Nov - 23 - 2015

Il n’est pas venu du ciel ni est œuvre d’Allah.. Quelques-uns  disent qu’il sort l’enfer, mais ce n’est pas la faute du diable. C’est un produit cent pour cent  terrien, dans lequel  « l’Occident » –c’est  à  dire, les puissances  impérialistes – ont les principales responsabilités dans sa création !

Ici nous nous limiterons à expliquer –assez  brièvement – la genèse et l’expansion du État Islamique (en inglés  ISIS (Islamic State of Iraq and Syria) ou “Daesh” ).

Gestation et antécédents

C’est un processus complexe. Ses antécédents et acteurs remontent aux dernières deux ou trois décennies du XXème siècle, quand une combinaison de processus réactionnaires se développent dans cette région et dans tout le monde. Des défaites en série du mouvement ouvrier en plusieurs pays, ainsi que des processus révolutionnaires comme ceux du Cône Sud, et la restauration du capitalisme dans los soi-disant  états  « socialistes » (Union Soviétique, Chine, etc.). En ce contexte, s’est imposée le néolibéralisme comme « mode de régulation » de l’économie capitaliste mondiale. Puis, pendant un bref période, les États  Unis apparaissent comme l’unique « superpuissance » et arbitre suprême de la planète, pour finalement s’affaiblir et laisser la place à une « multipolarité » et à un désordre géopolitique de plus en plus chaotique.

En ces années, en Moyen Orient et dans d’autres états de majorité musulmane, on vit la lamentable banqueroute des nationalismes laïques après l’indépendance. Les exemples: l’ Algérie, la Tunisie, la Lybie, l’Egypte, la Syrie, l’Irak, le Pakistan, etc.

En Egypte le « socialiste » nationaliste Nasser gouvernait, en Algérie c’était le vainqueur Front de Libération National qui se disais « socialiste » et qui avait expulsé en une guerre héroïque les colonialistes français, Syrie et Irak étaient gouvernés par le parti laïque Ba’ath (Parti Socialiste de la  Renaissance arabe), et même la  Lybie du Kadhafi, étaient des exemples politiques pour tout le « Tiers Monde », Amérique Latine incluse. ¡personne ne parlait de religion!

Mais maintenant un intellectuel syrien résume la situation, en regrettant avec amertume: « Avant nous étions socialistes, communistes, nasséristes, baathistes… Maintenant nous sommes sunnites, chiites, alaouites, chrétiens… »

Au lieu des alignements autour de courants et de programmes politiqués, il y a un recul vers la barbarie des sectes. ¿Comment expliquer un tel  retour? Par le désastre des nationalismes laïques. Loin d’être « socialistes », ils étaient des dictatures capitalistes avec régime de parti unique. Ses hiérarchies militaires et politiques formaient des appareils corrompus, dédies à s’enrichir.

De l’Algérie au Pakistan, de la Syrie à l’Egypte, la catastrophe des régimes laïques ouvrit la porte au développement de courants politico-religieux basés sur l’Islam. Divers états, de la rétrograde Arabie Saoudite –où la homosexualité ou « l’adultéré » (de la femme) peuvent être punis avec la mort– jusqu’aux « libéraux » Etats-Unis ont simultanément soutenu et financé ces courants islamistes.

En particulier, ils ont soutenu les courants « djihadistes », qui opèrent violement, avec méthodes de guerre civile. Aujourd’hui personne ne veut rappeler que le jeune saoudien Osama Bin Laden, fondateur de al Qaeda, commence sa carrière dans les années 80 comme agent de la CIA chargé d’organiser la base de données des djihadistes qui il recrutait pour lutter en Afghanistan contre le gouvernement laïque soutenu par l’Union Soviétique. Plus tard, Al Qaeda organisait des attentats terroristes en plusieurs pays, et les Etats-Unis lui attribuent la destruction des Tours jumelles de New York en  2001.

Dans le nuage d’organisations djihadistes, la manipulation des gouvernements (via finances, armement ou simplement « laisser faire »), est un factor important à prendre en compte, même si non clairement visible. Récemment, a eu lieu le scandale du gouvernement d’ Erdogan, qui « laisse faire » Daech en Turquie pour assassiner des kurdes et des militantes de gauche. C’est l’attentat du 10 octobre en Ankara, 100 morts et 400 blessés … la police turque savait, elle ne l’a pas empêché.

Irak, le berceau du État Islamique

L’Etat Islamique est un phénomène de nouveau type, différent à Al Qaeda et ses filiales (comme Al Nusra, sa section syrienne), et aussi aux organisations djihadistes restants… avec les quelles Daech a eu des affrontements  ….

Pour comprendre la formation de Daech et, surtout ses fulgurantes victoires et expansion en Irak et Syrie depuis juin 2014, il faut revenir en arrière. Nous parlons du long processus de destruction de la société irakienne qui commença au temps du régime du Baath, continue par la dictature de Saddam Hussein jusqu’à 2003, année dans laquelle les Etats-Unis envahissent l’Iraq.

Saddam Hussein préside un régime théoriquement laïc (en plus de « socialiste »), dans lequel ni le sectarisme religieux ni las différences ethniques n’avaient de place. Mais la réalité était autre. A mesure qu’il devenait décadent, il glisse de plus en plus vers la discrimination et l’affrontement contre le peuple kurde et aussi les chiites. Les kurdes ont été attaqués avec des gaz toxiques qui ont laissé des villages entiers de cadavres, accusées d’être des « agents de Israël ». Et la population chiite –le secteur le plus pauvre et majoritaire, avec des organisations syndicales et de gauche fortes– souffre une campagne de haine ethnique-religieuse. Les chiites sont accusés  d’être des « perses » et pas vraiment des arabes iraquiens.

Ceci devient plus grave quand Saddam Hussein, en 1980, initié une guerre contre l’Iran (Perse) qu’il croyait serait rapide. Mais  la guerre perdure huit années, détruisant l’économie au prix de 500.000 morts.

Cette catastrophe économique et humaine était seulement le prologue. En 1990-91 pendant la première guerre du Golfe Saddam Hussein envahi le mini-État de Kuwait, c’est le prétexte pour l’intervention des Etats-Unis et ses alliés. L’Irak subi non seulement une nouvelle défaite mais aussi l’approfondissement de la catastrophe économique parce un blocus permanent est installé.

Finalement, en 2003, EEUU commence une nouvelle guerre, ils occupent tout le pays .C’est une très mauvaise aventure pour l’impérialisme yanqui. En 2011, il doit se retirer en semi-défaite. Mais il laisse derrière lui non seulement un pays en ruine et un million de morts, conséquence directe ou indirecte de la guerre et l’occupation. Il semé aussi ce qui sera Daech.

Ceci a plusieurs aspects. En premier, l’hécatombe sociale et humaine de grand partie de la société irakienne sous l’occupation (les kurdes sont restés à l’abri, puisque leur territoire n’a pas été occupé par les Etats Unis). Un aspect de ceci a été la destruction économique et surtout industrielle.

En plus, l’occupation yanqui utilise la vielle astuce colonialiste de pousser au maximum les affrontements sectaires et ethniques. Si Saddam avait stimule les vagues antikurdes et anti-chiites, les Etats-Unis promeuvent la persécution des sunnites.

Une mesure fondamentale a été le licenciement massif des fonctionnaires de l’état et des officiers et sous-officiers des forces armées, presque tous sunnites. Ceci a été suicidaire. Les militaires licenciés ont rejoint la résistance armée, qui a fini par démoraliser et affaiblir les occupants qui , en 2011, ont été obligé de faire leurs valises et partir. Mais les apprentis sorciers que les Etats-Unis ont laissés à Bagdad, font leur tâche de créer Daech.

Effectivement, le gouvernement de Bagdad post-occupation mène au maximum le sectarisme anti-sunnite, pour commencer en excluant leurs représentants politiques. Enfermée en ghettos, la population sunnite de la capitale, a été victime de toute classe de discriminations, abus et assassinats. Mais la situation était encore pire dans les grandes villes des régions sunnites, comme Mosul et Faluya. Les troupes de la nouvelle « armée » de Bagdad étaient des bandes dédiées au saccage et aux viols. Après avoir été attaquées l’année dernière par Daech, elles se sont enfuies ou rendues.

Après cette débandade, en Bagdad, il a fallu non seulement organiser un nouveau gouvernement mais aussi des nouvelles forces armées…

La fusion a l’origine de l’État Islamique

Daech naît d’une fusion originale entre groupes djihadistes takfiristes (plusieurs viennent d’Al Qaeda) et un large secteur des officiels de l’armée de Saddam Hussein.

Les takfiristes, considèrent « hypocrites » ou « faux croyants » aux autres musulmanes qui ne partagent pas leurs opinions, alors ils doivent être condamnés à la mort. Mais l’importante est qu’ils se construisent pas comme un mouvement mais comme un « État ». C’est à dire, comme le pouvoir –absolu– dans les régions qui ils dominent.

Ainsi après leur victoire sur les troupes de Bagdad l’année dernière, ils ont proclamé un État Islamique, le Califat. Abu Bakr al-Baghdadi devient calife, il partage le pouvoir avec deux généraux du régime de Saddam Hussein, Abu Muslim al Turkmani et Abu Ali al-Anbari. Ils organisent verticalement l’administration des villes et régions dominés.

En plus, expressément, ils répudient les frontières établis entre les actuels états, en premier lieu, las frontières entre Syrie et  Irak, qui effectivement ont été tracés en  la Première Guerre Mondiale par les impérialismes britannique et français.

Effectivement, Daech a organisée, tant dans le territoire dominé en Irak que dans celui de Syrie, éléments d’une structure étatique. Pour cela il s’appuie sur des secteurs des populations occupés, bien que sans concéder, bien sûr, le moindre espace d’autonomie ni encore moins de choix par le bas.

Le pouvoir de Daech et son organisation « étatique » se construisent grâce à la « terre rasée », à l’atomisation sociale que les guerres de Saddam Hussein, puis la criminelle occupation des EEUU et, finalement, le régime corrompue et sectaire de Bagdad, ont provoqué.

Le projet de Daech en tant que « Etat » –en contradiction avec Al Qaeda et les autres djihadistes– l’a amené dès le début à assumer la totalité des fonctions étatiques et pas uniquement les actions purement « militaires » (comme les autres mouvements islamistes). Il y eu l’établissement  d’organismes administratifs, judiciaires et de santé (eau, électricité, etc.), et même industriels et financiers. L’année dernière Daech administrait 50 champs pétroliers en Syrie et 20 en Irak, qui lui rapportaient quelques 3 millions de dollars par jour. En plus ils touchaient des taxes, principalement du commerce, pour 60 millions de dollars chaque mois, aussi l’argent de sympathisants des pays du Golfe, il organisait « l’exportation » de trésors archéologiques saccagés, etc.

¿Quel par la base a cet Etat ? Initialement, à Mosul, Faluya et dans d’autres villes, Daech aurait été vu favorablement ou au moins comme un « moindre mal » par rapport à la brutalité de Bagdad. Mais aujourd’hui il est difficile de mesurer des opinions sous son régime de terreur.

Syrie, l’extension de Daech

En Syrie l’État Islamique s’appuie sur des bases similaires à celles de l’Irak : la destruction par la guerre du tissu productif et social, la manque d’emploi, des logements, des services d’eau potables, d’électricité, écoles et hôpitaux. En plus en Syrie une grande partie de la population a dû partir en exil.

La rébellion de masses contre la dictature d’Al Assad –une rébellion démocratique et explicitement non sectaire au début– a été emmené au terrain  militaire. Les masses ne pèsent plus. Dans grande partie de Syrie, l’armée d’Al Assad avance d’un côté, de l’autre , les milices sectaires financées par l’Arabie saoudite et autres pays du Golfe, constitués en surtout par djihadistes étrangers . « L’Armée Syriene Libre », laïque, a été extrêmement affaiblie.

La résistance des kurdes syriens a été une alternative différente (la seule qui a été efficace contre l’Etat Islamique), mais elle s’appuie sur un petit secteur du pays … bien que de grande importance stratégique.

Dans les régions syriennes où Daech domine comme en Irak, il apparait comme un « Protecteur » qu’établit un régime brutal, où des châtiments comme les coups de fouet, crucifixions et décapitations sont fréquents… mais qu’en même temps organise un « assistanat » envers les plus pauvres. Il y a le bâton, mais aussi la carotte. Ils massacrent, mais en même temps ils distribuent de la nourriture, des combustibles, de l’eau potable…

Daech agit comme un pouvoir implacable au-dessus d’une population atomisé socialement, dans une extrême misère et désespéré. En même temps, Daech la réproduit. La grande interrogation est si Daech va obtenir une adhésion organique de ses « sujets »… ou s’il sera perçu comme un appareil étranger. Cette dernière hypothèse paraît la plus probable, surtout en Syrie. Quand le combat arrivera aux grandes villes qu’ils contrôlent, nous le saurons avec plus de précisions.

Europe, terrain de recrutement

Ceci nous conduit aux récents attentats en France. C’est difficile de mesurer exactement, mais sans doute une partie importante des combattants de Daech, sont des jeunes européens. Ils sont nés de familles qui vivent depuis plusieurs générations en Europe. En plus, entre les combattants français de Daech, s’informe que autour de 20% ne sont pas musulmans d’origine. Ils se sont convertis à l’Islam.

Les actions terroristes ont facilité que la droite européenne et française redouble ses campagnes racistes et anti-immigrants. En vérité, ceux qui ont le plus le droit à se plaindre ce sont les syriens et iraquiens massacrés par des jeunes venues d’Europe, qui parlent le français ou anglais sans accent comme le bourreau Jihadi John.

Ces faits ne nous disent rien de la méchanceté des arabes ou des musulmans –principales victimes–, mais de la barbarie capitaliste qui monte, en Europe, en Moyen Orient et dans le monde. Le capitalisme néolibéral a semé en France et Europe des ghettos de plus en plus misérables. Là-bas arabes ou africains, musulmans ou chrétiens ou sans religion, vivent dans des conditions de plus en plus indignes. Un des « sous-produits » de ce système, c’est que des organisations comme Daech peuvent gagner quelques jeunes dans ce milieu.

Aujourd’hui, la division des travailleurs en races ou croyances est un mécanisme fondamental de ce système de domination et exploitation. Le gouvernement français et les partis patronaux veulent profiter de la situation. Les travailleurs et la jeunesse doivent combattre ensemble contre cette opération en marche.

 Par Elías Saadi

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