvelle étape. Mais le panorama n’est pas encore défini. Mais c’est dans ces situations où l’action des organisations révolutionnaires, même si elles sont petites, peut définir beaucoup de choses.

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[1] Voir dans Socialismo o Barbarie, 13/08/2015, “Venezuela y Ecuador: dos casos de pronóstico reservado” y “Venezuela: ¿Parados sobre un polvorín?”

[2] Manuel Sutherland, “Venezuela: crisis, importación, dólares, inflación-escasez y el default inevitable”, CIFO, 13/08/2015.

Par Rafael Salinas, Socialisme ou Barbarie, 22/10/15

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