Mar - 28 - 2016

Lorsque nous écrivons ces lignes, Barack Obama, président des États-Unis, arrive dans notre pays. Il arrive après une tournée réussie à Cuba, où, à partir du changement de tactique, de ne pas mettre en question la permanence des frères Castro au pouvoir, il a avancé avec eux pour mettre en place des mesures pour la restauration capitaliste dans l’île.

Dans le même temps, Obama a ouvertement reconnu qu’il était satisfait des changements en cours dans la région, dont le nouveau gouvernement de Macri dans notre pays, qui présente, logiquement, l’arrivée du président états-unien comme une nouvelle victoire à son actif.

Nous allons nous consacrer à cette question.

Le changement d’air dans la région

La première chose àcomprendre est le contexte dans lequel Obama arrive au pays. Cette arrivée n’a évidemment rien à voir avec la visite de Bush à Mar del Plata en 2005. A cette époque, on était à l’apogée des rébellions populaires; des présidents identifiés avec le néolibéralisme des années 90 avaient été virés avec la mobilisation populaire en Bolivie, en Argentine, au Venezuela aussi en quelque sorte, en même temps que le PT assumait le gouvernement au Brésil préventivement.

Les gouvernements qui étaient tombés étaient à juste titre identifiés avec le maître du Nord; très peu d’adhésions pouvait recueillir la proposition de l’ALCA, un accord de libre-échange de l’Alaska à Tierra del Fuego qu’amenait Bush Jr. sous le bras et qui a été ouvertement rejeté par Kirchner et Chavez à Mar del Plata. Ils tentaient un cours un peu plus autonome par rapport aux relations charnelles de la décennie précédente, en grande partie en s’appuyant sur l’augmentation sidérale des prix des matières premières, ce qui donnait des meilleures marges de manœuvres à ces gouvernements.

Aujourd’hui la situation est différente: les gouvernements populistes sont en retrait et tâchés de scandales de corruption. Comme ils n’ont résolu aucun des problèmes structurels du capitalisme périphérique de nos pays, ils ont subi une punition des votants qui leur ont écartés du pouvoir.

Pour les remplacer, sont arrivés des gouvernements dont celui du Macri est emblématique: dans une inversion complète des légitimités, la condamnation du populisme bourgeois est accompagnée d’un « revival » du discours libéral; ce sont ces airs de changement conservateur qui rendent heureux Obama, qui donnent un caractère « triomphale » à sa visite.

Comme un « rockstar » à La Havane

Obama est passé deux jours à Cuba, quelque chose qui n’est pas un hasard. Il a été applaudi dans tout endroit où il a été dans l’île et en plus de ça: la majorité de gens fait un lien étroit entre la récente restauration des relations diplomatiques avec les Etats-Unis et leur espoir d’amélioration économique, de même que la possibilité de voyager librement dans le pays du Nord, où beaucoup ont une partie de leur famille.

L’accord avec Cuba est l’un des plus percutants triomphes diplomatiques de sa gestion. Obama a été intelligente avec ceci: la politique de blocage n’amenait nulle part et donnait d’excuses supplémentairespour les Castro. Il est vrai que les « gusanos » (l’ancienne bourgeoisie cubaine qui est parti à Miami lors de la révolution) mettait au-dessus de tout la condition que les Castro soient virés du pouvoir; mais ce n’était pas une possibilité plausible dans l’horizon plus ou moins proche.

Obama a fait le pari d’un travail plus lent mais plus sûre de la restauration du capitalisme dans une île qui semble figé dans les années 1950, dont les conquêtes sociales obtenues avec la révolution se dégradent pour retourner au « vieux chaos» d’un très faible niveau de vie qui, surtout, n’apporte apporte des perspectives de progrès à la nouvelle génération (voir article en page 10).

Un changement de tactique a été réalisé: le but de renverser les Castro a été laissé de côté, les relations diplomatiques ont été rétablies, les ambassades ont été rouvertes, la volonté de lever le blocus économique a été exprimée (fait qui dépend d’un Congrès états-unien où la plupart sont républicains, qui s’opposent à cela) au profit d’une orientation d’avancer ensemble dans une restauration capitaliste dans l’île.

Les changements d’air dans la région, les progrès de la politique états-unienne à Cuba, la chute sans fin du Chavisme au Venezuela, l’éventualité que même au Brésil arrive un gouvernement plus favorable au libre marché, ce sont les tendances qui sont favorables aux États-Unis, dessinant une situation réactionnaire en Amérique latine qui fait bien évidemment plaisir au président des Etats-Unis.

Obama: le visage sympathique de l’impérialisme

Ici aussi, les vents sont favorables pour Obama: Macri a mis en place un gouvernement pro-marchés et « d’ouverture au monde », ce que signifie tout simplement un retour absolu du neolibéralisme qui avait été mis de côté partiellement sous le kirchnerisme.

Les temps ont changé, le pendule est allé du populisme vers la droite, Macri a réussi son pari de faire approuver le paiement de la dette envers les fonds vautours ancré  par l’idée que « les dettes doivent être payés » et le chantage que sans prendre des prêts financiers de l’extérieur « l’ajustement serait beaucoup plus dur ». La population est préoccupée par les scandales de corruption survenus sous le kirchnerisme, mais moins attentive à des dizaines de milliards de nouvelle dette qui vont hypothéquer encore une fois le pays et qui peuvent conduire à un nouveau défaut de paiements dans quelques années.

Dans ce contexte, Obama arrive au pays pour légitimer tout ce cours réactionnaire. Obama n’a pas l’air d’être un président de l’impérialisme; son personnage de personne de couleur lui donne une aura qui brouille le fait qu’il représente, comme n’importe quel autre  président yankee, les intérêts de l’impérialisme de ce pays.

La confusion qui règne dans la majeure partie de la population permet aux classes dominantes d’aller très loin. Un exemple de ceci est l’article publié par Carlos Pagni dans La Nation, le samedi 12 mars. Une véritable provocation dans laquelle l’auteur essaie de faire passer l’idée que ce n’étaient pas les États-Unis qui ont soutenu le coup d’Etat, mais la gauche. La provocation a été montée en profitant d’un fait indélébile: la direction du PC argentin a été complice de la dictature militaire, ce qui n’a pas empêché que ses militants et sympathisants aient été victimes de la répression. Mais cette honte du stalinisme n’est pas extensible à toute la gauche, qui a eu des centaines de disparus dans les mains des génocidaires.

Mais l’autre partie de cette provocation concerne le rôle de l’impérialisme yankee dans son soutien à la dictature. En ce sens, la complicité de Henry Kissinger, Nixon, de Gerald Ford, présidents et ministre des affaires étrangères à l’époque, est impossible à cacher. La manœuvre d’exonérer le gouvernement américain et de disculper Obama se fonde dans le fait que ces fonctionnaires étaient du Parti Républicain et pas du Parti Démocrate d’Obama. En outre, ils s’excusent dans le fait que ce parti, une fois consommés les coups contre-révolutionnaires et la majeure partie des disparitions, a changé de tactique et a monté une mise en scène de préoccupation pour les droits de l’homme comme un moyen d’établir un contrepoids à la répression.

Tout cela est une hypocrisie colossale: on cache, par exemple, que le parti d’Obama, le Parti « Démocrate », a participé avec les républicains dans toutes les interventions impérialistes qui ont été menées dans ce siècle dans la région et dans le monde; ou est-ce que nous pourrions oublier l’invasion de Cuba impulsée par Kennedy en 1961, ou les bombardements de Clinton dans les années 90, de l’intervention en Somalie, dans l’ex-Yougoslavie ou les meurtres avec des « drones » et les méthodes de terrorisme d’État que mène Obama lui-même ?

Les sondages publiés ces derniers jours montrent que la confusion avec Obama est assez grande; 51 % de la population argentine a une image favorable de lui. Toutefois, il y a un point sur lequel la majorité des gens sont d’accord et qui n’est pas favorable ni à lui ni à Macri: c’est la question la complicité avec la dictature militaire, la question des droits de l’homme.

Malgré le fait qu’Estela de Carlotto, dirigeante historique des Grands-mères de la Place de Mai, était prête à rencontrer Obama, une réunion que nous croyons serait une grave erreur de la part de cette organisation, car cela augmente la confusion et la légitimation de l’impérialisme américain et d’Obama, finalement celui-ci ne pourra pas être présent dans l’ESMA (École Mécanique de l’Armée, utilisée comme centre clandestin de détention et de torture), comme l’auraient souhaité Macri et Avruj, son « Secrétaire des droits de l’homme ».

La réalité est qu’Obama exprime la continuité de l’impérialisme yankee: c’est juste un visage plus sympathique qui vise, entre autres, à récupérer une partie de l’influence perdue par les Etats-Unis dans le monde et en Amérique latine, l’un des problèmes dramatiques que les Etats-Unis traînent depuis leurs défaites au Proche-Orient sous le Président George Bush; et le terrain  perdu comme sous-produit des rébellions populaires qui ont traversé la région au début de ce XXIème siècle.

Et Macri lui rend service, tout simplement, parce que c’est un gouvernement d’hommes d’affaires et de puissants, dont l’un des bases d’appui est, précisément, l’impérialisme américain, avec lequel il renforcera les efforts visant à approfondir l’agenda néolibéral et réactionnaire dans notre pays et dans la région dans son ensemble; on dit même qu’ils seraient en train d’entamer des discussions pour mettre en place un accord de libre échange de l’Argentine avec les États-Unis, des traités qui ne feront que renforcer le caractère sous-développé, dépendant de l’exportation des matières premières et de désindustrialisation de nos économies et qui empêchent tout développement indépendant possible. L’impérialisme yankee et les multinationales sont heureuses.

Tous dans les rues le 24. Dehors Obama de l’Argentine; battons en brèche le gouvernement réactionnaire

Mais ce n’est pas comme si Obama et Macri avaient déjà gagné la partie. Ce jeudi 24 on vivra certainement une énorme journée contre le gouvernement de Macri. Il y a deux appels différents parce que les programmes sont différents. D’une part, celui-ci des organisations de droits de l’homme liées au kirchnerisme et d’autre part celui du Rencontre Mémoire, Vérité et Justice, qui regroupe la gauche et qui a la perspective de résoudre de manière définitive et complète les responsabilités du génocide par une voie anticapitaliste.

Toutefois, au-delà de cette différence importante, toute la journée sera une journée contre le gouvernement de Macri; aucun des appels ne sera en faveur du gouvernement.

Le 24 mars sera le 40e anniversaire du coup d’Etat militaire, et nous serons les protagonistes d’une vaste mobilisation, qu’au-delà des différences, sera unitaire dans le sens du rejet du gouvernement réactionnaire de Macri, et que, malgré la situation défavorable que nos traversons encore, ne passera pas inaperçue: ce sera la journée de lutte de masses ou d’avant-garde de masses la plus grande contre le gouvernement de Macri depuis son arrivée au pouvoir, et une mise en garde aussi: de plus en plus le mécontentement avec le gouvernement croît, la hausse des prix sidérales est un sujet de conversation de plus en plus répandue parmi les travailleurs, la « lune de miel » commencera à  terminer bientôt, et à cela nous devrons ajouter que dans l’Argentine ce n’est pas si facile que ça de faire sortir le peuple des rues, comme nous le démontrerons ce 24.

Avec le slogan de « battons en brèche le gouvernement réactionnaire, dehors Obama de l’Argentine », notre parti va mettre des milliers de camarades dans la rue; attention, malgré la trahison des dirigeants syndicaux et les bavardages de « l’opposition » des kirchneristes devant le Congrès, qui n’a aucune conséquence pratique (et sachant que le kirchnerisme a déjà garanti à Macri le soutien du Sénat pour l’adoption du paiement pour les fonds vautours), les forces des travailleurs n’ont pas encore été entièrement prouvées et dans un virage des circonstances la colère qui grandit et la mobilisation par en bas pourraient coïncider pour mettre au gouvernement réactionnaire une claque qu’il n’oubliera jamais.

Le Président posera avec Obama mercredi, mais le jeudi des centaines de milliers serons dans les rues pour s’opposer au gouvernement de Macri, pour répudier le protocole réactionnaire contre les luttes, pour dire qu’il ne faut payer même pas un centime de plus aux fonds vautours et en criant fort « Dehors l’impérialisme, dehors Obama de l’Argentine ».

Ce 24 mars nous t’invitons à l’échelle nationale à participer avec les cortège du Nouveau MAS, de la jeunesse du Ya Basta!, de l’organisation féministe Las Rojas, de l’organisation de travailleurs Carlos Fuentealba et la Liste Nationale Marrón du Syndicat du Pneumatique.

Editorial Journal Socialismo o Barbarie N°372 (Argentine), 23/3/16

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